L’Iran sur la corde raide entre l’Ouest et l’Est

L’Accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien, le JCPOA en anglais (Joint Comprehensive Plan of Action), peut-il survivre, voire renaître ? Après des mois de vaine renégociation par tiers interposés, les Américains vont-ils ou non revenir dans le jeu ?

Une chronique de Joëlle Hazard, ancienne rédactrice en chef de FR3 et experte sur le Moyen Orient

 

C’est à une double condition que l’Iran pourrait revenir dans le jeu des négociations de l’Accord de Vienne avec les États-Unis. La première est que les Gardiens de la Révolution – les « grognards » du régime iranien, leurs « Poilus » – ne soient plus qualifiés de terroristes. La seconde est que les Américains ne puissent pas se retirer de l’Accord à une seconde reprise, comme ils l’ont fait sous la présidence de Trump, et qu’ils ne rétablissent pas alors de sanctions.

Menaces iraniennes

La situation pour l’instant est périlleuse. L’Accord de Vienne pourrait subir un « coup fatal », si l’Iran désactivait d’ici deux semaines, comme il en a fait l’annonce, 27 caméras de surveillance : l’AIEA ne serait plus en mesure de poursuivre sa mission. Il faut attendre, pour tirer des conclusions, que le président américain Joe Biden revienne du voyage, hier encore très improbable, qu’il entreprend la porte à côté, en Israël et en Arabie saoudite !

Les circonstances ne se prêtent pas au durcissement vis-à-vis d’un pays islamique, l’Iran, qui pourrait bannir l’arme nucléaire. On on doit faire mine de le croire. Personne ne désire enterrer l’Accord de Vienne, personne ne désire de nouveaux conflits.  Celui d’Ukraine est suffisant.  Le Donbass et la Crimée mobilisent non seulement l’attention du monde entier, mais aussi tous les moyens logistiques de la Fédération de Russie et de l’OTAN. 

La crise d’identité israélienne

Israël traverse de son côté une crise d’identité d’une profondeur inouïe : les Accords d’Abraham lui font l’effet d’un choc permanent. C’est pour asseoir leur légitimité que les dirigeants israéliens vocifèrent de plus belle contre l’Iran et le Hezbollah ! L’État Hébreu, sinon, deviendrait banal comme tout un chacun. Quant à Joe Biden, il est à quatre mois de l’échéance des Midterms et il n’a pas de marge de manœuvre. Mais il faut attendre encore quelque temps.

L’Iran a beau jeu d’en profiter au maximum. Il donne aux Russes l’impression de se coordonner avec eux dans l’adversité ; il cajole ses voisins immédiats les uns après les autres. Il signe des protocoles et passe des accords économiques dont l’intérêt se vérifiera à long terme. Il y a à peine dix jours, le président Raïssi a rejoint le 6ème Sommet des pays riverains de la Mer Caspienne pour y rencontrer le président Poutine – personne n’y était vassal ou suzerain.

L’or noir iranien

En dépit des sanctions américaines, et grâce à elles quand on y réfléchit, l’Iran tire parti du niveau exceptionnel des prix actuels du Gaz et du Pétrole. Il est impossible aux Chinois de respecter les sanctions américaines – il ne peuvent que faire semblant. Les Américains ne veulent pas non plus asphyxier l’Extrême-Orient. À leur corps défendant, ils ferment les yeux sur les échanges qui prolifèrent avec les « damnés de la terre » ! L’ironie veut que l’Iran et le Venezuela soient assis des réserves énormes d’hydrocarbures et que l’Amérique et ses alliés soient les propres victimes de leurs propres interdits. La situation ne pourra pas durer éternellement.

L’Iran a été admis par l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) qui compte 21 pays dont la Chine, l’Inde et le Pakistan, et Téhéran a demandé à intégrer le groupe des puissances émergentes des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – autant de puissantes organisations qui attirent comme un aimant un pays comme celui-là.  

L’Occident a raison de redouter qu’il ne soit bientôt trop tard pour empêcher les pays émergents de s’agglutiner autour de la Chine et de la Russie. La question est de savoir si l’Afrique et la Péninsule arabique basculeront dans le camp anti occidental. L’Iran en donnera le signal… ou celui du contraire.

À Jérusalem et à Riyadh, cette question devrait être rapidement examinée, mais avec le soin et la gravité qu’elle mérite. C’est le triumvirat constitué par le président des États-Unis, le chef de l’État Hébreu et le roi Salman d’Arabie,  trois responsables en sursis, qui prendront ou non la (sage) décision qui fera pourtant l’Histoire.