Assoa Adou : « Gbagbo est le Ghandi africain ! »

La grand-messe de l’investiture approche pour Laurent Gbagbo. Le 10 mai prochain, la convention du PPA-CI, va entériner sa candidature à… la candidature en vue de la présidentielle de 2025, en Côte d’Ivoire. A charge pour l’ex-président et son parti de franchir l’ultime obstacle qui se dresse sur le chemin d’une candidature Gbagbo effective à l’élection suprême : l’amnistie. Laquelle lui rendrait ses droits civiques en gommant toute trace de sa condamnation à vingt ans de prison par la justice ivoirienne dans l’affaire dite « du casse de la BCEAO ». Que fera Alassane Ouattara ? Le 30 novembre 2019, à Katiola, l’actuel président ivoirien avait dit que « le temps de l’exclusion (était) terminé » en Côte d’Ivoire. Affirmant qu’exclure des candidats pour rester au pouvoir n’était « pas (son) genre », le chef de l’Etat s’était réclamé la démocratie, assurant que « tout le monde pourra être candidat ». Gbagbo amnistié ? Premier vice-président du PPA-CI, Assoa Adou veut y croire. De passage à Paris, ce fidèle parmi les fidèles de Laurent Gbagbo souligne la chance pour la Côte d’Ivoire qu’incarne son camarade de lutte de toujours. Entretien exclusif.

Norbert NAVARRO

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Mondafrique : Le 10 prochain, la récente décision du comité central du PPA-CI de faire de Laurent Gbagbo son candidat à l’élection présidentielle de 2025 va être entérinée par la convention du parti. Le 10 mai, fini les débats internes au parti ? Ou bien ?.. :

Assoa Adou : Le 10 mai sera un événement très important parce que, pour 2025, il faut que le parti se regroupe autour de son leader, Laurent Gbagbo. Il ne faut pas attendre la dernière minute, il faut que tout cela soit clair afin que le candidat se prépare et que son équipe se mobilise pour aller en campagne. Mais je ne vois pas de débat interne au parti.

Mondafrique : Que représente aujourd’hui Laurent Gbagbo pour la Côte d’Ivoire ? :

La Côte d’Ivoire a eu une chance, le PPA-CI a eu une chance, que Laurent Gbagbo soit sorti vivant de la CPI. Lorsque les pilotes d’hélico ou des aéronefs français bombardaient la résidence du président Gbagbo (qu’ils ont caricaturé en l’appelant « bunker » alors qu’il s’agissait bien d’une résidence présidentielle), ça n’était pas pour que Gbagbo sorte vivant, c’était pour qu’il meure, que toute sa famille meure, enfants, épouse, tout le monde ! Heureusement il n’est pas mort. Ensuite, on l’a amené au nord de la Côte d’Ivoire, puis on l’a pris, on l’a déposé à la CPI. Certains juristes français affirmaient qu’il allait écoper de 50 ans de prison au minimum. Et il sort ! Grâce à la mobilisation des Ivoiriens et surtout, comme les juges l’ont dit, par le fait qu’il n’est responsable de rien, il n’a rien fait. Mais c’est sans haine pour qui que ce soit que Laurent Gbagbo est sorti de cette prison. Gbagbo est un pacifiste. Pour moi, c’est le Gandhi africain ! La non-violence ! Il pense que la parole peut amener le changement en tant que bon chrétien. Au commencement était la parole. Beaucoup de pays africains n’ont pas eu cette chance. Leurs leaders ont été liquidés physiquement. Les Ivoiriens ont en souvenir tout ce que Laurent Gbagbo avait proposé vouloir faire pour la Côte d’Ivoire, pour en faire un Etat moderne et si possible une nation solide.

Mondafrique : Donc, à partir du 10 mai, plus de débats internes au PPA-CI concernant le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2025 ? :

Assoa Adou : Je suis partisan des débats, il peut toujours y en avoir, c’est l’ADN des partis politiques, il ne faut pas museler les militants, il faut les laisser parler pour que la ligne juste triomphe et que les militants se regroupent autour d’elle. Donc avoir des débats, il n’y a rien de mauvais. Ce qui est mauvais, ce sont les calomnies, les luttes personnelles de positionnement. Mais à partir du 10 mai, le candidat, c’est Laurent Gbagbo, point final. Maintenant, si quelqu’un veut sortir des rangs du parti pour être candidat indépendant, c’est son problème.

Mondafrique : Si tel est le cas, le frondeur sera-t-il exclu du parti ?  

Assoa Adou : Je ne l’envisage même pas… Le parti s’est réuni en comité central, il n’y a pas eu plusieurs candidats, il n’y en a eu qu’un seul. Le comité central a bien respecté les textes du parti pour que la convention se réunisse.  

Mondafrique : Au-delà de la convention, Laurent Gbagbo va-t-il pouvoir unifier la gauche ivoirienne ? :

Assoa Adou : J’ai toujours dit que le rassemblement ne doit pas être une vue théorique. C’est dans la lutte que le rassemblement se fait. Si les gens sont dans la lutte, ils vont se retrouver. S’ils restent dans leur salon en tant qu’individu et passent leur temps à dire « moi, moi, moi », ce n’est pas intéressant.

Mondafrique : Vous pensez à qui en disant ça ?

Assoa Adou : Je ne pense à personne, je le dis pour tout le monde. Je suis un militant, un homme politique. J’ai été un syndicaliste. Au syndicat, on a lutté, on a rassemblé nos amis. Les partis politiques, c’est la même chose. Pour le moment, je ne parle que du PPA-CI. On est nouveau, on se consolide, on s’étend, on propage. C’est ce qu’on voulait faire, c’est tout. Des années 1968, 70, 80 jusqu’à maintenant, beaucoup ont pris la voie de la lutte politique en Côte d’Ivoire et surtout à gauche, mais il y a un qui a transcendé, c’est Laurent Gbagbo. Il est populaire au niveau de toutes les ethnies de Côte d’Ivoire. C’est un élément important. Laurent Gbagbo n’est pas le candidat du « il est de chez moi » ou « il est de chez nous ». Non, c’est un vrai militant de gauche. C’est pourquoi je dis que c’est une chance. Parce qu’en Afrique, ce qui tue les gens, c’est qu’on arrive au pouvoir et on tombe dans le népotisme, dans le clanisme et dans le tribalisme. Quand on fait campagne aujourd’hui en Côte d’Ivoire, on voit des jeunes qui ne l’ont pas connu parce qu’ils étaient à l’école primaire quand on l’a arrêté. Mais aujourd’hui, ils sont pro-Gbagbo. C’est extraordinaire !

Mondafrique : Justement. Etant rappelé son échec aux élections locales de l’an dernier, le PPA-CI est-il suffisamment implanté à vos yeux en Côte d’Ivoire ? :

Assoa Adou : En tout cas, le PPA-CI avance vite. A sa naissance, lorsqu’on a fait la liste de ceux qui ont tapé sur leur poitrine pour financer le congrès, on était à 45 000 personnes. Du jamais vu en Côte d’Ivoire ! Donnez-moi un exemple de parti politique ayant réussi un tel coup d’envoi. Il n’y en a pas.