Said Bensdira, un « réfugié » à la solde des clans algériens, arrêté à Paris

Said Bensdira, un youtubeur installé à Londres qui se présente comme « réfugié politique », vient d’être arrêté en France ce samedi 27 avril.  Lui qui diffuse des révélations fracassantes sur le pouvoir algérien est en fait un aimable correspondant de certains clans des services secrets à qui il sert de boite aux lettres en Europe pour relayer des informations peu fiables, des confidences nauséabondes sur la vie privée et des analyses sommaires. 

L’ex patron des services secrets Algérien (SM) qui est mort assassiné à Alger par un commando de tueurs, le Colonel Kasdi Merbah, est entouré de jeunes journalistes: à sa droite en costume, clair, le jeune Essaid Bensdira; sur sa gauche, Mohammed Seghir Sellam et Ali Fodhil devenus grands patrons de presse arabophones réputés très proche des services de sécurités algériens

Né le 13 mars 1968 à Birine, petite ville algérienne, Said Bensdira, qui se livre sur les réseaux sociaux à des révélations fracassantes, est enrôlé en tant qu’informateur des services de la sécurité militaire algérienne à la fin des années quatre-vingt, qui avait l’habitude de recruter dans les milieux universitaire et journalistique.

Recruté pour son affiliation tribale notable par le DRS, Said Bensedira ne montre aucune qualité à dresser des analyses ou des évaluations de situations, de l’avis des es propres collègues et responsables, indique notre source, qui le désigne, non sans mépris, comme « une petite main » de ses commanditaires à Alger.

Dès le soulèvement du 5 octobre 1988 qui donnera le jour à quelques années de pluralisme politiques pendant lesquelles les forces islamistes seront portées par une majorité populaire, il est mandaté pour exécuter des missions de surveillance commanditées par l’ex-DRS. Sous couvert de journalisme, Bensedira allait espionner activement syndicats d’étudiants universitaires, collègues journalistes, politiciens, dirigeants communautaires, mais également des gens ordinaires. C’est son ex-compagnon au DRS, Karim Moulai, qui le révèle en 2010, alors qu’il était demandeur d’asile en Ecosse, à la télévision écossaise. Tous les moyens sont utilisés pour infiltrer différentes cibles des services : chantage, corruption, intimidation etc.

Un vrai faux combattant

Ancien cadre du parti de l’ex Premier ministre Ahmed Ouyahya, fondateur du RND en 1997, notre homme qui a toujours eu besoin d’une couverture journalistique, sera même rédacteur dans un quotidien arabophone animant une rubrique sur la vie sentimentale de la jeunesse algérienne, Essaid Bensdira s’était engagé comme « volontaire », selon ses dires, dans les groupes armés crées par les services de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme islamiste des années noires (1992-1998). Pour se faire valoir, ce lanceur d’alerte d’un genre particulier ne cesse de revenir à cette période tragique de l’histoire algérienne comme si il avait joué un role majeur sur le terrain miné d’une guerre fratricide. Les exactions commises par les groupes d’auto défense et les milices encadrées par les services de sécurité qui ont provoqué la mord de milliers d’Algériens  furent dénoncées par les militants des droits de l’homme algériens et internationaux.

Un proche de Bensdira révèle à Mondafrique que « Essaid n’a jamais été coopté par le DRS, les services secrets dirigés pendant un quart de siècle par le général Toufik, qui reste toujours influent à Alger depuis la mort de Gaïd Salah. En fait, c’est lui qui a proposé ses services dès son entrée dans le milieu journalistique ».  Ce Rastignac dévoré par l’ambition est vite recruté par le centre de communication et de diffusion dirigé par le général Tahri Zoubir, alias Hadj Zoubir et dépendant directement du DRS de Toufik. Une recrue de seconde main car le service dispose de grands patrons de médias écrits et visuelles usant de ses deux armes dissuasives : l’imprimerie et la distribution de l’espace publicitaire. Cependant, le besoin d’avoir des éléments à l’intérieur des coulisses des journaux s’avérait nécessaire.

« La majeure partie des journalistes se méfient du jeune Bensrira au sein des rédactions », nous confie la même source. Voyant sa carrière politique et journalistique figée dans le temps, il décide de tenter sa chance à l’étranger. Sa destination était les pays du Golfe, d’abord aux Emirates arabe unis puis à Oman, mais sans grand succès.

« Allo, Londres ! »

C’est alors qu’il est mandaté par ses « parrains » au sein du système militaire algérien pour se fixer à Londres où il tente de se rapprocher des opposants comme le diplomate Mohamed Larbi Zitout, qui lui donne quelques subsides, ou des militaires dissidents comme le capitaine Hassine Ouaguennoun, alias Haroune, ou le capitaine Ahmed Chouchane. En dépit des rencontres, Bensdira n’a pas réussi sa mission d’amorce, la méfiance de ses interlocuteurs le marginalisant au sein de la communauté des opposants au pouvoir algérien. 

Aigri par une carrière bloquée et voyant ses amis des débuts devenir des grands patrons de presse (Ali Foudhil, Mohamed Sehir Sellam, Habeth Hannachi, Anis Rahmani),  décide de faire son chemin sur les réseaux sociaux à travers des lives YouTube. Ainsi, chaque soir, il concentre ses attaques, ses menaces, contre tout opposant au système faisant ouvertement l’apologie des services de l’ancien État profond des années 90. « Le Rangers est la seule solution possible » clame-t-il dans une allusion claire aux militaires. Le slogan clôture toutes ses interventions vidéos.

On le découvre attaquant l’entourage du clan Bouteflika tout en prenant ouvertement position, dès le début de la mobiisation populaire du Hirak en faveur du clan du général Toufik, revenu en force sur le devant de la scène  après avoir été marginalisé sous le court règne de Gaïd Salah, qui aura été patron de l’Algérie depuis le départ de Bouteflika jusqu’à son décès brutal en décembre 2019. La mission du « réfugié » et « journaliste » Bensdira est de faire contrepoids à l’influence des vrais opposants au système réfugiés à l’étranger et devenus très populaires sur la toile: l’ex officier des services algériens, Hicham Aboud, Amir Dz, l’islamiste Zitout, ou encore le Capitaine Haroun.

Sur cette photo, Said Bousdira pose en Espagne aux cotés du général Nezzar, récemment décédé, qui fut un des hommes forts du pouvoir militaire dans sa lutte contre les maquis islamistes

Cet agent d’influence se rapproche du général Nezzar et de son fils Lotfi durant leur exil doré en Catalogne espagnole où il tente d’avoir un coup d’avance en se diversifiant vers d’autres officines: la DGDSE (services extérieurs) du général Djebbar Mhenna, la DGSI (contre espionnage) du général Kamel Majdoub Rehal. Depuis février 2023, ce mercenaire n’avait cessé d’attaquer le directeur de la DGSN, Farid Bencheikh, ce proche de l’actuel directeur de cabinet du président Tebboune qui a été poussé vers la sortie par l’institution militaire.

L’agression du 10 mai 2023

Très actif sur YouTube, Bensdira est aussi très mobile se déplaçant en permanence entre Londres, Barcelone, et des passages fréquents à Paris. C’est dans les Hauts de Seine en banlieue parisienne, qu’il est la cible d’une agression, le 10 mai 2023, par deux individus. L’objectif des assaillants est de récupérer le téléphone principal de la victime. Cette opération commandée par un service concurrent fut filmée.

Une fois transféré à Alger, le téléphone portable de Bensdira fut minutieusement scruté et analysé par les services des renseignements généraux de la DGSN proche de la présidence. Une mine d’informations fut découverte, l’annuaire du téléphone regorge de contacts avec des numéros en Algérie mais aussi en Europe, des photos, des déroulés des communications non effacées. Le téléphone dispose d’une application payante qui enregistre automatiquement les communications. Ce qui a facilité le travail des analystes.

D’autres nom apparaissent: des hauts officiers, des hommes d’affaires. Des captures d’écrans également sur des transferts d’argent sur les comptes de Bensdira dans deux pays européens. Le nom qui revenait le plus est celui du directeur de cabinet du général Djebbar Mhenna, patron de la DGDSE (services extérieurs) un certain colonel Hasni.

Panique au sein des services  

Les services de l’armée (DGSI, DGDSE, DCSA) sont pris de panique face à cette nouvelle donne qui place le duo composé par celui qui est encore le patron de la police à la tète de la DGSN, Farid Bencheikh et l’actuel directeur de cabinet à la présidence Boualem Boualem, en position de force contre les commanditaires de Bensdira. Un rapport est rédigé par les Renseignements généraux et remis aux mains du président Tebboune.

A cet instant, tout le monde parie sur le départ du général Mhénna ainsi mis sur la sellette. On accuse chez les militaires les services français qui auraient couvert l’opération qui a eu lieu sur son territoire. C’en est trop, à leurs yeux, après l’exfiltration de l’opposante Amira Bouraoui depuis la Tunisie en février 2023, et après la fameuse réunion tenue à Tel Aviv entre les services israéliens, marocains, et français. Au sein de l’armée algérienne, on suspecte Emmanuel Macron et ses conseillers d’agir en fonction de deux objectifs: affaiblir les services de l’armée et renforcer le clan du Préisent Tebboune, au mieux avec l’Élysée, pour un second mandat. 

La Présidence algérienne ne parvient pas à transformer l’essai et perd son bras de fer contre l’institution militaire. Lors d’une rencontre, début octobre, entre le chef d’état-major, Said Chengriha, et le président Tebboune, le limogeage du général Djebbar Mhenna, chef des services extérieurs est écarté. En revanche, le patron de la police, acquis au clan présidentiel, est désormais plus proche dela porte que de l’augmentation, comme le montrera sa brutale éviction quelque temps après (voir l’article ci dessous)

Les militaires algériens veulent bien soutenir l’idée d’un deuxième mandat pour le Président Tebboune. À condition que ce dernier soit dépossédé de la plupart de ses prérogatives, simple vitrine civile au seul pouvoir qui tienne en Algérie, celui de l’Armée.

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