Bras de fer entre les producteurs de cacao ivoiriens et le pouvoir

Women from a local cocoa farmers association called BLAYEYA work with cocoa beans in Djangobo, Niable in eastern Ivory Coast, November 17, 2014. BLAYEYA is a women's only association with each member owning a field and planting cocoa. Picture taken November 17, 2014. REUTERS/Thierry Gouegnon (IVORY COAST - Tags: BUSINESS AGRICULTURE FOOD SOCIETY) - GM1EABI1NFD01

En Côte d’Ivoire, les planteurs de cacao réclament 2.500 FCFA par kilogramme à l’Etat pour vendre leur récolte au lieu des 1.500 FCFA par kilogramme annoncés en avril dernier. Mieux, ils revendiquent également la cession de la filière aux paysans.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

C’est un dialogue de sourds. Et il persiste entre le gouvernement ivoirien et ses producteurs de cacao depuis que le premier a choisi de revaloriser à 50% le prix bord-champ de la fameuse fève dans l’espoir de calmer la fronde. Selon le ministre de l’agriculture, qui a la propagande d’ordinaire facile et bon marché, c’est une grande première à mettre à l’actif du président Ouattara qui est « une chance pour les acteurs de la filière », a-t-il soutenu. Certes, certains planteurs plutôt proches du gouvernement ont aussi salué ce prix (1.500 FCFA, soit 2,2 euros le kilogramme) qui coïncidait sur le marché international avec des prix bord-champ plutôt records. C’est le cas au Cameroun où le cacao était acheté à 5.100 FCFA, soit 7,6 euros le kilogramme tandis que Madagascar, la Guinée et le Ghana alignaient respectivement 3.000 FCFA, soit 4,5 euros le kilogramme, 4.000 FCFA, soit 6,1 euros le kilogramme et 2.000 FCFA, soit 3 euros le kilogramme.

Un cador sans pouvoir

Le Ghana produit 20% de la production cacaoyère mondiale, contre 40% pour la Côte d’Ivoire dont la totalité de la production est estimée depuis plusieurs années à 2,4 millions de tonnes. Les deux pays produisent ainsi 60% du cacao mondial et il est devenu de plus en plus incohérent que le premier producteur mondial ne dicte pas son prix au marché international, d’une part, ou que ses producteurs, à tout le moins, ne touchent que 1.000 FCFA pour la tonne et maintenant 1.500 FCFA depuis le début de la campagne intermédiaire.

Et puisque la tutelle n’a pas compris réellement l’ampleur de ce qui se joue dans la filière, les producteurs se sont réunis le vendredi 12 avril dernier à Daloa, à 374 kilomètres environ d’Abidjan et ont réclamé au minimum 2.500 FCFA par kilogramme parce que, contrairement à ce qui est dit, les gains engrangés par l’Etat seraient plutôt de 6.000 FCFA par kilogramme, au lieu des 3000 FCFA par kilogramme, ont estimé les producteurs.

Cela dit, le malaise de la filière cacaoyère ivoirienne ne se limite pas à la seule fixation du prix. Bien au contraire, ceux-ci ne seraient qu’une conséquence de la mauvaise gouvernance de la filière qui ne profite qu’à une élite gouvernementale, ont encore dénoncé les paysans. A titre d’illustration, les planteurs réclament aussi une revalorisation du différentiel versé aux coopératives de planteurs qui était de 85 Fcfa et que les concernés veulent à 250 FCFA en raison du renchérissement du coût du carburant et de la dégradation des pistes villageoises qui ont eu « des conséquences sur le prix du transport », a dénoncé Marcel Tia, le patron des planteurs.

Nettoyage institutionnel

Les planteurs de cacao de Côte d’Ivoire réclament également la révision des textes régissant la gestion du café-cacao, ainsi que la cession de cet outil aux paysans puisque les vrais producteurs sont absents du conseil, a encore dégainé le président de l’ANAPROCI, Marcel Tia. Qui demande également qu’un audit des fonds de soutien et de réserve soit diligenté. Les différents fonds n’ont jamais réellement pu soutenir les prix aux planteurs. « Nous ne nous reconnaissons pas dans les responsables de la filière café-cacao », a d’ailleurs coupé sèchement Marcel Tia.

Pourquoi l’Etat d’a-t-il choisi par décret les planteurs qui siègent au sein du Conseil café-Cacao? Encore une interrogation qui alimente ce malaise en train de se transformer en guerre ouverte. Les producteurs pourraient ne pas cueillir le cacao pour faire payer un lourd tribut au gouvernement ivoirien.