L’impressionnante poussée chiite en Afrique

Depuis 1979, date de la prise de pouvoir de l’Ayatollah Khomeiny en Iran, le régime Iranien a tenté d’exporter sa doctrine à l’extérieur de l’Iran. L’Afrique de l’Ouest, à l’exception du Nigeria, compterait à elle seule sept millions de chiites. La République du Niger est un de ces laboratoires de l’imprégnation chiite

Notre envoyé spécial au Niger, Yahia MEKHIOUBA

La propagation du chiisme en Afrique est un fait ressenti dans la communauté musulmane Africaine. Deux exemples parmi d’autres: selon les rapports publiés par Ahl Al-Bayt Youth Assembly, un media chiite, 500 000 chiites au Sénégal sur une population totale de 12 millions de citoyens. Ce pays a connu une croissance fulgurante des chiites ces dernières années. Un centre chiite a été créé sous le nom de « Ahl al-Bayt Youth Assembly », en Guinée qui enregistre une grande croissance du chiisme, selon Mahmoud Abdullah Ibrahim, le chef des chiites des Comores.

Quels sont les moyens par lesquels le chiisme s’est propagé dans ce continent? Un reportage au Niger permet de répondre en partie à cette question

1 – Moyens éducatifs : Si nous regardons les moyens par lesquels le chiisme se propage en Afrique en général et au Niger en particulier, nous constatons qu’il se concentre sur l’aspect éducatif qui est bien accueilli par les peuples Africains et les gouvernements qui voient là une manière de se décharger d’une lourde tâche administrative et financière pour leur budgets de fonctionnement très limités et affaiblis par les nombreuses crises structurelles des économies sub-sahariennes, les chiites ont donc créé plusieurs écoles pour cela dans certains pays africains, tels que : la République du Ghana, la Sierra Leone et le Nigéria où le nombre de chiites y est estimé à une dizaine de millions, le Sénégal, la Guinée et la Tanzanie avec la création d’un grand centre d’enseignement des préceptes chiites dans la ville de Arusha. Le chiisme se propage aussi au Kenya, les Comores, et le Soudan par la même stratégie basée sur l’éducation et les moyens d’enseignements.

Quant au Niger, ils ont établi une Hawza scientifique sous la bannière d’une école privée dans la capitale Niamey en 1995, elle a été baptisée l’école Al-Rasoul Al-Akram pour accueillir les élèves coupés des moyens d’éducation conventionnels souvent loin des capacités financières des familles pauvres et après que le secteur public a eu à montrer ses limites d’accueil. L’accès à école chiite de Niamey était gratuit pour les enfants pauvres, tout en offrant un logement et une nourriture gratuite à ses élèves, et ils ont choisi pour cela les meilleurs professeurs avec de bons salaires, puis ils ont ouvert un programme hebdomadaire pour former des professeurs d’enseignement arabe et islamique, dans les locaux de l’école, la nourriture leur ait distribuée gratuitement à la fin de chaque semaine. Pour les manuels et les programmes l’administration de l’école a décidé de ne pas suivre le programme du gouvernement, tous les programmes ont été importé d’Iran, il faut signaler que ces programmes importés ne contenaient pas d’enseignement direct au chiisme, les manuels des cours grammaticaux sont également importés d’Iran, et l’école est supervisé par un superviseur iranien, qui parle couramment la langue arabe.

 à la suite de cette école, un lycée privé a été créer avec des manuels qui suivent le cursus gouvernemental en matière d’enseignement, mais ce qui a été observé est que l’activité scolaire a été utilisée comme une opportunité de diffuser la pensée chiite parmi les élèves, ce premier lysée a été suivi par un autre lycée dans le même style dans les quartiers huppés de la ville de Niamey, sa gestion a été confié à quelques jeunes diplômés d’autres écoles chiites de Afrique de l’Ouest, la méthode par l’enseignement et l’éducation des masses populaires les plus vulnérables socialement a été largement le véhicule privilégié de la pensée chiite répandue au Niger et dans d’autres pays africains.

 Des écoles chiites au Niger sortent chaque année une soixantaine de diplômés initiés au culte chiite ou sympathisants avec celui-ci, ces diplômés sont ensuite envoyés dans les régions reculées du pays pour y enseigner dans les écoles locales publiques ou privé, et où ils peuvent répondre la doctrine chiite en toute liberté. Depuis l’année 2010 la communauté chiite du Niger a réussi à ouvrir plusieurs écoles primaires dans la capitale et dans certaines régions, et même une université islamique à Niamey, qui s’appelle « Al -Mustafa International University » ses étudiants son boursiers, et bénéficient d’un régime d’internat avec la nourriture gratuite, ce qui est un atout majeur dans le recrutement des étudiants les plus brillants en Afrique.  L’accent sur les moyens a été mis afin de prendre en charge les étudiants ayant montrés une grande capacité de réussite académique en leur octroyant des bourses. Le nombre d’étudiants nigériens boursiers en Iran est d’environ quarante (40) étudiants dont dix (10) sont dans le supérieur. Dès leur retour d’Iran ils sont employés dans différents domaine pris en charge par la république Islamique avec des salaires attractifs, ils sont même encouragés à s’engager dans des partis politiques, en particulier ceux qui étudient dans les écoles chiites bilingues (Français-Arabe). Vu la dynamique actuelle de la communauté chiite du Niger, il est juste de penser que ces cadres formés à Niamey et à Téhéran pourraient avoir un impact sur les relations nigéro-iraniennes, surtout lorsque certains de leurs diplômés en relations internationales prennent facilement des postes au ministère des Affaires étrangères, d’ailleurs, ce ministère reste la cible privilégiée de ces diplômés bilingues.

 Parmi les moyens pédagogiques de diffusion du chiisme au Niger on observe un nombre important des bibliothèques culturelles dans certains quartiers de la capitale comme la grande bibliothèque inaugurée dans le quartier de MARADI, les régions intérieurs du pays ne sont pas en reste de cette politique d’implantation de bibliothèques et de centres culturels, ces bibliothèques sont dotées avec des milliers d’ouvrages sur le chiisme en arabe et en français, tout en distribuant gratuitement quelques livrets aux inscrits, ainsi que l’ouverture de centres d’enseignement informatique semi-gratuits pour les jeunes, des jeunes souvent à la marge des politiques gouvernementale et en dehors des radars des politiques de développement occidentales

 D’autres moyens pédagogiques sont utilisées dans la propagation du culte chiite, un moyen qui consiste à introduire des personnalités de confiance dans divers établissements d’enseignement pour défendre la pensée chiite, comme ce qui a été observé chez les étudiants de l’Université islamique du Niger ( Université Islamique Sunnite financée par l’Arabie Saoudite et l’organisation de coopération Islamique), où certains diplômés des écoles chiites au Niger et d’ailleurs en Afrique de l’Ouest activent d’une manière très agressive et habile afin de diffuser les idées chiites dans l’entourage étudiant de ce pôle Africain de l’enseignement supérieur Islamique de doctrine sunnite.

2- Les médias : L’un des moyens par lesquels le chiisme se propage en Afrique sont les médias, qui sont considérés comme l’un des moyens les plus utiles aujourd’hui pour changer et influer l’opinion publique. La dynamique chiite au Niger a réussi à intégrer les médias lourds notamment la télévision publique et la radio en y introduisant ses cadres formés à la Hawza de Niamey ou ceux formés dans les écoles chiites au Ghana, ils diffusent des fatwas aux masses et leur prêchent selon l’idéologie ou la doctrine chiite. Dans les médias privés, ils sont arrivés à acheter certains de leurs programmes religieux en entier, sachant que le gouvernement nigérian, du fait qu’il s’agit d’un gouvernement constitutionnellement laïc, ne s’immisce pas dans les affaires religieuses, et toutes les personnes de toutes les croyances ont le droit d’exprimer leurs foies par le biais des médias gouvernementaux et privés. On a observé beaucoup de prédicateurs Soufis qui sont devenus de fidèles défenseurs de la pensée chiites, ces prédicateurs sont souvent pris en charges matériellement et socialement afin de pouvoir rayonner leurs idées au sein de la société intellectuelle souvent dans des situations très précaires. Des idées et des hadiths résumés des livres approuvés par les sunnites, tels que : Sahih al-Bukhari et Muslim sont souvent utilisés par ces prédicateurs-médias afin de soutenir et confirmer le califat aux imams d’Ahl al-Bayt (Le droit de la descendance du prophète au Califat des musulmans). Cette propagande se fait par le biais des médias ou de conférences publiques et privées, afin d’introduire le doute, le questionnement et la confusion dans l’esprit du public, et cette méthode fonctionne surtout chez certains intellectuels de culture française, qui n’ont pas forcément accès à la langue arabe pour vérifier toutes les informations reçues.

 La presse écrite n’a pas été négligée dans le prosélytisme chiite au Niger, un magazine mensuel en arabe appelé « Al-Thaqalayn Magazine », puis une version en langue française a été rajouté, pour finalement le transformer en un magazine exclusivement francophone pour transmettre leurs idées au public porteur de la culture française.

3- Moyens sanitaires ou médicaux : Les pays africains font partie des pays les plus en retard dans le domaine médical et sanitaire au niveau mondial, un retard visible en matière de prise en charge des malades et de leur dispensation gratuite de médicaments, ce qui a poussé les organisations missionnaires à mettre beaucoup d’énergie sur cet aspect qui est important et vital pour tout être humain, dans ce domaine on retrouve une activité assez riche de la communauté chiite nigérienne, et pour cela ils ont établi des hôpitaux et des cliniques avec des soins gratuits ou à des prix symboliques, même les médicaments y sont distribués gratuitement. Une clinique a été ouverte dans la capitale Niamey pour fournir un traitement presque gratuit aux personnes à revenu limité et qui souffrent souvent d’analphabétisme. Ces activités médicales ont un effet positif sur le gouvernement et certains groupes de la population, en particulier les plus pauvres, une prise en charge sanitaire et humanitaire qui ouvre la porte grande ouverte au prosélytisme chiite.

4- Moyens caritatifs : Les œuvres caritatives font partie des moyens utilisés par les organisations caritatives pour apporter une aide aux nécessiteux à cause de la famine ou des catastrophes environnementales ou naturelles, et les pays africains sont parmi les pays où ces organisations sont abondantes à cause des guerres, des famines et du changement climatique. Le Niger a bénéficié des aides humanitaires des organisation chiites financées par Téhéran pour aider la population locale en détresse nutritionnelle aigue, surtout lors de la grande famine qu’a connue le pays en 2005, une aide humanitaire qui a contribué pour beaucoup dans l’amélioration de l’image de marque du chiisme dans la société nigérienne avec une appréciation très positive de la part du gouvernement local qui a été soulagé dans ses devoir envers sa population par manque de moyens.

 Par ces moyens caritatifs, la dynamique chiite a pu empêcher certains des érudits traditionnels sunnites qui exercent une grande influence dans la société de critiquer les chiites, en leur offrant des cadeaux lors de la distribution d’aides caritatives à leurs villes ou villages, ainsi que lors d’occasions sociales spéciales telles que le mariage, ou celles qui consistent à nommer un nouveau-né, leur participation à des événements religieux publics conjugués avec la facilité et la rapidité avec laquelle ils satisfont les désirs matériels des grand érudits locaux a fait que le chiisme est entré dans les mœurs locale sans grande difficulté au vu du recul de l’influence Sunnite souvent accusée de Wahabisme et facilement assimilable aux tensions terroristes connues entre le Niger et le Nigeria