Le « One Forest Summit » à Libreville: le triomphe d’Ali Bongo

Les 1er et 2 mars 2023, le Gabon accueille le « One Forest Summit » un sommet international sur la protection des forêts. Mais ce sommet signe surtout le retour d’Ali Bongo, chef de l’exécutif du Gabon qui, après un grave accident de santé, était très absent du pouvoir.

Par Jocksy Andrew Ondo-Louemba

C’était en novembre 2022 en Egypte « lors de la COP 27 à Sharm el-Sheikh, le président Emmanuel Macron et le président Ali Bongo ont annoncé qu’un One Forest Summit se tiendrait à Libreville, au Gabon, les 1ers et 2 mars 2023 ». 

Il s’agit pour Emmanuel Macron d’impliquer directement les pays du deuxième bassin forestier de la planète le bassin du Congo-Ogooué dans « préservation » et une « gestion plus durable des forêts » et de faire du Gabon l’hôte, si ce n’est le pivot de cette volonté d’action dans la lutte contre les changements climatiques.

Mais pour Ali Bongo, l’hôte de ce sommet majeur, les retombées sont inespérées. Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2009 dans des conditions marquées par une sanglante répression, Ali Bongo qui succède à son père Omar Bongo est diplomatiquement très en forme. Il est reçu partout et aime le montrer.

L’arrivée de François Hollande au pouvoir en France en 2012 ouvre une période inédite dans les relations entre la France et le Gabon. Durant tout son mandat de 2021 à 2017, François Hollande n’ira pas au Gabon. Une première depuis Charles de Gaulle qui n’y avait jamais mis les pieds. « Personne ne sait pourquoi François Hollande n’est jamais venu au Gabon, cette décision a profondément blessé le patron » dit une des anciennes collaboratrices d’Ali Bongo.

« Le quartier général de Jean Ping est attaqué depuis une heure par un hélicoptère et des gens sont à terre avec des tirs réels »

En 2016, Ali Bongo se maintient au pouvoir en fraudant l’élection présidentielle et en réprimant dans le sang les contestataires. Symbole d’une violence inouïe, Ali Bongo fait attaquer par l’armée le quartier général de son rival Jean Ping dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2016. Selon certains témoins, il y assiste en personne. Au téléphone Helmut Kulitz, l’ambassadeur de l’Union européenne au Gabon raconte  : « Le quartier général de Jean Ping est attaqué depuis une heure par un hélicoptère et des gens sont à terre avec des tirs réels. La situation est chaotique…« .

Emmanuel Macron, arrivé au pouvoir en 2017, ne se rend pas au Gabon tout au long de son premier mandat. Cette attitude renforce la suspicion du régime de Libreville qui soupçonne Paris de préparer sa chute. 

Charles III, l’ami royal

S’il se maintient au pouvoir grâce à son armée et accessoirement grâce à une cour constitutionnelle qu’on ne présente plus, Ali Bongo de 2016 à 2022  bien qu’il soit reçu  à Paris, n’aime pas la  tiédeur des  relations franco-gabonaises et se tourne vers Londres où on le critique moins si ce n’est presque jamais. De plus, il bénéficie de l’amitié du prince-de-galles actuel roi d’Angleterre Charles III qui est sensible à sa politique de préservation de l’environnement portée par un autre britannique Lee White qu’il a nommé ministre de l’Environnement.

Et lorsque le Gabon adhère au Commonwealth sans avoir vraiment rempli le cahier de charges sur la question des droits de l’homme notamment, à Libreville, on se gausse d’un « Gabon indépendant », fier de choisir ses partenaires et d’entrer dans la grande famille de l’ancien empire de sa Majesté. 

Mais en secret, on s’active pour qu’avec Paris les relations redeviennent amicales et « privilégiées».

Triomphe diplomatique

Finalement, le lobbying climatique d’Ali Bongo s’avère payant et heureusement pour lui – et bien qu’il n’y soit pour rien – le Gabon est doté de vastes forêts dont certaines sont vierges. 

Le One Forest Summit consacre deux choses d’un point de vue diplomatique pour le chef de l’exécutif du Gabon: le retour d’un Ali Bongo physiquement très diminué depuis son AVC survenu en Arabie Saoudite en octobre 2018 sur l’échiquier diplomatique africain et mondial comme dirigeant politique de premier plan et le renforcement de l’axe Libreville-Paris dont le pouvoir gabonais déplorait la tiédeur.

Chèque en blanc

D’un point de vue intérieur, ce sommet est perçu comme un chèque en blanc fait à Ali Bongo et à son régime. A six mois des élections présidentielles Gabon qu’Ali Bongo bien évidemment n’entend pas perdre. Cette visite du président français qui est présenté ad libitum  coté gabonais comme un soutien, permet à Ali Bongo de consolider ses partisans autour de lui, de calmer certains officiers à qui on prête des ambitions politiques et surtout à décourager une opposition plus friande dans son écrasante majorité de strapontins, d’argent, que de lutte politique pour un mieux être des populations gabonaises.

Confortablement assis à la tête du Gabon, Ali Bongo a proposé lors de la dernière concertation politique – qui s’est tenue dans la cour du ministère de la Défense du Gabon sous bonne garde et à deux pas de son Palais!  – des «réformes » notamment des mandats illimités « de 7 à 5 ans » et l’augmentation de l’âge pour se porter candidat aux élections présidentielles de 18 à 30 ans.

30 ans, l’âge qu’à justement Nourredine Bongo, le fils d’Ali Bongo, présenté comme son héritier. 

Certainement une coïncidence !