Centrafrique, le processus électoral face à l’incurie du pouvoir


Le président Touadera a finalement décidé d’amender les dispositions constitutionnelles relatives aux échéances électorales. Une mauvaise façon faite au processus démocratique officiellement annoncé.

Avec le concours de la Cour constitutionnelle, un projet de loi a été élaboré afin de prendre en compte le cas de force majeure, susceptible de rendre impossible le respect des échéances constitutionnelles. Même sans les conséquences potentielles de l’épidémie du Covid-19, la situation sécuritaire dans le pays associée à la saison des pluies, rend illusoire la tenue des élections présidentielles et législatives avant la fin de cette année 2020, d’autant que l’impréparation de ces élections a été totale.

Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, seules les préoccupations financières ont mobilisé le chef de l’Etat et le Premier ministre. 

Une révision constitutionnelle non consensuelle

Il existe un principe général qui préconise de ne pas toucher à la constitution pour l’adapter à une situation conjoncturelle et de respecter un délai minimal avant des échéances électorales. Le débat ne porte pas sur cette opportunité mais sur l’adoption de la loi de révision constitutionnelle.
Si l’initiative de l’exécutif ne soulève pas de question juridique particulière, en revanche l’adoption du projet de loi par la seule Assemblée nationale pose problème. Une telle révision de la constitution est strictement encadrée. Elle ne peut être adoptée que par referendum ou par le Parlement, composé de l’Assemblee nationale et du Sénat.

Le président Touadera et son gouvernement avaient quatre années, depuis son investiture, le 30 mars 2016, pour mettre en place la Haute assemblée. Cela n’a pas été fait. Une révision constitutionnelle dans de telles conditions ne pourra qu’exacerber la crise politique. Un futur « glissement » du processus électoral, de plus en plus  probable, pourrait bien mettre le feu aux poudres.

L’ANE attend sa loi organique

Autre problème juridique, l’Autorité Nationale des Élections (ANE) doit faire l’objet d’une loi organique fixant sa composition, son organisation et son fonctionnement. La Constitution de 2016 l’exige (article 145) et le nouveau code électoral, issu de la loi du 20 août 2019, le confirme (article 7). Cette loi organique n’est toujours pas votée. Ce ne sont évidemment pas des décrets antérieurs à la Constitution de 2016 qui peuvent encore servir de base légale à cette institution essentiellle pour le processus électoral. Les fondements juridiques de l’ANE n’ont pas été posés, quatre ans après 2016. La valeur juridique de ses décisions est donc actuellement contestable.

Un recours pour excès de pouvoir devant une juridiction administrative d’un État de droit aboutirait à une annulation pour vice de compétence. Nouvel embrouillamini !

Etant donné la situation politique du pays, très aggravée par le « dialogue exclusif » entre le camp présidentiel et les chefs des rébellions qui cogèrent l’Accord du 6 février 2019 et le refus obstiné de rechercher un consensus national, qui seul peut remédier à la situation, on peut nourrir les plus vives inquiétudes sur les effets toxiques de ce processus électoral que Mondafrique avait déjà exprimées dans l’article ci-joint.