Un maillot marocain fait annuler un match de foot entre l’Algérie et le Maroc !

Rien ne va plus entre l’Algérie et le Maroc même quand il s’agit de football. La représentations du Sahara occidental partie intégrante du Royaume sur le maillot de joueurs marocains est parvenue à empêcher la tenue de la demi-finale de la Coupe de la Confédération entre l’USM Alger et la RS Berkane, le dimanche 21 avril à Alger. Décryptage.

L’affiche promettait d’être belle entre le tenant du trophée et son prédécesseur au palmarès. Elle n’a pas eu lieu. Dimanche, la demi-finale aller de la Coupe de la Confédération entre l’USM Alger et la RS Berkane ne s’est pas jouée comme prévu sur la pelouse du stade du 5-Juillet, dans la capitale algérienne. A l’heure dite (21h00), l’équipe marocaine a refusé de se présenter sur l’aire de jeu. La raison de ce forfait ? L’impossibilité qui lui était faite de porter son maillot officiel, sur lequel figure une carte du Maroc incluant le Sahara occidental, un territoire considéré indépendant par l’Algérie.

Psychodrame à l’aéroport !

Cette impasse diplomatique et sportive n’a pas surpris grand monde parmi les observateurs du football africain. Dès l’arrivée de la délégation de la RS Berkane, vendredi à Alger, les douanes algériennes avaient saisi les tenues controversées du club marocain. La bataille des réseaux sociaux avait alors débuté, à coup d’images des joueurs et de leurs encadrants coincés dans l’enceinte de l’aéroport Houari Boumediene côté marocain et de démentis côté algérien.

 

Plusieurs médias marocains assuraient que jamais les footballeurs n’avaient été retenus contre leur gré, et qu’ils n’y étaient restés que par solidarité avec leurs dirigeants, engagés dans des tractations avec les autorités locales. Celles-ci ne donneront rien. Après des heures d’attente, toute la représentation de la RS Berkane, club qui fut présidé par le puissant Fouzi Lekjaa, patron de la Fédération marocaine et membre du Conseil de la FIFA, finissait par gagner son hôtel à Alger.

LA CAF donne son feu vert, l’Algérie voit rouge

Parallèlement à ce dialogue de sourds entre les deux clubs, la Fédération algérienne de football (FAF) avait sollicité la Confédération africaine de football. Au lendemain de la tenue d’un comité exécutif à Rabat, l’instance faîtière avait demandé à la FAF, Fédération hôte de la rencontre, de « prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la libération de l’équipement en question de la douane de manière urgente afin d’éviter de perturber les aspects organisationnels du match ». Via une correspondance signée par l’Egyptien Emad Chenouda, responsable des compétitions interclubs, était dans le même temps réaffirmé le droit du club marocain d’« utiliser les maillots [prévus, avec la carte controversée du pays] pendant le match. »

Par la voix de son président, Walid Sadi, la Fédération algérienne affichait son inflexibilité. « La réponse de l’Algérie est stricte et nous refusons de laisser jouer le RS Berkane sous ce maillot. Notre position est claire, nous ne reculerons pas et nous sommes prêts à tout », lâchait alors le dirigeant, indiquant que des maillots neutres avaient été achetés à l’attention de la RS Berkane, afin, croyait-il, de désamorcer les tensions. Un arrangement catégoriquement refusé par les Marocains, eux aussi arc-boutés sur leur position : le maillot officiel sinon rien. Et ce fut donc rien : USM Alger – RS Berkane n’a pas eu lieu dimanche soir.


 Tous perdants 

Et maintenant ? Muette tout le week-end, la Confédération africaine de football a dégainé dimanche en fin de soirée un communiqué laconique. « La demi-finale aller de la Coupe de la Confédération CAF TotalEnergies, prévue ce dimanche 21 avril 2024 à Alger, entre l’USM Alger et la RS Berkane, n’a pas eu lieu. L’affaire sera portée devant les instances compétentes », écrit la CAF, non sans oublier de présenter « ses excuses aux sponsors, aux partenaires TV et aux supporters, pour les désagréments causés. »

Le règlement de la Coupe de la Confédération envisage ce cas de figure dans son article 11.16. « Si pour une raison quelconque, une équipe se retire de la compétition ou ne se présente pas à un match, hormis le cas de force majeure reconnu comme tel par la Commission interclubs, refuse de jouer ou quitte le terrain avant la fin règlementaire de la rencontre sans l’autorisation de l’arbitre, elle sera considérée perdante et sera définitivement éliminée de la compétition », pose le texte. Une application stricte de ce dernier supposerait une exclusion de la RS Berkane pour refus de jouer. Mais quid alors de l’USM Alger, qui a refusé de se plier à la décision de la commission des compétitions interclubs de la CAF ? Si la CAF sévissait contre le club hôte, celui-ci pourrait porter l’affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Pour apaiser le climat, cette demi-finale pourrait aussi se jouer en une seule manche, sur terrain neutre.  

Nous n’en sommes pas là. À ce stade, il n’y a que des perdants dans cette affaire : les deux pays, qui ont campé sur des positions inconciliables, les deux clubs, dindons de la farce, et enfin les instances internationales, CAF et FIFA, aux abonnés absents sinon par subalternes interposés. Tout cela n’incite pas à l’optimisme dans l’optique de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations au Maroc, dont la date n’est d’ailleurs toujours pas officiellement connue, malgré sa dénomination de « CAN 2025 » (mais la CAN 2021 avait eu lieu en janvier-février 2022, et la CAN 2023 en janvier-février 2024).
Imprévoyance quand tu nous tiens !

 

Encadré Le triste précédent du CHAN

Cul de sac, dialogue de sourds, incompréhension feinte : chacun choisira le descriptif qu’il juge le plus approprié, mais la situation n’est pas nouvelle entre l’Algérie et le Maroc depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays à l’été 2021.

Alger interdit le survol de son territoire par les aéronefs marocains, et c’est pour cette raison que l’équipe nationale marocaine, empêchée de voler sur Royal Air Maroc, avait renoncé à disputer le Championnat d’Afrique des Nations, sorte de CAN réservée aux joueurs locaux, au mois de janvier 2023.