Présidentielles Tunisie, des débats télévisés sans saveur ni relief

Alors que les Tunisiens doivent voter le 15 septembre, les vingt six candidats aux Présidentielles ont tenté de confronter leur sprogrammes lors de trois débats jugés unanimement très médiocres

Une chronique de Wicem Souissi

Pour sa deuxième élection présidentielle au suffrage universel direct, la Tunisie innove par une première : la présence des candidats, par groupes de sept ou huit, sur un même plateau de télévision, répartis sur trois jours . Diffusées sur quasiment toutes les chaînes en même temps qu’en direct sur la télévision d’Etat, ces confrontations visuelles tranchent avec celles de 2014 où les candidats ne se rencontraient jamais sur les plateaux de télévision, pas même au second tour entre feu Béji Caîd Essebsi et Moncef Marzouki .

Un exercice convenu

Mais l’apprentissage démocratique s’avère aussi étrange que curieux. Interdits de débattre, les candidats ont dû répondre successivement à des questions préétablies suivant des thématiques générales n’offrant aux prétendants au palais de Carthage aucune possibilité de se distinguer. Le tout en l’absence remarquée du candidat Slim Riahi, hommes d’affaires objet de poursuites en Tunisie qu’il a quittée récemment pour Paris, et en l’absence encore davantage remarquable du favori des sondages, Nabil Karoui, candidat agréé, mais incarcéré à la prison de Mornaguia, à proximité de la capitale, et donc empêché de se déplace.

Comment dans ces conditions juger de la crédibilité de ces vrais faux débats? En réalité la bonne vingtaine de candidats se sont évertués à répondre à des questions précises —par exemple, quel rôle jouerez-vous pour assurer la sécurité de la Tunisie ?— par des monologues en vérité interchangeables. Le cadre imposé et le temps limité imposent des réponses générales, si générales que cela en devient insipide.

Même le candidat d’extrême gauche, Hamma Hammami, le Jean-Luc Mélenchon local, d’habitude aussi vif que très bon harangueur aux phrases prévisibles mais percutantes, n’a pas réussi, ou si peu, à tirer son épingle du jeu. La candidate de l’ancien régime Ben Ali, Abir Moussi, a elle aussi fait quelque peu mouche en répétant sans relâche ses phrases anti-islamistes qui en font la marque de fabrique, à défaut de programme politique. Bourgeois tunisois volontiers ventripotent, le porteur des couleurs du parti islamiste Ennahdha, Abdelfatah Mourou, n’a pas davantage montré ses à-côtés aussi grotesques que se voulant humoristiques et qui réussissent paradoxalement à lui attirer quelque sympathie d’un public dans l’ensemble blasé des politiciens et soucieux avant tout du prix, en constante augmentation vertigineuse, du panier de la ménagère.

Un pays en quête de sécurité

Peut-être que dans ce contexte maussade, la légèreté juvénile en costume-cravate du chef du gouvernement, Youssef Chahed, s’efface devant la stature du ministre démissionnaire de la Défense, Abdelkrim Zbidi, médecin à la retraite inspirant confiance, dont la personnalité aura  émergé dans un pays en quête d’assurance. Les Tunisiens sont en quête de sécurité alors que l’avenir est compromis localement par une économie parallèle florissante et désastreuse pour les finances publique, mais également menacé par l’instabilité en provenance de Libye et les incertitudes algériennes où aucun remplaçant de Abdelaziz Bouteflika ne se profile.

Une démocratie inachevée

On assiste à une période transitoire vers une démocratie qui peine à devenir une réalité concrète. La Haute autorité indépendante de la communication et de l’audiovisuel (Haica), équivalent d’un CSA en pratique autoritariste, n’est pas étrangère à ces simulacres de débat, elle en a édicté des règles dictatoriales qui traduisent soit l’immaturité démocratique de ses membres soit leur croyance que ce n’est qu’en imposant d’autorité des interdits de débattre ou de s’interpeller qu’on arrive au bout du compte à gommer toute différence.

Ce qui n’augure en rien de débats sérieux lors des campagnes des élections législatives d’octobre après un premier tour de la présidentielle où, jusqu’au dernier jour, la volonté de l’électeur semble insondable.