Série Ukraine (4/4), le cout de l’énergie au coeur du conflit

Les négociateurs américains et européens doivent négocier intelligemment avec la Russie de Poutine la baisse des cours du Gaz et du Pétrole et faire preuve de retenue dans le bras de fer qui s’annonce sur le dossier ukrainien

Une chronique de Xavier Houzel

La première question est de savoir si la Russie pourrait ou non envisager d’entrer en conflit militaire contre les États-Unis et les puissances de l’Union Européenne, et quels seraient alors ses alliés possibles en cas de guerre. Les dégâts seraient énormes, surtout dans l’hypothèse d’un recours à l’arme nucléaire. L’Europe en serait la première affectée.

Ce n’est pas envisageable. Et aucune attaque américaine non plus.

Des sanctions dangereuses

La deuxième question porte sur d’éventuelles sanctions. Le produit national brut (PNB) de la confédération russe est comparable à celui de l’Italie. Les sanctions que l’Amérique pourrait infliger à Moscou coûteraient très cher à la Russie, mais pas au point de paralyser ses échanges avec Pékin, Téhéran et d’autres métropoles économiques. En revanche, les transactions pourraient continuer de se faire en crypto-monnaies ou en Yuan convertible, et c’est le système monétaire international qui en serait mis en danger.

Moscou est dans une position de grande force. Le président Poutine a reçu comme un prince son homologue iranien Ebrahim Raïssi[i]. Comme l’a indiqué Mondafrique, le président iranien a rappelé la semaine dernière à son homologue russe que l’Iran « avait résisté à des sanctions américaines depuis 40 ans ». Des manœuvres militaires conjointes entre les marines chinoises, russes et iraniennes sont en cours au large des côtes iraniennes, dans l’océan indien. La semaine dernière, le Yémen a frappé les Émirats Arabes Unis, dont la fragilité géographique est extrême[ii] : l’avertissement est venu à point nommé.

Enfin, l’indécision du président américain est telle qu’Israël lui-même devra réfléchir avant toute opération belliqueuse contre l’Iran[iii] : il n’osera pas s’aventurer contre ce pays sans un feu vert que l’Amérique ne lui donnera plus à l’heure actuelle.

L’Amérique isolée

L’Amérique est plus isolée qu’elle ne l’a jamais été ! Berlin ne la suit qu’en y étant contraint. Paris ne s’est pas encore remis de l’affaire du contrat australien. C’est bien Joe Biden qui a décidé de ce coup de sonnette donné à Macron pour qu’il ne s’avise pas à de se prendre pour Chirac en 2003! C’est tout comme, en tout cas.

La popularité du président américain est en berne ; les Républicains ont le vent en poupe ; Trump est embusqué. Les discussions de Vienne, qui sont coordonnées en fonction des évènements d’Ukraine, font du sur-place. Les diplomates chevronnés (il en reste !) font semblant de ne pas s’en apercevoir. L’Iran condescend enfin à parler directement avec les Américains à Vienne. Cette condescendance est une humiliation : la République Islamique leur remettra les quatre prisonniers américains comme lot de consolation pour la peine d’être venus[iv] : c’est tout ce qu’il faut espérer. 

L’Amérique doit-elle tendre l’autre joue ? Elle dispose de négociateurs aguerris, mais plutôt du genre « trader » ! Qu’ils se contentent de négocier intelligemment la baisse des cours du Gaz et du Pétrole dans l’intérêt commun des pays producteurs et des consommateurs. Boris Johnson sera parti par la petite porte d’ici-là ; la responsabilité de ce monsieur tordu étant lourde aux yeux de l’Histoire, ce sera mieux ainsi. Pour une fois que l’Angleterre ne risque pas de mettre la pagaille.

La France fragilisée

Quant à la France, à l’Allemagne et l’Union Européenne, l’intermède devrait être pour eux l’occasion de méditer : il leur faut ramasser les débris et resserrer les rangs. Le maillon faible de l’Europe est la France à la veille d’élections mal emmanchées. Le président français a eu tort de ne pas vouloir passer le tour de la France au Conseil de l’Europe : il ne devait pas se permettre de vouloir rester à la foire et au moulin !

Il va lui falloir redorer l’image de la France au Sahel et être réélu avant de s’y atteler en gagnant le respect sans lequel aucun président de la République Française ne réussira à sauver l’Afrique de l’Ouest d’un délitement dans les conditions actuelles. Monsieur Asimi Goïta, président intérimaire du Mali, doit tout de même se demander si le coup de main qu’il pense donner à Moscou vaut la chandelle que l’organisation Wagner agite sous sa fenêtre comme un hochet !

Le degré d’impréparation des agents économiques de l’Hexagone à l’augmentation vertigineuse des prix de l’énergie est tout simplement prodigieux. Le gouvernement français gère un pays au bord de l’implosion. Il a improvisé un jour le blocage des prix, le lendemain une distribution de primes, le surlendemain un dégrèvement d’impôts, enfin des amendes ! C’est surréaliste.

Une hausse soudaine mais durable de 40% du coût du Gaz et du Pétrole entraîne par construction une augmentation de 15% du prix moyen du panier de la ménagère. Les ministres se gargarisent à l’annonce de chiffres faisant croire que le taux de croissance du produit intérieur Brut s(PIB) serait de plus de 8%. C’est le bruit de l’inflation … qui galope sous les fenêtres du ministre français des Finances !

Le prix du Pétrole et du Gaz se trouve au coeur de l’actuelle négociation. Soyons surs qu’il ne résulte pas, pour reprendre une jolie citation de Lautréamont,  de la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie[v].

[i] https://mondafrique.com/moscou-apporte-son-soutien-aux-durs-du-regime-iranien/

[ii] https://www.la-croix.com/Monde/Yemen-conflit-sexporte-peninsule-arabique-2022-01-24-1201196552

[iii] https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-iran-israel-et-si-la-dissuasion-changeait-de-camp-1381775

[iv] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/un-accord-possible-sur-le-nucleaire-et-les-prisonniers-americains-dit-teheran-20220124

[v] Encore Lautréamont, in Les Chants de Maldoror (1867)« 

Notre série Ukraine (1/4): Gazprom, premier fournisseur de l’Union européenne