Le Pape François dénonce le jeu de certaines puissances étrangères au Liban

Le Liban est un « trésor de civilisation et de spiritualité » pour le pape François qui a réuni, jeudi 1er juillet, les chefs des différentes communautés chrétiennes du Liban, catholiques, orthodoxes et évangéliques.

Un article de Michel Touma

Cette journée marathon de prières et de réflexion consacrée aux principaux aspects de la crise libanaise a été marquée par des séances de travail, étalées sur huit heures, auxquelles a assisté le pape François afin d’écouter les points de vue de ses hôtes. L’une des principales interventions au cours de ces réunions a été celle du patriarche maronite Béchara Raï qui a exposé en toute transparence sa vision concernant la nécessité de consacrer la neutralité du Liban et d’organiser une conférence internationale visant à bétonner l’indépendance, la souveraineté et la stabilité du pays du Cèdre en le maintenant à l’écart des guerres et des conflits de la région du Moyen-Orient.

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Le pape François a prononcé une allocution au cours de laquelle il a formulé des critiques à peine voilées à l’égard des dirigeants libanais qui font prévaloir leurs intérêts personnels au détriment de l’intérêt du peuple libanais, de même qu’il a dénoncé les puissances qui s’ingèrent de manière déstabilisatrice dans les affaires libanaises.

Le pape a notamment souligné que le Liban ne pouvait pas « être laissé à la merci de ceux qui poursuivent sans scrupules leurs intérêts personnels ». Il a également stigmatisé les « ingérences abusives » de certains pays étrangers, qu’il n’a pas nommés, dans les affaires libanaises et dans les crises de la région, d’une manière générale. « Cela suffit d’utiliser le Liban et le Moyen-Orient pour des intérêts et des profits étrangers », a déclaré le Saint Père, dans ce qui pourrait être interprété comme une pointe à l’adresse, entre autres, de la République islamique iranienne.

Le Souverain Pontife a pressé dans ce cadre la communauté internationale à venir en aide au Liban, sur base du devoir d’assistance à pays en danger. Il a enfin exhorté les Libanais à ne pas céder au désespoir, soulignant que tout règlement politique devrait se faire sur base du principe, si cher aux Libanais, de « ni vainqueur, ni vaincu », ajoutant au passage que les femmes devraient être impliquées dans « le processus décisionnel ».     

Une action discrète

Selon diverses sources libanaises, cette journée marathon constitue le point de départ d’une action soutenue dans le temps que le Saint Siège est déterminé à mener de façon discrète, loin des feux de la rampe, auprès de la communauté internationale afin de sauver le Liban, perçu par le pape, comme il l’a souligné dans son allocution du 1er juillet, comme un « trésor de civilisation et de spiritualité, qui a rayonné au cours des siècles sagesse et culture, et qui témoigne d’une expérience unique de coexistence pacifique » entre 18 communautés religieuses chrétiennes et musulmanes… Un « pays-message » comme le soulignait fort à propos Jean-Paul II.

Dans cette optique, le Souverain Pontife poursuivra dans les prochaines semaines et les prochains mois son initiative en faveur du Liban en assurant un travail de suivi auprès des instances internationales. Il pourrait conférer notamment d’ici quelques jours aves les ambassadeurs des grandes puissances au Vatican. A en croire certaines sources libanaises, il pourrait également s’entretenir sous peu, par téléphone, de la situation au Liban avec le président Joe Biden.

Position ferme du patriarche maronite  

Cette détermination du pape François à poursuivre ses efforts pour aboutir à une sortie de crise au Liban a été confirmée par le patriarche maronite qui a relevé dans ce contexte que se basant sur cette dynamique enclenchée par le Vatican, il compte lui-même relancer dès son retour à Beyrouth ses démarches pressantes auprès des dirigeants et hauts responsables politiques afin de dénouer la crise gouvernementale qui n’a que trop duré.

Le patriarche Raï a déploré à ce propos que « toutes les parties locales », y compris le président de la République, s’obstinent à « violer la Constitution ». Il a affirmé notamment que les démarches entreprises en vue de la formation d’un nouveau gouvernement sont « contraires aux dispositions de la Constitution ».

Réitérant une fois de plus sa position ferme en faveur de la neutralité du Liban et de la convocation d’une conférence internationale en vue de garantir la pérennité et la souveraineté de l’entité libanaise, le patriarche maronite a ouvertement critiqué le Hezbollah pour sa ligne de conduite favorisant son rôle régional en faveur de l’Iran, au détriment de l’intérêt supérieur libanais. « Le Hezbollah met de côté le président de la République, le gouvernement et l’ensemble du peuple libanais, et décide unilatéralement de la guerre ou de la paix », a dénoncé sans détours le cardinal Raï… Une position largement soutenue par un éventail de plus en plus large de l’opinion libanaise.