Législatives marocaines, la pêche aux voix salafistes

C’est l’étrange épilogue d’un récit qui en dit long sur les équations complexes de présence de l’islam politique dans la vie politique marocaine. Après avoir interdit au prêcheur salafiste Hammadi Kabbaj de se présenter comme candidat du parti islamiste PJD aux législatives du 7 octobre à Marrakech, les responsables sécuritaires du pays viennent d’autoriser la réouverture des quelques soixante-dix écoles coraniques affiliées à l’association « Prédication pour le Coran et la Sunna ». Alimenté par des financements séoudiens, ce réseau avait pourtant été interdit en 2011 sur décision du même Ministère de l’Intérieur lorsque son responsable, le prédicateur Abderrahman Maghraoui, avait émis une fatwa autorisant le mariage des fillettes de neuf ans.

Les islamistes des uns et des autres

En présentant la candidature de Hammadi Kabbaj à Marrakech, le PJD souhaitait attirer les franges les plus radicales de l’électorat contre son principal concurrent, le PAM, qu’on dit proche du Palais royal. La riposte ne s’est pas fait attendre. En faisant invalider la candidature de Kabbaj tout en tendant la main à Maghraoui devenu soudainement fréquentable, les autorités court-circuitent la stratégie du PJD, sans se mettre à dos les électeurs radicaux.

Très liés dans le passé, les deux prédicateurs controversés sont en froid depuis le printemps arabe. Ancien disciple de Maghraoui aligné sur la politique saoudienne hostile aux Frères musulmans, Kabbaj a pris ses distances avec son ancien mentor lorsque ce dernier a soutenu le coup d’Etat du président égyptien Abdelfattah Al-Sissi mené contre le chef d’Etat islamiste de l’époque, Mohammed Morsi (et encouragé par les Séoudiens). Depuis, Kabbaj s’est converti en un fervent soutien du PJD. Quant à Maghraoui, ses relais à Riyad lui valent aujourd’hui encore la bienveillance du Palais marocain qui entretient d’excellentes relations avec l’Arabie Saoudite.

Largement consommé, le divorce entre les deux hommes se reflète désormais pleinement dans la compétition électorale. Et tous les coups sont permis.