Comment Michel Platini a court circuité Joseph Blatter

Dans un excellent livre d'enquête intitulé « Fifagate. Comment le Qatar a fait exploser le système Blatter », les journalistes Philippe Auclair et Eric Champel reviennent sur le scandale qui a secoué le monde du football cet été. Il soulignent notamment la responsabilité du président de l'UEFA, Michel Platini.

Hélas pour nos amis aveugles le livre n’existe pas en braille, mais s’il est un bouquin que chacun doit lire en ces heures c’est bien « Fifagate. Comment le Qatar a fait exploser le système Blatter » édité par Michel Lafon.

Mondial bidon 

Inutile d’être un fanatique de millionnaires coiffés à coups de missiles, c’est-à-dire des joueurs de foot, pour se passionner pour ce document. Puisqu’il parle de corruption, de politique, de pouvoir c’est-à-dire de notre noir quotidien. Enfin, alors que les malheureux journalistes « sportifs » ont toujours été contraints de mentir s’ils voulaient continuer de pénétrer dans les stades, en voilà deux, Philippe Auclair et Eric Champel qui travaillent en rebelles et glorifient une profession vraiment amochée par le mensonge. Tenez. Cet été quand le scandale de la corruption de la Fifa a enfin éclaté, qu’avez-vous entendu dans les télés du genre je parle et puis j’oublie, dans les télés cocote minute ? Que Blatter, le président de la FIFA était une ordure mais, qu’heureusement l’auréole de Saint Platini, aussi grande que l’anneau de Saturne, était là pour sauver l’honneur de la Fifa, du foot et de ceux qui continuent d’aimer ce sport magnifique vérolé par le fric. Ah ! Michel est là et la saleté s’en va.

Modestement avec mon siamois livresque Nicolas Beau, nous avons publié le « Vilain petit Qatar » et décrit les turpitudes de la petite dictature. Dit et répété que Laurent Platini, le fils du numéro 10 avait été recruté par le Qatar comme juriste. Et précisé que c’était une honte puisque son père, contre le courant dominant, avait monté un lobby afin que la Coupe du monde de foot soit attribuée à Doha. Nos écrits existaient, au côté de ceux de rares  courageux confrères, « and, what next » comme on dit à Chicago. Rien. Le journalisme aveugle a continué de triompher et Platini d’avoir une morale en platine.

Auclair et Champel, eux, avec leur bouquin, « Fifagate », connaissaient depuis belle lurette l’envers des stades, les égouts, la boue qui n’est pas que sur les terrains, les tricheurs, les voleurs, la mafia. D’ailleurs le livre est un bain de boue ce qui nous montre qu’il n’y a pas qu’à Dax que ce traitement fait du bien.  Lisez « Fifagate », nom de Dieu !

Sarko-Platini, supporters du Qatar

Aux dernières nouvelles, celle sorties des écrans de ces télés Nescafé, instantanées, l’immense Platini a reçu en 2011 près de deux millions dont on ne sait d’où ils tombent….

Comment ça, on ne sait pas d’où ils tombent ? Jacques Vendroux, chef des Sports à France Infos nous explique qu’il s’agit du paiement d’un arriéré de salaire. « Michel » a fait un boulot en 2002, pendant onze années on a oublié de le payé, et, enfin, le mauvais patron s’est exécuté. Parfait. Et tant pis si cela tombe en 2011,  au moment où Platini, obéissant à Sarkozy, monte un « chantier » pour que le Qatar obtienne le Mondial. Sans doute un syndrome de famille, petit neveu du général De Gaulle, Jacques Vendroux travaille-t-il de la casquette.

Je reviens au livre, à « Fifagate », où les auteurs ont déja annoncé l’irrésistible dégringolade de Michel Platini. Pourtant un homme normal, dans ce milieu, puisque son guide n’est pas la reprise de volée mais le pognon. Gentils, nos deux confrères tentent même de donner des excuses à celui qui est passé du ballon d’or à l’or en barres. Ils expliquent que si Platini a obéi à Sarkozy, en faisant élire Doha, c’est que le même Sarko avait préalablement tout mis en œuvre pour que la France -et Union Européenne de Football, présidée par « Michel »-  soit désignée comme organisatrice de l’Euro. Celui qui va commencer chez nous dans quelques mois. Entre le mari de Carla et Platoche, l’argent n’était pas en cause, il n’avait même pas d’odeur. Leur petite entente n’était rien d’autre qu’un échange de services entre potes.

Personne, jusqu’ici, n’a vertement et clairement nommé le coupable de cette folie que sera de jouer un Mondial à Doha… Et, le coupable, c’est Platoche. « Michel » si habile à construire le jeu, hors du terrain, a gardé cet art de la « combinazione », et que personne ne voit dans ces mots une allusion mal placée à ses racines italienne. Champel et Auclair nous montrent comment Platini a réussi un véritable putsch  à l’intérieur de la Fifa, pour que le Qatar soit désigné. L’honnête Blatter, lui, voulait que le Mondial ait lieu aux USA, ce qui était une bien meilleure idée. Platini lui a tordu le bras en imposant qu’un si beau sport soit joué dans une micro dictature peuplée de 200 000 habitants qui ne connaissent rien à ballon rond. Un petit coin de désert où il fait 45 degrés à l’ombre en été, saison traditionnelle de la Coupe du Monde.

« Fifagate » nous rapporte l’embarras de Platini quand on lui a demandé de justifier son choix. Comme il ne pouvait répondre « C’est pour faire plaisir à Sarko, et parce que le Qatar est blindé de fric », « Michel » a répondu « Bof ». Ce qui est trop court.

Une affaire de famille

Dans le livre dont on parle, vous verrez comment un intime de Platoche, Marios Lefkaritis, un milliardaire chypriote membre du Comité exécutif de la Fifa, et électeur, est aussi engagé dans un gros business financier avec Doha, importateur de gaz et pétrole, constructeur d’immeubles sur cinq hectares de terrain, de concert avec le Qatar, dans la banlieue de Nicosie. Je vous l’avais dit, cela nous éloigne bien du péno, du corner et de l’aile de pigeon. « Fifagate » c’est aussi un nouveau Caligula, où Platoche s’en vient poignarder dans le dos son papa Blatter. Pour tout dire, Platini aujourd’hui déblatère.

Et, mesdames et messieurs, que s’est-il passé quand les enchères pour les droits de diffusion de l’Euro se sont montrées molles du genoux ? Eh bien « Michel » était là avec  ses potes de Doha, d’Al-Jazira la télé aimée des salafistes. Sa filiale « beIn Sports » a banqué grave : 50 millions pour admirer le short de Valbuena, celui qui cache toute la jambe.

Bon, on ne va pas chipoter car la famille, c’est sacré. Mais sans retourner le lingot dans la plaie, nos amis Auclair et Champel s’indignent, eux,  du recrutement de Laurent Platini comme dirigeant de Burrda Sport (à ne pas confondre avec Burka), une boite qui, comme tout dans ce pays, appartient à cent pour cent à la famille de l’émir.

Pour finir, un peu de musique. En érudits vous connaissez bien sûr l’immense Yohann Zveig ! Non ? Pourtant  ce musicien l’est autant que Beethoven l’était. Différence, le sourd n’a jamais épousé la fille d’un footballeur alors que Marine, la fille de  « Michel »,  a marié ce Yohann. Et, miracle, pas de fausse note dans la partition du « Fifagate », Zveig, en dépit d’un système d’appel d’offres, a été désigné comme « Maitre de musique de l’UEFA ». C’est pas joli cet amour sans bémol.

Moralité, Auclair et Champel nous disent tout ce que la presse « spécialisée » s’acharne à taire : chez Platini  il n’y a pas que les pieds qui soient en or.

 

« Fifagate. Comment le Qatar a fait exploser le système Blatter » de Philippe Auclair et Eric Champel. Editions Michel Lafon. 17 euros.

PS. A propos de l’éditeur, Michel Lafon, notons un louable sursaut de celui-ci puisqu’il était jusqu’à présent le porte-parole du Qatar. Jusqu’à présent Lafon n’a en effet publié que de grotesques ouvrages de louange sur le Qatar…  On aimerait connaitre l’origine de la brouille entre de si bon partenaire car, avec « Fifagate », la musique change de trompette.