Quand Ali Bongo faisait attaquer Jean Ping

Dans la nuit du 31 août 2016, Ali Bongo a ordonné l’attaque du Quartier Général de Jean Ping qui contestait les résultats de l’élection présidentielle qui venaient d’être donnés. Une attaque d’une violence inouïe menée par la garde prétorienne d’Ali Bongo : la Garde Républicaine (G.R.). Retour sur une nuit d’horreur.

 

 

En Août 2016, se tient une élection présidentielle au Gabon. Cette élection est la quatrième depuis le retour du multipartisme dans le pays en 1990. La grande surprise de cette élection est sans doute le succès populaire rencontré par Jean Ping, ancien président de la commission de l’Union Africaine, ancien ministre des Affaires étrangères du Gabon et un des favoris d’Omar Bongo dont il a été le directeur de cabinet et d’une certaine façon le gendre.   

Jean Ping affronte donc Ali Bongo à qui il avait pourtant apporté son soutien au début de sa prise de pouvoir avant de prendre ses distances.  

Jean Ping vainqueur pendant…4 jours !

Les Gabonais votent donc pour élire leur président de la République le 27 Août 2016. Dans la soirée, les résultats commencent à tomber : Jean Ping est en avance.  Le lendemain, Jean Ping est en avance de plus de 5000 voix et a battu Ali Bongo chez les Gabonais de l’étranger, dans 6 provinces dont celle où se trouve la capitale Libreville. Seuls les résultats d’une dernière province ne sont pas proclamés : Le Haut Ogooué.

En réalité, dans cette province – que l’on présente à tort comme un fief politique d’Ali Bongo et de sa famille-, le décompte des voix a déjà eu lieu et les voix obtenues par Ali Bongo ne lui permettent pas de se refaire. Dans les urnes, Ali Bongo a perdu.  Un observateur de l’Union Européenne mis sur écoute par les services de renseignements gabonais déclare : « [Ali] Bongo sait qu’il a perdu mais comment va-t-il faire pour annoncer qu’il a gagné ? »

« Victoire » absurde 

Alors qu’Ali Bongo fait mine de négocier son départ, il réunit ses fidèles civils et militaires : « Hors de question de quitter le pouvoir ! » dit un apparatchik qui en a vu d’autres. Un triple assaut est décidé : politique, militaire et médiatique.

Le 31 août 2016, la commission électorale annonce les résultats de la dernière province : le Haut Ogooué. Ali Bongo est déclaré vainqueur sur la base de résultats grossièrement faux mais qu’importe ! Il tient l’armée et celle-ci va entrer en scène.

Une chape de plomb s’abat sur le pays, la répression est féroce. Les forces de défense et de sécurité qui sont déployées tirent sur des manifestants désarmés qui contestent le vol de leur vote. Dans la capitale, des pickup blancs sillonnent les quartiers et assassinent pour intimider. D’autres escadrons de la mort procèdent des enlèvements.

 L’Assemblée Nationale est incendiée dans des conditions troubles et selon certaines personnes par des éléments d’Ali Bongo lui-même. Pourquoi ? « Pour qu’il y ait des images fortes pour agiter le chiffon de la guerre civile qui devait justifier le coup de marteau qu’on allait donner aux contestataires » raconte un officier de la Garde Républicaine à Mondafrique.

Sur les médias, les partisans d’Ali Bongo « font le boulot » et dénoncent une opposition violente et présentent un Ali Bongo en garant de la paix publique…

« Voté pour un Chinois ? »

La nuit tombe sur Libreville le 31 Août 2016 et la répression qui s’abat sur le pays va connaître son paroxysme. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2016, la Garde Républicaine (G.R.) avec des moyens aériens attaque le Quartier Général de Jean Ping où se trouvent plus d’un millier de ses partisans. Les tirs commencent, des gens tombent.

Combien de victimes ? Nul ne le sait.  Les cris de douleurs et d’effroi se mêlent aux  tirs. Des militaires de la Garde Républicaine lancent : « Vous n’avez pas honte d’avoir voté pour un Chinois ?».  Selon certaines sources, Ali Bongo aurait assisté en personne à cet assaut sanglant.  Des témoins sont formels, Il y a eu des morts. Des morts qui auraient été emportés par les militaires et enterrés en toute discrétion dans un complexe militaro-administratif bien connu…

« Le quartier général de Jean Ping est attaqué depuis une heure par un hélicoptère et des gens sont à terre avec des tirs réels »

Cette nuit sanglante préoccupe les missions diplomatiques au Gabon, notamment celle de l’Union européenne dont l’ambassadeur s’inquiète de la présence d’un des membres de la mission d’observation de l’Union Européenne au Q.G. de Jean Ping : « Bonsoir, c’est Helmut Kulitz, l’ambassadeur de l’Union européenne. Désolé de vous déranger à cette heure… J’ai été appelé parce que le quartier général de Jean Ping est attaqué depuis une heure par un hélicoptère et des gens sont à terre avec des tirs réels. La situation est chaotique… ». Toute la nuit, les militaires commettent des exactions sur les partisans de Jean Ping en les torturant, en frappant les blessés…

Lorsque le jour arrive, les gendarmes prennent le relais. Avec moins de violence, ils dévoilent les rescapés qui sont conduits dans leurs locaux pour être « présentés » à la justice. Survivants d’une nuit d’horreur, ces hommes et femmes sont présentés « comme de dangereux casseurs ».

«Des enfants disparus»

Interrogé par la télévision, Ali Bongo explique que ses forces affrontent des «des pilleurs instrumentalisés et des casseurs». Il tient à montrer que son armée a elle aussi été attaquée et que des militaires et des policiers ont été blessés. Interrogé sur les nombreux gabonais qui manquent à l’appel et qu’on ne retrouve ni dans les morgues, ni dans les commissariats, ni dans les prisons, Ali Bongo se veut rassurant : « Les parents vont retrouver leurs enfants disparus ».

Pris de peur et convaincus de l’impunité des bourreaux de leurs enfants, plusieurs familles (plus de soixante) ont renoncé à déposer plainte : « A quoi bon ? » répond cette femme dont le fils a disparu.

Mais il y a une personne qui a disparu cette nuit du 31 Août 2016 au Q.G. de Jean Ping qui a pu être identifiée formellement et dont la famille veut savoir ce qu’il est devenu : Gildas Tchinga, artisan, 32 ans….