Liban, les enfants des rues de plus en plus nombreux

Alors qu’a eu lieu, le mardi 20 juin, la journée internationale des réfugiés, la protection de l’enfance et des enfants des rues est au cœur de l’engagement d’ »Amel Association International », la grande ONG libanaise de 1200 personnes en pointe notamment pour la prise en charge des réfugiés syriens, mais aussi pour son aide à une population libanaise victime de la crise. Voici un témoignage sur les 8OO enfants des rues accueillis par leurs équipes.

Tôt le matin, l’équipe Amel de protection mobile s’apprête à commencer sa tournée. Depuis le début de la crise multidimensionnelle qui frappe le Liban, quelque 800 enfants sont régulièrement pris en charge alors qu’ils arpentent les rues, et ce uniquement pour le quartier de Dahieh, dans la banlieue sud de Beyrouth. L’appauvrissement croissant de la population contraint en effet certains parents à envoyer leurs enfants, parfois dès l’âge de trois ans, collecter un revenu d’appoint : vente de babioles ou encore récolte du plastique à même les poubelles pour le revendre aux centres de recyclage. Les situations sont multiples ; parfois, il s’agit d’un parent malade qui ne peut plus subvenir aux besoins de sa famille et ne parvient pas à accéder à des soins médicaux.

Aussi, après avoir proposé une collation aux enfants, les équipes d’Amel sur le terrain apprennent à les connaître et contactent leur famille pour identifier et affiner les besoins. L’association mobilise alors l’ensemble des outils dont elle dispose – ses centres médicaux, de développement et de formation, afin de soutenir les familles et soustraire les enfants à la rue. Le travail des mineurs est toujours le signe d’une difficulté familiale. Aussi, œuvrant pour la dignité humaine à l’établissement d’un Etat basé sur la justice sociale, l’association Amel a dédié l’un de ses programmes à l’émancipation des ménages vulnérables. Les formations dispensées dans les centres de l’association permettent ainsi aux parents d’acquérir de nouvelles compétences pour développer une activité professionnelle.

Concevant l’aide de façon horizontale, Amel souhaite faire des parents des alliés de la lutte contre le travail des enfants. Soucieux d’apporter un soutien psychosocial adapté aux enfants et à leur famille, les psychologues et assistantes sociales réalisent ainsi des consultations, soit dans l’unité mobile et soit dans les centres d’Amel. Ils peuvent alors sensibiliser les parents à des pratiques pédagogiques d’éducation et accompagner certaines familles en difficulté, dans la stabilisation de leur foyer, la réduction de la violence ou encore en aidant l’un des deux parents à retrouver du travail. Chaque fois, un soutien psychologique est proposé, la santé mentale contribuant, selon Amel, à donner l’opportunité aux plus vulnérables de s’émanciper.

Les équipes d’Amel sur le terrain multiplient les contacts avec les familles pour tenter d’identifier des solutions et encourager les enfants à passer moins de temps dans la rue. Ils les incitent à se rendre à l’école et à demander des soins médicaux. A défaut de ne tous pouvoir les extraire de la rue, Amel œuvre à leur protection. L’association s’assure notamment de leur suivi vaccinal et se positionne en médiateur dans les conflits familiaux. Le travail des enfants s’accompagnant généralement d’autres formes de précarité, Amel International s’engage pour apprendre aux jeunes à se protéger eux-mêmes des risques de la rue.

Forte de 7 années d’expérience aux côtés des enfants en situation de rue, l’unité de protection d’Amel est devenue un partenaire de confiance pour les plus vulnérables qui viennent d’eux-mêmes chercher du soutien. A l’image de cette mère syrienne venue faire vacciner sa famille avant d’être relocalisée en Europe, les travailleurs des rues peuvent compter sur Amel pour accompagner leurs enfants. Ce dispositif vient compléter l’action menée par les 30 centres de santé et de développement de l’association, répartis à travers le territoire libanais, et l’engagement de quelque 1500 volontaires et employés à temps plein.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)