Mali, ce sondage des Allemands qui montre la forte popularité de l’armée

Transition, sécurité, Barkhane: un sondage réalisé en mars 2021 par la très sérieuse fondation allemande Friedrich-Ebert- Stiftung (voir images ci dessous) et présenté le 28 février 2022 montre une image contrastée de l’état d’esprit des Maliens. Sur fond d’une immense popularité de l’armée

Le drapeau européen et le drapeau de l’Allemagne devant le bâtiment de la Friedrich-Ebert-Stiftung

 

Le Mali vit une nouvelle période très trouble. Les attaques ont repris, les sanctions prises par la CEDEAO en janvier renchérissent le coût de la vie, la France se prépare à partir et la junte au pouvoir n’a toujours pas annoncé la date de l’élection présidentielle. Autant de faits susceptibles d’inquiéter les citoyens de ce pays.

L’élément le plus frappant de cette enquête est la fantastique popularité de l’armée malienne qui a pris le pouvoir, voici dix huit mois, à Bamako au grand désespoir des Français, mais qui est plébiscitée par 93% des Maliens.

Autre confirmation, la disparité des réactions est très forte selon les régions, confirmant la coupure du Mali en plusieurs blocs de population qui ont le plus grand mal à cohabiter. Souvenons nous nous que c’est la revendication d’autonomie, voire d’indépendance, qui met le feu aux poudres en 1993 et provoque l’intervention de l’armée française. Les perceptions au Mali ne sont pas les mêmes selon la région où l’on réside. Cela prouve une nouvelle fois que plus les citoyens se trouvent éloignés de la capitale plus ils se sentent en insécurité, y compris sur le plan sanitaire. Par exemple, concernant la gestion de la crise sanitaire, 64% des habitants de Bamako en sont satisfaits contre 31% à Kidal.

La très sérieuse fondation allemande Friedrich-Ebert- Stiftung travaille en Afrique et au Maghreb avec des moyens considérables dont ne disposent plus les universitaires français spécialistes de ces régions

Désaveu cinglant pour le Premier ministre

Depuis son entrée à la primature en juin 2021, Choguel Kokala Maïga a été sur tous les fronts, s’est lui qui a été en pointe dans le combat contre la présence militaire française au Mali. On se souvient de sa déclaration à la tribune des Nations unies : « La France nous a abandonné en plein vol. » On aurait pu donc légitimement penser que les Maliens dans leur grande majorité le suivaient dans cette voie. Il n’en est rien.

À la question avez-vous confiance envers les membres ou les organes de la transition, le gouvernement qu’il dirige recueille seulement 4% de réponses positives ! Seul le Conseil national de transition (CNT) fait moins que lui : 2%, avec les petits 34% d’Assimi Goïta, cela peut donc s’interpréter comme sentence sévère pour les autorités de transition. Cependant, l’avis des Maliens est plus contrasté lorsqu’il n’est plus question des hommes mais de la gestion globale de la transition où là plus des deux tiers des sondés sont satisfaits. Allez comprendre !

Barkhane, Minusma, G5 Sahel : une note mitigée

La perception qu’ont les Maliens des acteurs extérieurs est sans conteste, l’autre enseignement très riche de cette étude. Là encore, les disparités régionales sont fortes, plus on est près d’une base que ce soit de Barkhane ou de la Minusma et plus on apprécie leur travail.  C’est une constante qui a souvent été mise en avant par le chef d’Etat-major des armées françaises et il s’avère que ce constat était juste.

S’agissant de Barkhane, étrangement et à l’inverse d’Assimi Goïta, le sondage annonce d’abord le nombre de mécontents, ils sont 45,6 %, ce qui donne en réalité une majorité de satisfaits, en ces temps de french bashing, le sondage a de quoi surprendre ! Ceux qui plébiscitent la présence française sont les habitants de Gao (60%) qui se trouvent à proximité de sa plus grande base. Autre enseignement de cette enquête, le taux d’insatisfaction était très supérieur l’an dernier où 80% réprouvaient l’action des militaires français. Est-ce la crainte de l’avenir après le départ de Barkhane qui a modifié leur avis ? Le sondage ne répond malheureusement pas à cette question.

Concernant la Minusma, 38% des Maliens sont satisfaits contre 42,7%, quelques 20% des personnes interrogées n’ayant pas d’avis. Mais une nouvelle fois, ce sont les habitants près des bases de l’opération de maintien de la paix qui approuvent le plus. Le principal reproche fait à la Minusma est connu de longue date : elle ne remplit pas la partie de son mandat qui consiste à protéger les populations civiles des djihadistes et des groupes armés.

Quant aux G5 Sahel, un tiers des Maliens n’a pas d’opinions, ce qui n’est pas anecdotique, et presque 45% lui apportent leur confiance.

Cependant une fois encore, le sondage se révèle paradoxal. À la question de savoir quel acteur est capable de stabiliser le pays, la majorité répond : AUCUN ! Le G5 Sahel se taille la part du lion avec 23,9 % de confiance, la Minusma est à 13,2% et Barkhane à 9,1%… 

L’Europe invisible

La cerise sur le gâteau de cette enquête d’opinion reste la perception qu’ont les Maliens de l’action de l’Union européenne. Alors qu’elle a déversée des milliards d’euros dans les sables du Sahel et qu’elle forme depuis 2012 avec l’EUTM et EUCAP Sahel les forces armées maliennes, huit personnes sur dix ne connaissent pas l’EUTM et neuf sur dix n’ont jamais entendu parler d’EUCAP. 

L’Europe qui se gargarise actuellement de sa mobilisation face à l’Ukraine devrait soigner sa visibilité au Mali et au Sahel!

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est la disparité des réponses selon les régions. Les perceptions ne sont pas les mêmes selon l’endroit où l’on réside. Cela prouve une nouvelle fois que plus les citoyens se trouvent éloignés de la capitale plus ils se sentent en insécurité, y compris sur le plan sanitaire. Par exemple, concernant la gestion de la crise sanitaire, 64% des habitants de Bamako en sont satisfaits contre 31% à Kidal.

Désaveu cinglant pour le Premier ministre

Depuis son entrée à la primature en juin 2021, Choguel Kokala Maïga a été sur tous les fronts, s’est lui qui a été en pointe dans le combat contre la présence militaire française au Mali. On se souvient de sa déclaration à la tribune des Nations unies : « La France nous a abandonné en plein vol. » On aurait pu donc légitimement penser que les Maliens dans leur grande majorité le suivaient dans cette voie. Il n’en est rien.

À la question avez-vous confiance envers les membres ou les organes de la transition, le gouvernement qu’il dirige recueille seulement 4% de réponses positives ! Seul le Conseil national de transition (CNT) fait moins que lui : 2%, avec les petits 34% d’Assimi Goïta, cela peut donc s’interpréter comme sentence sévère pour les autorités de transition. Cependant, l’avis des Maliens est plus contrasté lorsqu’il n’est plus question des hommes mais de la gestion globale de la transition où là plus des deux tiers des sondés sont satisfaits.  Allez comprendre !

Barkhane, Minusma, G5 Sahel : une note mitigée

La perception qu’ont les Maliens des acteurs extérieurs est sans conteste, l’autre enseignement très riche de cette étude. Là encore, les disparités régionales sont fortes, plus on est près d’une base que ce soit de Barkhane ou de la Minusma et plus on apprécie leur travail.  C’est une constante qui a souvent été mise en avant par le chef d’Etat-major des armées françaises et il s’avère que ce constat était juste.

S’agissant de Barkhane, étrangement et à l’inverse d’Assimi Goïta, le sondage annonce d’abord le nombre de mécontents, ils sont 45,6 %, ce qui donne en réalité une majorité de satisfaits, en ces temps de french bashing, le sondage a de quoi surprendre ! Ceux qui plébiscitent la présence française sont les habitants de Gao (60%) qui se trouvent à proximité de sa plus grande base. Autre enseignement de cette enquête, le taux d’insatisfaction était très supérieur l’an dernier où 80% réprouvaient l’action des militaires français. Est-ce la crainte de l’avenir après le départ de Barkhane qui a modifié leur avis ? Le sondage ne répond malheureusement pas à cette question.

Concernant la Minusma, 38% des Maliens sont satisfaits contre 42,7%, quelques 20% des personnes interrogées n’ayant pas d’avis. Mais une nouvelle fois, ce sont les habitants près des bases de l’opération de maintien de la paix qui approuvent le plus. Le principal reproche fait à la Minusma est connu de longue date : elle ne remplit pas la partie de son mandat qui consiste à protéger les populations civiles des djihadistes et des groupes armés.

Quant aux G5 Sahel, un tiers des Maliens n’a pas d’opinions, ce qui n’est pas anecdotique, et presque 45% lui apportent leur confiance.

Cependant une fois encore, le sondage se révèle paradoxal. À la question de savoir quel acteur est capable de stabiliser le pays, la majorité répond : AUCUN ! Le G5 Sahel se taille la part du lion avec 23,9 % de confiance, la Minusma est à 13,2% et Barkhane à 9,1%… 

L’Europe invisible

La cerise sur le gâteau de cette enquête d’opinion reste la perception qu’ont les Maliens de l’action de l’Union européenne. Alors qu’elle a déversée des milliards d’euros dans les sables du Sahel et qu’elle forme depuis 2012 avec l’EUTM et EUCAP Sahel les forces armées maliennes. 8 personnes sur dix ne connaissent pas l’EUTM et 9 sur 10 n’ont jamais entendu parler d’EUCAP. Sans commentaire !

L’ enquête d’opinion (Mali-Mètre), réalisée par la fondation allemande Friedrich-Ebert- Stiftung, s’est intéressée à tous les sujets censés préoccuper les Maliens. Cependant, curieusement, ils n’ont pas été interrogés sur les sanctions qui sont un souci majeur de leur vie quotidienne, en revanche, on leur a demandé leur avis sur la gestion de la pandémie de COVID 19 qui n’est pas un véritable sujet d’inquiétude dans le pays. Autre singularité, dans certains cas, l’enquête met en avant le taux d’approbation même si celui-ci est largement inférieur au mécontentement, ce qui a tendance à donner une image erronée. Par exemple, s’agissant de la notoriété du président de la transition, l’étude annonce 34% d’opinion positives, au lieu de mettre en avant les réponses négatives.

 

 

 

 

 

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)