Un film sur l’esclavagisme des femmes de chambre à Paris

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60'.
En juin 2019, les femmes de chambre du plus grand hôtel Ibis de France, porte de Clichy, à Paris, décident de sortir du silence et de l’abnégation. Elles entament une grève pour dénoncer les cadences infernales, le travail impayé et les conditions éprouvantes que leur inflige le groupe Accor via le sous-traitant qui les emploie.
La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Devant la justice, elles osent parler d’exploitation et de discrimination de la part du premier groupe hôtelier européen et troisième mondial. C’est un système entier qui est pointé du doigt dans cette lutte qu’elles mènent, sans relâche, pendant près de deux ans. Pour Rachel Kéké, porte-parole du mouvement, Sylvie Kimissa et les autres, c’est une lutte incertaine.

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Rachel Kéké est arrivée d’Abidjan en l’an 2000. Depuis son installation en France, elle est employée par des sociétés de nettoyage. Ses collègues aussi viennent majoritairement d’Afrique subsaharienne. Pour elle, leur situation actuelle est liée à leur profil : « La majorité des Africains ne connaissent pas les lois. Beaucoup ne savent ni lire, ni s’exprimer. On n’arrive même pas à lire les fiches de paie, et ils en profitent ». Les sociétés qui les embauchent savent qu’elles ont besoin de contrat de travail pour prolonger leur titre de séjour. Tout part de là. Tout leur est permis, car ces sociétés savent qu’elles n’ont (en théorie) que le droit de dire oui en baissant la tête, et en se brisant le corps.

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Cadences infernales, salaires indécents. En mai 2021, après un combat de 22 mois, une vingtaine de femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles ont fait plier (faiblement) le groupe Accor, soucieux de son image et désireux que cesse les actions de protestation qui atteignent à son image.

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Au fil du combat qui les a opposées à Accor, premier groupe hôtelier français, elles sont devenues en France les symboles de la lutte de ces travailleurs que l’on dit « invisibles ». Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles ont exprimée au grand jour cet esclavagisme moderne de juillet 2019 à mai 2021. Ces femmes sont d’origines africaines ou maghrébines, alors  plutôt que pleurer, elles dansent et elles chantent pour dénoncer la sous-traitance, synonyme, c’est-à-dire, la maltraitance: cadences infernales, salaires indécents, heures supplémentaires impayées…

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Le réalisateur Thibault Férié les rencontre quand leur mobilisation dure déjà depuis quatorze mois. Son film-chronique, La Révolte des femmes de chambre diffusé sur France 2, suit mois après mois le groupe d’une vingtaine de grévistes, emmenées par leurs deux porte-parole charismatiques, Rachel Keke et Sylvie Kimissa Esper. Ils s’opposent à ceux qui ont prétendu que ces femmes, toutes immigrées, étaient manipulées par leur syndicat (la CGT-HPE, syndicat des hôtels de prestige et économiques) ou leurs avocats.

« Sous-entendre que ces femmes africaines seraient incapables de prendre leur destin en main ou d’analyser leur situation est un vieux réflexe ancré dans notre société, peut-être plus difficile à combattre que le groupe Accor », commente le réalisateur.

Le film

Le film a des qualités et des défauts. La grande qualité du réalisateur réside sans doute dans sa discrétion. C’est son effacement qui permet aux différentes femmes dans ce film de prendre la parole. Les grévistes sont au cœur du dispositif de ce documentaire. Elles ne se font voler la « vedette » par personne. On reste pourtant un peu sur sa fin quand le film se termine, car le parti pris du réalisateur lui interdit un travail d’enquête et d’investigation. Aussi, quand surgissent à la fin du film les deux panneaux énonçant le résultat de leur actions après 22 mois de conflit, on est à la fois content pour elles, et un peu désespéré du peu qu’elles ont obtenu.

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.
La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Le seule véritable lumière réside finalement dans l’élection de Rachel Keke aux législatives de juin 2022. C’est peut-être là l’objet d’un nouveau film, mais on aurait aimé en apprendre un peu plus sur le groupe Accor qui met en place cet esclavagisme moderne, et s’en sort en versant la somme, importante pour ces femmes, mais ridicule, de 50.000 euros pour l’ensemble des plaignantes.

La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.
La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.
La révolte des femmes de chambre, un film de Thibault Férié, 2022, 60′.

Voir le film

Le film de Thibault Férié (2022, 60′) est visionnable gratuitement sur la plateforme de France.TV jusqu’au 9 février 2023.

Reportages

Voir le reportage de TV5 Monde, 14 août 2019.

Le reportage d’Europe 1 avec Rachel Kéké et Thibault Férié, 5 octobre 2022.

Fiche technique

Un film de Thibault Férié • 2021 • France • Documentaire d’information/Reportage • Prise de vue réelle • 60 min • Couleur • Mode de production : Télévision • VF, VOSTF (français) • Scénario : Thibault Férié

Producteur
Compagnie des phares & balises (CPB) (108, avenue Ledru Rollin, 75011 Paris, Tel: + 33.(0)1.44.75.11.33, @ : distribution@cpbfilms.com).

Distributeurs
France Télévisions distribution (1 boulevard Victor, Immeuble Le Barjac, 75015 Paris, Tel. 01 44 25 01 40 / 01 56 22 90 48, Fax. 01 44 25 01 42 / 01 56 22 90 92, ftdinternational@francetv.com)
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