La rupture des relations entre Rabat et Alger: un non événement

Le Maroc est beaucoup plus inquiet par le rapprochement entre l’Espagne et l’Algérie que par la décision d’Alger, le 24 août, de rompre ses relations diplomatiques avec Rabat, alors que la tension est totale, ces derniers mois, entre les deux pays. Chronique d’une séparation annoncée.

La violence des déclarations algériennes contre le Maroc, y compris celles provenant du ministre des Affaires Etrangères Lamamra qui avait la réputation d’un homme politique sophistiqué, témoigne avant tout de la dégradation totale d’un régime algérien à la recherche d’un ennemi hypothétique pour expliquer son impuissance à gouverner le pays. Les accusations contre les Marocains, sans aucune preuve,  d’avoir allumé les terribles incendies qui ont éclaté, cet été, en Kabylie sont juste ahurissantes.

Ces outrances donnent naturellement le beau rôle au Roi Mohamed VI qui tendait la main récemment à son voisin algérien. Le souverain marocain donne le sentiment d’une réelle hauteur de vues face à un conflit ancestral qui transforme le projet d’Union du Maghreb en un pur fantasme. Ce dont les deux pays ont aujourd’hui à souffrir.  

Le Sahara, pomme de discorde

La rupture des relations entre le Maroc et l’Algérie est à peu près un non événement. De relations en effet, il n’y a pratiquement plus entre les deux pays qui, ces dernières années, ne communiquent que de façon occasionnelle sur le seul terrain sécuritaire. Plus grave, la tension est telle ces dernier mois entre Alger et Rabat que la menace d’un conflit ponctuel n’est pas écarté par certains experts, notamment à propos de la question du Sahara.

La marocanité du Sahara est en effet non négociable pour la monarchie marocaine qui peut s’appuyer sur l’adhésion de l’immense majorité du peuple marocain. L’appui récent des États-unis et de certains pays arabes renforce la position de Rabat. Le sens de l’histoire sert également la diplomatie marocaine puisque, depuis maintenant un demi siècle, le Sahara appartient de facto au Royaume chérifien qui a investi sans compter en faveur du développement de cette enclave territoriale

En revanche les militaires algériens considèrent plus que jamais que les droits historiques des Sahraouis du Front Polisario à être maitres chez eux doivent être défendus. La fait que le général Chengriha, chef d’état-major et véritable patron de l’Algérie, ait été pendant quatorze ans à a tète de la troisième région militaire face à à la frontière marocaine, renforce encore cette posture de l’armée algérienne. Il semble que contrairement au Marocains, les Algériens confrontés à une crise sociale et politique sans précédent soient assez indifférents à la cause du Sahara.

La question du gaz 

Le seul sujet qui pourrait inquiéter le Maroc après la décision algérienne de rompre les relations est celle de la possibilité de la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe, qui relie depuis 1996 les gisements algériens à l’Europe via le royaume marocain. Le contrat expire en octobre prochain et l’absence de tout contact officiel entre les deux pays rend son renouvellement problématique. D’autant plus que l’Algérie a développé le gazoduc Medgaz, acheminant le gaz directement de ses gisements vers l’Espagne. 

En fait les deux pays ont tout intérêt à renouveler leurs accords en matière de transport gazier. Le gazoduc qui relie directement l’Algérie à l’Espagne fonctionne en effet à plein, les Algériens ont encore besoin d’un deuxième gazoduc. Quant aux Marocains, ils ne peuvent pas se passer des 7% de gaz qu’ils ponctionnent sur les volumes transitant par leur territoire. Les tractations de la dernière chance se poursuivent actuellement pour trouver un accord. Alger a laissé la question en suspens en affirmant qu’il reviendrait d’en décider à la société Sonatrach, le mastodonte qui gère le gaz et le pétrole algérien.

L’axe Madrid Alger 

Plus inquiétant sans doute que cette nouvelle brouille avec l’Algérie, les Marocains sont légitimement inquiets des excellentes relations qu’Alger entretient avec Madrid. Le gouvernement algérien a pu envoyer discrètement, en juin dernier,  le leader du Polisario se faire soigner dans un hôpital espagnol. L’extradition toute récente par les Espagnols d’un opposant algérien renforce encore le sentiment qu’un axe fort se constitue entre l’Espagne et l’Algérie? De quoi isoler le Maroc sur le plan régiona!.

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

2 Commentaires

  1. Pour nous, en Algérie, c’est un grand événement historique ! Et , on espère que les dirigeants de notre pays rompent les relations consulaires et ferme l’espace algérien pour toutes compagnies qui desservent le Maroc.

  2. Un non évènement pour vous, certainement, mais un grand évènement pour nous Algériens qui avons fait la sourde oreille depuis si longtemps (depuis 1963!!!) pour se voir, à la fin, envahi par ce royaume prédateur et fliquart. Nous sommes enfin débarrassés d’une énorme épine qui nous collait au pied.
    Etant un ancien colon de notre cher pays, vous ne pourrez jamais comprendre cela. A bon entendeur, salut !

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