Les Tankers « fantômes » iraniens au service de la Russie

An oil tanker is seen off the port of Bandar Abbas, southern Iran, on July 2, 2012. Iran has come up with several methods to foil the European insurance embargo on ships loaded with its crude, a sanction which may harm its vital exports as much as the EU oil embargo itself. AFP PHOTO/ATTA KENARE (Photo by ATTA KENARE / AFP)

Les techniques qui ont permis aux Iraniens de contourner l’embargo des Etats Unis sur leurs exportations de pétrole sont aujourd’hui utilisées par la Russie. Des tankers « fantômes » acheminent le pétrole russe en Chine au mépris des sanctions imposées par les Occidentaux.

Selon des experts cités par le Financial Times, le pays serait en train de constituer une vaste «flotte fantôme» de tankers rachetés au travers de circuits et structures opaques, et destinés à contourner les conséquences de ce prix plafond imposé par l’UE.

Les pétroliers de la « flotte fantôme » iranienne servent aujourd’hui au transport du pétrole russe. Pour aider Moscou à parer aux sanctions occidentales, le gouvernement iranien a informé la Russie, de la meilleure manière de contourner les sanctions : l’utilisation de « pétroliers fantômes » ».

Les pétroliers dits « fantômes » sont des navires de transport qui déguisent leur nom et le nom de leur propriétaire, qui changent constamment de propriétaires par le biais de sociétés écran et qui dissimulent aussi leurs mouvements pour mieux contourner les sanctions. Des réseaux de navires fantômes ont ainsi été constitués pour organiser un commerce de contrebande du pétrole iranien et vénézuélien.

Selon des recherches menées par United Against Nuclear Iran (UANI), une ONG basée aux Etats Unis, seize navires au moins qui faisaient partie du réseau « fantôme » iranien sont aujourd’hui au service de la Russie pour violer les sanctions qui pénalisent le pétrole brut russe. Et ce manège dure depuis déjà deux mois affirme le Financial Times.

La Chine, principal acheteur

Mais il ne suffit pas d’une flotte clandestine pour acheminer du pétrole, il faut aussi des acheteurs qui n’ont pas peur de braver les sanctions européennes et américaines. Et le principal acheteur du pétrole vendu et transporté incognito est la Chine. Pékin se fournissait déjà auprès de l’Iran et se fournit aussi aujourd’hui auprès de la Russie. Selon UANI, « Depuis le début de l’administration Biden il y a deux ans, la République islamique d’Iran a réussi à exporter un peu plus de 600 millions de barils de pétrole vers la Chine, d’une valeur d’environ 48 milliards de dollars ». Autant dire que l’embargo des Etats Unis n’a guère d’efficacité. Il ne fait qu’aider la Chine a s’approvisionner en une énergie bon marché, car l’acheteur est en position de peser sur les prix d’un fournisseur qui n’est pas libre de proposer ses services à une multitude de clients.

Comme l’Iran, la Russie attire les propriétaires et exploitants de tankers avec des primes que l’on suppose plus élevées d’au moins 50%.

Le Financial Times cite Svetlana Lobaciova, analyste pétrolier chez le courtier maritime EA Gibson à Londres qui affirme « avoir vu un certain nombre de navires déjà impliqués dans le transport des barils iraniens se mettre à faire du commerce pour les Russes.  La prime pour le commerce russe est supérieure d’au moins 50 % aux taux normaux du marché et pourrait même dépasser 100 % dans certains cas, ce qui rend le transport de pétrole russe plus attrayante encore que le transport de pétrole iranien. »

La concurrence pour les navires est une source possible de tension dans la relation Iran-Russie. Mais les tankers fantômes ne semblent pas manquer. UANI a identifié pas moins de 288 navires qui ont chargé du pétrole iranien et qui ont fait l’objet de plaintes pour violation des sanctions auprès des registres maritimes et des compagnies d’assurance.

Les sanctions occidentales contre la Russie sont moins lourdes que les sanctions américaines contre l’Iran. Le plafonnement des prix du pétrole russe par les pays membres du G7 a été conçu pour limiter les revenus du Kremlin tout en gardant suffisamment de barils russes sur le marché pour éviter les pénuries. En clair, les tankers ne sont autorisés à charger et à transporter le pétrole russe que si ce pétrole est payé à un prix imposé de 60 dollars le baril par les Occidentaux. Ce plafonnement-sanction ne peut être mis en place que parce que les services de fret et d’assurance sont fournis à 90% par les entreprises des pays occidentaux et notamment les pays européens.

Une centaine de navires

Ce régime de semi-sanctions qui affecte la Russie rend l’acheminement du pétrole russe plus attrayant pour les compagnies de fret maritime. Les propriétaires et exploitants de navires sont moins susceptibles de tomber sous le coup de pénalités et de poursuites s’ils peuvent prouver que le carburant russe était vendu sous le plafond. Selon un courtier maritime, si les grandes compagnies de fret pétrolier respectent peu ou prou l’embargo, les pirates se recrutent plus volontiers du côté des PME du fret maritime.

Il n’est pas exclu que les navires qui acheminent le pétrole russe soient aussi des navires qui fassent partie d’une flotte fantôme mise en place par Moscou. Selon certains courtiers, cette flotte fantôme opérant pour le compte exclusif de la Russie se composerait d’environ 100 navires au moins.

Le Financial Times qui a étudié de près les volumes des expéditions de brut russe estime que la flotte fantôme est ainsi passée d’un transport de moins de 3 millions de barils en novembre à un transport de plus de 9 millions de barils en janvier.

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