“Le choc des civilisations”, une vieille rengaine

« Le choc des civilisations », version Valls, a peu à envier à « la cinquième colonne » du maire UMP de Nice Christian Estrosi. Autant de déclarations guerrières qui démontrent la paresse intellectuelle de notre classe politiques face aux multiples visages du terrorisme

Hollande-au-QatarDès le vendredi 26 juin, le Président de la République française, François Hollande, adepte depuis l’opération Serval au Mali d’une guerre contre le terrorisme, une expression usée des néo-conservateurs américains, dénonce les attentats qui se sont produit, ce jour là, en France, en Tunise et … au Koweit. Dans les trois pays en effet, des innocents ont trouvé la mort et leurs assassins ont invoqué le parrainage de l’Etat Islamique, un label qui sème l’effroi et la terreur.

Mais la comparasion entre les trois pays s’arrète là. Tout amalgame est dangereux, les contextes sont totalement différents et les mobiles des tueurs éloignés.

Des « terroristes », jusqu’à quel point?

Au Koweil, l’attentat a visé une mosquée chiite. Rappelons que l’Etat Islamique, mouvement sunnite, a été encoragé par les monarchies du Golfe dans sa lutte contre le syrien Assad, allié de Téhéran, ou contre les rebelles chiites du Yémen. On peut fort boen imaginer que la tuerie de vendredi 26 juin a été sinon organisée, du moins encouragée, par le pouvoir koweitien, trop heureux d’utiliser les mercenaires de l’Etat Islamique contre l’ennemi héréditaire chiite. L’hypothèse n’est pas absurde.

En France, la mise en scène macabre de l’assassinat du chef d’entreprise à Saint Quentin Fallavie (Isère) rappelle les vidéos de l’Etat Islamique. Encore faut-il considérer la dimension privée de cet acte apparemment isolé. Les jours précédant son forfait, l’assassin s’était faché avec son patron et avec sa famille. Son acte pourrait fort bien être plus proche du fait divers que d’une participation longuement murie au djihad. Les premières déclarations du coupable à la police, que personne dans la presse n’a voulu prendre au sérieux, allaient d’ailleurs dans ce sens. Avant d’appeler à « la guerre de civilisation », le Premier ministre aurait du marquer une pause.

En Tunisie, comme le rappelait le leader de la gauche tunisienne, Hamma Hammami, dans un entretien récent avec Mondafrique, le « terrorisme » a d’abord des racines dans une situation sociale désastreuse, qui s’est détériorée depuis le début de la transition démocratique voici quatre ans. Ces diplomés chomeurs ont renversé Ben Ali en 2011 et certains, faute de travail, croient au mirage djihadiste.  La proximité avec la Libye, terre de désolation où circulent librement les armes, l’argent et les djihadistes, failite ces dérives. Enfin -ce qui n’est pas le cas en France-, l’appareil sécuritaire tunisien n’est pas en orde de marche face à des périls qu’il ne soupçonnait pas.

« L’Etat islamique », une civilisation

Deux jours plus tard après l’intervenion de Hollande, le premier ministre, Manuel Valls, en a remis une couche dimanche matin sur Europe 1. Du Koweit à la France en passant par la Tunisie, nous serions en pleine « guerre de civilisation ». Première maladresse de langage, la pieuvre de l’Etat islamique serait, à elle seule, « une civilisation » contre laquelle la France serait en guerre. Deuxième nouvelle, nos alliés dans cette guerre seraient aussi bien le gouvernement tunisien légitime du Président tunisien Bej Caïd Essebsi que le régime féodal, réactionnaire et salafiste qui rêgne sur le Koweit.

Depuis que nos dirigeants Hollande et Fabius en tète vont baiser la babouche des rois fainéants à Ryad et à Doha, ils ont un peu perdu le sens des alliances véritables de la France. Après tout, des résistants qui se battraient au Koweit contre l’arbitraire passeraient dans cette dictature pour des terroristes/

Cet appel à une lutte indifférenciée contre le terrorisme masque évidemment d’autres desseins plus prosaïques. A mobiliser l’opinion française contre le mal absolu, François Hollande espère un frémissement de sondages décidément en berne. Le président français nous rejoue « l’esprit du 11 janvier », qu’il a brandi après la manifestation consensuelle contre les assassins de journalistes de Charlie et des consommateurs du magasin casher. Mais la rengaine contre le terrorisme mondial désormais semble usée.