Le calendrier électoral explique le réchauffement Iran/Etats Unis 

Ô surprise, l’Iran se montre d’humeur accommodante et mène simultanément des pourparlers avec l’Union européenne et les États-Unis.

La semaine dernière, le principal négociateur nucléaire iranien, Ali Bagheri-Kani, a rencontré à Doha (Qatar) le médiateur de l’Union européenne Enrique Mora afin de relancer l’accord nucléaire de 2015. L’UE, contrairement aux États-Unis, est toujours partie prenante de cet accord.

Parallèlement, les États-Unis ont discrètement repris langue avec l’Iran dans le but d’aboutir à un « accord informel » sur le programme nucléaire de Téhéran. Les États-Unis et l’Iran ont nié qu’un accord intérimaire ait été conclu.

On se parle…

Les discussions entre belligérants (Iran-Etats Unis) s’expliquent par les calendriers électoraux. L’Iran a beau être entré en fraude dans le club des puissances nucléaires, représenter une menace dans la guerre en Ukraine, et avancer un programme de missiles , les Etats Unis multiplient les ouvertures à son égard. A moins d’un an des élections présidentielles, Joe Biden veut obtenir un accord informel sur le nucléaire iranien et la libération de plusieurs Américains détenus en otages en Iran. S’il obtenait ce qu’il voulait, il aurait, croit-il, un avantage électoral sur son rival Donald Trump.

De son côté, la République islamique fait aussi face à des « élections » législatives en 2024. Rien de démocratique dans ce scrutin, mais l’occasion pour le pouvoir d’afficher ses priorités. Les mollahs sont conscients aujourd’hui d’avoir perdu prise sur l’immense majorité de la population. Et à l’occasion de ces élections, ils aimeraient annoncer des mesures pour alléger les difficultés économiques des Iraniens.

Un geste en direction de Joe Biden permettrait peut-être au régime de récupérer tout ou partie des dizaines de milliards de dollars iraniens que les sanctions ont gelé dans les banques occidentales.  

Bref, pour des raisons intérieures électoralistes, diplomates américains et iraniens multiplient les sourires. Ils font de la communication.

Des gestes déja !

Le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, a déclaré qu’il n’y avait « rien de mal » à parvenir à un accord nucléaire avec l’Occident à condition que l’infrastructure nucléaire de son pays reste « intacte ».

Pour remercier les Iraniens de ces bonnes paroles qui ne les engagent à rien, les États-Unis ont accepté que les banques irakiennes remboursent 2,7 milliards de dollars de dette aux banques iraniennes.

Des réunions entre l’Iran et les États occidentaux ont eu lieu récemment. L’Iran a rencontré des responsables européens aux Émirats arabes unis et au Qatar, et des responsables américains à Oman. Les quelques États arabes qui avaient approuvé la politique dure de Donald Trump envers l’Iran, en 2018, adoptent désormais un ton plus conciliant. Mieux, certains facilitent le dialogue entre l’Orient et l’Occident.

La conséquence majeure de ces alignements en série est d’isoler Israël qui demeure le seul État à s’opposer bruyamment à la reprise des pourparlers.  « Notre position est claire : Israël ne sera lié par aucun accord avec l’Iran et continuera à se défendre », a déclaré ce mois-ci le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Un jeu de rôles

L’Iran a clairement indiqué qu’elle ne conclurait aucun accord qui remplacerait le JCPOA de 2015. Les Américains ont compris le message mais semblent prêts à payer les Iraniens pour obtenir un accord de façade qui ne règle rien sur le fond mais autorise le déploiement de trompettes diplomatiques le temps d’une élection.

La Corée du Sud qui ne refuse rien aux Etats Unis semble ainsi prête à débloquer 7 milliards de dollars qu’elle devait à l’Iran pour ses importations de pétrole. Cet argent avait été bloqué par les sanctions américaines et plusieurs articles récemment parus laissent entendre que ces fonds pourraient atterrir dans les coffres de la banque centrale d’Iran.Bref, la diplomatie ne sert plus qu’à  amuser les peuples américain et iranien pour les inciter à bien voter, c’est-à-dire à voter pour le président sortant.

Que la plus grande démocratie du monde entreprenne d’aider un régime voyou à conserver le pouvoir n’est pas le moindre des paradoxes.