Crises régionales, les risques sécessionnistes en Afrique

Partout en Afrique, l’intangibilité des frontières est remise en cause comme elle peut l’être en Catalogne, en Flandre ou en Corse
Après leur indépendance, plusieurs États africains avaient connu de graves crises internes avec leurs milliers de victimes, les innombrables exilés politiques et des territoires durablement meurtris. Les conflits du Biafra, du Cameroun, du Katanga, de l’Angola et du Mozambique aux causes différentes, sont encore dans les mémoires. Outre les affrontements de mouvements de libération nationale concurrents, comme dans les anciennes colonies portugaises de l’Angola ( MPLA et UNITA) et du Mozambiqie ( FRELIMO et RENAMO), c’est principalement la remise en cause du principe de l’intangibilité des frontières, posé par l’Organisation de l’unité africaine, en 1963, qui était souvent à l’origine des revendications des sécessionnistes. Les particularismes religieux, linguistiques et ethniques de certaines parties du territoire national ne se retrouvaient pas dans les nouveaux États unitaires, façonnés par la colonisation, en dépit des réalités de peuplement et de l’Histoire.
On aurait pu penser que les cicatrices de ces conflits post-coloniaux étaient définitivement fermées, étant donné le contexte du XXl ème siècle, dominé par la mondialisation de l’économie et l’affaiblissement de l’Etat face à la montée en puissance des organisations économiques supranationales comme la CEDEAO, la CEEAC, la SADC ou la CEMAC.
Du neuf avec de l’ancien
Le contexte mondial est nouveau, mais les conflits d’hier ne sont pas éteints. Il est vrai que la guerre froide est enterrée, avec ses importants dégâts collatéraux africains! Même si les alternances politiques tardent à se concrétiser, dans de nombreux Etats africains, les processus électoraux s’améliorent lentement et se rapprochent des normes internationales d’une élection démocratique.La société civile s’organise progressivement et la connexion africaine au village-monde, via l’internet, est, chaque jour, plus importante.
En dépit de ce nouveau contexte, des anciens conflits se rallument, les uns après les autres. Le vent des sécessions se renforce, comme en Europe avec la Catalogne, l’Ecosse, la Flandre ou la Corse. La langue, le passé historique et les discriminations politico-économiques du pouvoir central envers des particularismes territoriaux, sont à la racine de ces mouvements. Les sécessionnistes peuvent invoquer les exemples de l’Érythrée, du Soudan du sud, voire du Somaliland pour rejeter un principe de l’intangibilite des frontières battu en brèche.
Ainsi donc, le Biafra connaît de nouvelles revendications indépendantistes, la crise voisine au Cameroun anglophone se transforme progressivement en un mouvement secessionniste; la moitié orientale de la Centrafrique se détache ostensiblement de la République centrafricaine francophone et chrétienne, le Katanga retrouve des aspirations qui semblaient avoir disparues avec Moise Tchombe, le Pool congolais, toujours sous la coupe du pasteur Ntumi et de ses Ninjas, s’agite de nouveau et laisse craindre une reprise de la lutte armée, qui s’était terminée en 2005. Même au Mozambique, la Renamo rénovée a repris ses attaques contre le pouvoir du Frelimo, tandis qu’en Angola, la succession de l’autocrate Dos Santos et la confiscation du pouvoir par le MPLA de Joao Lourenço, ont redonné des forces à l’UNITA, dans l’est du pays.
Vers un nouvel embrasement?
Il y a d’abord le changement de paradigme dans les politiques africaines des nouveaux dirigeants des Etats-Unis d’Amérique, de la France, du Royaume Uni et le désintérêt de la Russie pour ces pays qui n’offrent plus d’intérêts stratégiques évidents. Désormais, les questions transfrontières comme la lutte contre le terrorisme islamiste et l’immigration clandestine sont à l’ordre du jour. Le pétrole et les grandes bases militaires africaines permanentes ont perdu de leur attractivité.
Dans les États où se produisent la résurgence de ces conflits internes, il faut constater que les mauvaises pratiques de gouvernance, les élections viciées par la manipulation des processus et des résultats, la répression des mouvements d’opposition et de leurs leaders, la quasi impossibilité d’espérer une alternance pourtant souhaitée par la grande majorité de la population et la faible prise en compte des problèmes du sous-développement de certaines régions, peu favorables au président, sont à la source d’une exaspération qui finit par se cristalliser contre le pouvoir central. La jeunesse, qui n’a pas connu les précédentes crises narionales, est sans grandes perspectives professionnelles. Elle est mûre pour l’immigration ou suivre les leaders qui veulent rompre le pacte national pour s’émanciper des autres régions du pays.
L’heure est de moins en moins aux coups d’Etat militaires et de plus en plus à l’éclatement des Etats unitaires.