Procès Steinmetz (volet IV), ce magnat des mines qui méprisait l’intendance

En appel depuis ce début de semaine comme en première instance, l’homme d’affaires franco-israélien Beny Steinmetz présente la même ligne de défense : il n’est pas le “big boss“ de Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) mais un simple conseiller non exécutif de cette nébuleuse de sociétés. Les magouilles qui auraient pu se passer en Guinée afin de mettre la main sur les gisements de fer de Simandou? Quelles magouilles? De quelle corruption parle-t-on? Il n’es pas sur que le Procureur devant  le tribunal de Genève, Yves Bertossa, sera totalement convaincu par l’argumentation du magnat des mines.   

Par Ian Hamel, à Genève

A 66 ans, Beny Steinmetz est une énigme. L’homme d’affaires ne se livre pratiquement jamais. Silhouette frêle mais sportive, il est loin de faire son âge. Dans une récente interview accordée au Monde, il explique ne pas avoir de garde du corps car il préfère « marcher incognito dans la rue ». Ce que nous avons pu constater dans les rues de Genève. Sa voiture aurait quinze ans. Il ne boit pas d’alcool et ne fait jamais la fête. Ce n’est pas un flambeur. L’argent en soi ne l’intéresserait pas. Sa vraie passion ? Sa famille, ses quatre enfants et ses quatre petits-enfants. Avec son épouse, il a créé en 2006 la Fondation Beny & Agnès Steinmetz, qui aide les écoles, les hôpitaux, les arts et l’armée en Israël. Bref, ce serait un honnête homme victime d’une horrible cabale montée par Alpha Condé, élu président de Guinée en 2010, avec le soutien de son meilleur ennemi, le milliardaire américain George Soros. « Il a juré ma perte car il a des griefs personnels contre moi depuis des années », affirme Beny Steinmetz.     

Prospecter, c’est prendre des risques  

Quant à Mamadie Touré, la quatrième épouse du feu président Lansana Conté, « elle n’a fait que mentir ». Pour faire simple, Beny Steinmetz ne comprend pas cette condamnation à cinq ans de prison pour « corruption d’agents publics étrangers » et pour « faux dans les titres ». Car selon lui, il n’y a tout simplement pas besoin de donner des pots-de-vin pour obtenir un droit de prospecter. Selon un document fourni par sa défense, l’entrepreneur prend des risques, investit des millions de dollars sans savoir si un jour il pourra rentabiliser sa mise. Si les gisements de fer au Mont Simandou sont présentés comme les plus prometteurs du monde (des ressources estimées à plus de deux milliards de tonnes), encore faut-il pouvoir les exploiter un jour.                                                                                                                                

« Il faut en effet de solides infrastructures (voies ferrées modernes, port en eaux profondes, puissant réseau énergétique) pour transférer le minerai de la mine au consommateur. Or Simandou est une colline recouverte de forêt située dans une région totalement isolée et très éloignée de la mer (environ 400 km à vol d’oiseau), aujourd’hui accessible principalement par hélicoptère », explique  le document intitulé « BSGR et la Guinée. Comment BSGR a obtenu le droit d’explorer et/ou d’exploiter des mines en Guinée sans corruption ». En clair, avant de pouvoir exploiter Simandou, il faut déjà investir entre 10 et 20 milliards de dollars. BSGR a dépensé 160 millions de dollars dans l’opération. En admettant que le raisonnement de Benny Steinmetz se tienne et qu’il est possible d’obtenir un permis d’exploration sans bourse déliée, pourquoi Beny Steinmetz est-il tout de même passé par des intermédiaires localement, et notamment par Frédéric Cilins ? Et pourquoi introduire dans la ronde la plantureuse Mamadie Touré ?         

Le quotidien suisse Le Temps rapporte les propos du magnat des mines : « Nous avons été victimes d’un projet peut-être trop grand pour nous, mais il n’y a jamais eu de corruption. Cela a été inventé par ceux qui voulaient s’approprier cette affaire ». Une affaire qui lui coûterait aujourd’hui terriblement cher. A l’en croire, Beny Steinmetz ne serait plus milliardaire ni l’homme le plus riche d’Israël. La condamnation à cinq ans de prison en janvier 2021 plomberait dorénavant son business. Il aurait même du mal à payer l’amende de 50 millions de francs suisses (51 millions d’euros) si celle-ci était confirmée en appel.   

Une fondation familiale au Liechtenstein

Avant d’être rattrapé par la malédiction des ressources naturelles qui a toujours frappé la Guinée, Beny Steinmetz s’en était plutôt bien tiré dans la vie. Un parcours presque sans faute. Né en 1956 en Israël d’un père juif polonais, Rubin Steinmetz, pionnier dans le commerce du diamant. Après son service militaire, Beny s’installe à Anvers afin d’apprendre à son tour le métier de diamantaire. Il prospecte en Namibie, en Angola, au Botswana, en Sierra Leone. Dans les années 90, l’homme d’affaires retourne en Israël et diversifie ses activités. Il s’intéresse au cuivre, au manganèse, au minerai de fer, au pétrole, au gaz. Il se lance dans l’immobilier, investit dans le bâtiment. Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) est présent dans plus de 25 pays. Un empire organisé autour d’une fondation familiale, Balda, établie au Liechtenstein. Mais Beny Steinmetz n’occupe aucune position officielle dans cette galaxie. Il a longtemps habité sur les bords du lac Léman, bénéficiant jusqu’en 2016 du très attrayant forfait fiscal helvétique. Depuis, le diamantaire est retourné vivre en Israël avec sa famille.

L’homme d’affaires franco-israélien doit encore convaincre les juges qu’il n’est qu’un simple conseiller de BSGR. L’acte d’accusation mentionne Beny Steinmetz comme le vrai patron de l’ensemble. En 2012, le magnat des mines avait eu une phrase malheureuse dans le Financial Times, déclarant qu’il fallait parfois savoir « se salir les mains » pour réussir en affaires. Récemment dans Le Monde, l’homme d’affaires a tenu à se justifier,  affirmant qu’en hébreu cela veut seulement dire « travailler dur » et « mettre les mains dans le cambouis ».

La citation du Financial Times va-t-elle être reprise la semaine prochain par le procureur Yves Bertossa ?

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