Ali Benouari: « l’Algérie ne doit pas devenir le Vénézuéla »

Crédits : Crédits : Alex Derriks. Région du M'Zab, Algérie. "Les Ibadites ont souvent été mal vus par les autres musulmans".

Dans le contexte de la crise financière provoquée en Algérie par la chute des prix du pétrole, quasiment seule ressource en devises du pays, le Premier ministre Abdelaziz Djerad a qualifié de «catastrophique» la situation du pays héritée de l’ancien pouvoir du Président déchu Abdelaziz Bouteflika

Les décisions annoncées par le Président algérien; Abdelmajid Tebboune, sont-elles en mesure de juguler la crise? Sputnik a posé la question à l’ancien ministre algérien du Trésor Ali Benouari (1991-1992), expert international en finances et président du parti non agréé Nida El Watan (l’Appel de la Patrie).

Ali Benouari affirme que l’économie algérienne «est gérée avec des réflexes nord-coréens alors qu’elle est largement libéralisée et imbriquée dans le système mondial d’échanges». «L’urgence du moment est d’éviter de basculer dans l’horreur vénézuélienne», met-il en garde, soulignant que «le gouvernement algérien devrait se rappeler trois évidences».

La première est relative à l’endettement extérieur

Contrairement à la décision annoncée par le Président Tebboune, M.Benouari affirme qu’«il n’y a pas aujourd’hui d’alternative à l’endettement extérieur, tant que celui-ci est à la fois une nécessité sur le double plan financier et économique». Et d’ajouter que c’est «une nécessité financière d’abord au regard de l’ampleur du déficit de nos comptes extérieurs». «Il faut préciser toutefois que cet endettement devra être encadré, quantitativement et qualitativement», précise-t-il.

Dans ce sens, l’expert explique que le rôle de l’endettement extérieur «sera d’atténuer notre gigantesque déficit de balance des paiements», soutenant que «les montants susceptibles d’être ainsi mobilisés devront en effet, pour être sans danger, exclure toute forme de crédits à court terme destinés à la consommation». «Ils devront être réservés au renforcement du potentiel productif du pays et à des projets tournés vers l’exportation», souligne-t-il, rappelant qu’«ils sont donc utiles seulement s’ils viennent appuyer une politique de développement dans un cadre strictement planifié».© CC0 / EYEONICIMAGESL’Algérie alerte sur la situation «extrêmement grave» du marché pétrolier et s’inquiète pour son budgetDans ces conditions, «il ne faudra pas craindre les effets de l’endettement extérieur s’il est confiné dans certaines limites, dont un ratio du service de la dette équivalent à 25% au maximum des revenus en devises du pays et l’adaptation de sa durée à celle de l’amortissement des projets d’infrastructure et d’équipement dont la rentabilité se mesure à moyen et long terme», indique Ali Benouari. L’autre avantage de l’endettement est que «son utilisation s’effectue sous le strict contrôle des bailleurs de fonds, ce qui constitue un frein à la corruption et à la gabegie du type du projet de l’autoroute Est-Ouest».

La dévaluation de la monnaie

Sur ce registre, l’ex-ministre du Trésor affirme également qu’«il n’y a pas d’alternative à la dévaluation qui seule est en mesure de rétablir à bref délai nos déficits internes et externes». «La planche à billets n’est qu’une dangereuse fuite en avant qui ne fait qu’aggraver la situation», met-il en garde, emboîtant aussi le pas au chef de l’État concernant sa décision sur le financement non conventionnel.© AP PHOTO / SIDALI DJARBOUBSes deux ex-Premiers ministres le demandent à la barre. Bouteflika sera-t-il jugé en Algérie?Par ailleurs, faisant référence à son étude détaillée sur la question intitulée «Plaidoyer pour une convertibilité totale du dinar» publiée en trois parties par le journal El Watan en décembre 2005, l’expert soutient que la surévaluation de la monnaie nationale «entraîne un énorme gaspillage des ressources en devises, une grande corruption via la surfacturation des importations et provoque une dégradation accélérée de notre balance des paiements».

Le taux de change

M.Benouari explique sur le taux de change que, qu’il soit fixé par le marché (le cas des pays occidentaux, de la Russie, etc) ou l’administration (cas de l’Algérie), «il a comme rôle d’ajuster les sorties et les entrées de devises». «C’est pourquoi la valeur du rouble, par exemple, a baissé au lendemain de la décision saoudienne de baisser les prix de son pétrole et d’augmenter sa production», rappelle-t-il, avant de s’interroger: «comment envisager que notre dinar puisse ne pas en être impacté? Doit-on prendre les russes pour des fous?»