Bilan Macron (7), l’inculture africaine d’Emmanuel Macron

La rupture avec la Françafrique annoncée en début de quinquennat a été largement confirmée sur le plan des petits arrangements financiers qui existaient sur une grande échelle entre les potentats africains et la classe politique française. Reste que la politique africaine d’Emmanuel Macron a été marquée par de très nombreuses maladresses diplomatiques qui traduisent une inculture de l’Afrique, voire une grande désinvolture du chef d’état français..

Le président malien IBK, aujourd’hui décédé,a subi le premier couac des interventions africaines d’Emmanuel Macron

A l’heure du bilan, on aura compris que les quelques mois passés en 2002 à Abuja, au Nigeria, comme stagiaire de l’ENA n’auront pas suffi au président français Emmanuel Macron pour comprendre les subtilités, voire les ambiguïtés, des relations de l »ancienne puissance coloniale avec l’Afrique.

L’âge précède la fonction

Pour sa première visite en Afrique, Macron fraîchement élu avait choisi de rendre visite en mai 2017 aux troupes françaises déployées au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Ce sera le premier couac de ses relations de président français avec l’Afrique.

Plutôt que de passer par Bamako rendre la courtoisie à son homologue malien, à l’époque Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK,  et poursuivre avec lui le voyage à Gao, le jeune président français  choisit de se rendre directement de Paris dans la grande ville du nord Mali. Ce qui obligea le président malien, son aîné de 30 ans, à se déplacer à Gao pour l’accueillir. Sur un continent où l’âge précède la fonction, le geste a été pris pour un affront fait à IBK, aujourd’hui décédé, un homme politique particulièrement courtois et convivial qui méritait mieux.. 

Plaisanterie de mauvais goût 

Le nouveau français avait choisi en nombre 2017, Ouagadougou, la capitale burkinabé, pour débattre sans tabou avec la jeunesse africaine et annoncer les nouvelles orientations de son quinquennat en matière des relations franco-africaines. Parlant de son homologue burkinabé qui sortait de l’amphithéâtre pendant son discours, Macron avait osé cette plaisanterie : « il s’en va réparer le climatiseur ». Dans un pays où l’image du « Chef » est sacrée, la blague n’est pas passée pas dans l’opinion. Elle avait même provoqué un certain embarras dans l’entourage du président Roch Marc Christian Kaboré. D’autres couacs traduisant certaine inculture de l’Afrique vont traverser de bout en bout le quinquennat. Ce fut le cas lorsqu’en février 2020, répondant à un activiste camerounais qui l’interpellait sur la situation dans le Cameroun anglophone en proie à la guerre, Macron promet publiquement de téléphoner à son homologue camerounais Paul Biya, son aîné de 40 ans, pour lui demander des comptes.  

« Je vais appeler, s’est-il engagé, la semaine prochaine le président Biya, et on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences qui se passent au Cameroun et qui sont intolérables. » 

 La sortie a été très peu appréciée au Cameroun, bien au-delà des seuls fidèles du président camerounais. Des manifestations de protestations contre des « propos irrévérencieux » et « une arrogance coloniale » avaient été organisées devant l’ambassade de France à Yaoundé.

  

Autre président africain, autre sortie hasardeuse : évoquant la décision de l’Ivoirien Alassane Ouattara d’avoir briqué un troisième mandant, après la mort d’Amadou Gon Coulibaly, Macron a confié à Antoine Glaser et Pascal Airault, auteurs du livre Le piège africain de Macron : « ça été une déception ! Je lui ai dit. En même temps, quand je regarde les choses avec recul : on a travaillé pendant deux ans pour qu’il y ait cette alternance ». 

 A Abidjan, le pouvoir a peu goûté cette prise de position publique à l’endroit d’Alassance Ouattara, qui avait pourtant revendiqué sans ambages « son amitié » avec le président français.  

De l’inculture à l’arrogance 

Le courant n’est guère passé entre Macron et ses nombreux homologues africains pendant le quinquennat. Lui mettant en avant son statut de président de la France, ex puissance coloniale, et eux s’abritant derrière le respect qu’il leur devait en raison pas seulement de leurs fonctions, mais de leur âge. Mais l’incompréhension ne s’est pas arrêtée aux seuls rapports entre chefs d’Etat. Elle a également touché les institutions sous-régionales africaines.

Comme en décembre 2019, lorsque Macron annonce à Bruxelles, en marge d’un Sommet de l’OTAN, une réunion entre lui et ses homologues du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Aucun d’entre eux n’avait été mis dans la confidence avant cette déclaration publique vécue comme une « convocation » dans les capitales sahéliennes. L’Elysée avait dû plaider une erreur commise de bonne foi avant de reprogrammer le sommet en janvier 2020 à Pau, dans le Sud-Ouest de la France. Le président français avait également fait une sortie tout aussi hasardeuse diplomatiquement après le coup d’Etat dans le coup d’Etat de mai 2021 au Mali. La CEDEAO avait alors concédé que le colonel Assimi Goïta dirige cette seconde transition, à condition de respecter le calendrier initial de transition qui prévoit la tenue de la présidentielle en février 2022. Macron avait publiquement critiqué la position de l’organisation sous-régionale.

Ce qui a alimenté le procès en ingérence et arrogance coloniale contre la France. Le ton et la posture adoptés par le président français dans le bras de fer avec la junte malienne ont fini par faire le reste et donner aujourd’hui à la France un niveau d’impopularité dans les opinions publiques qu’elle n’a jamais eu en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  

Le quinquennat qui a débuté par un couac s’achève par un autre couac avec l’annonce de Macron de son intention d’appeler son homologue ghanéen Nana Akufo-Addo, président en exercice de la CEDEAO, pour lui demander de sanctionner le Mali pour avoir coupé le signal de RFI et France 24. 

Francis Sahel 

Les « mauvais élèves » africains réprimandés par les autorités européennes

 

 



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