Tractations entre Ouyahia et les berbéristes

Lorsque le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, s’était rendu à Paris les 7 et 8 décembre 2017 après la visite d’Emmanuel Macron à Alger, il ne s’est pas contenté de rencontrer le chef du gouvernement français, Edouard Philippe, et de tenir une conférence de presse en arabe. Dans la plus grande discrétion, ce vieux routier de la politique algérienne, qui a connu les belles heures des manipulations de l’ancien DRS (services algériens) dont il était proche, a suscité une rencontre avec des dirigeants berbéristes connus. La réunion a eu lieu à l’hôtel Meurice, un établissement cinq étoiles de la rue de Rivoli à Paris.

Surprise, certains de ses interlocuteurs en guerre avec le pouvoir algérien sont connus pour être des partisans de l’indépendance de la Kabylie.

Un destin présidentiel?

La surprise, la voici: en mettant en avant ses origines kabyles, Ahmed Ouyahia a fait mine d’encourager les mobilisations de rue des berbéristes, de soutenir leurs revendications et de se placer comme un de leurs soutiens au sein du sérail. Histoire, en se conciliant les communautés kabyles, de préparer le destin présidentiel qu’il croit être le sien. L’ancien patron du DRS, le fameux général Toufik, a su admirablement instrumentaliser la rue kabyle pour déstabiliser ses adversaires au sein du pouvoir.

Mais ce n’est pas tout. Lors de ce séjour parisien, Ahmed Ouyahia s’est entretenu longuement avec Abdeslam Bouchouareb, l’ancien ministre de l’Industrie qui possède un vaste appartement sur les bords de la Seine et qui est au mieux avec Emmanuel Macron. C’est Bouchouareb qui a préparé la visite du président français à Alger et qui incarne, mieux que quiconque, le “Hibz França” (le “Parti de la France”). Et peu importe qu’il ait en même temps facilité, quand il était ministre, l’entrisme chinois en Algérie notamment dans le secteur automobile.

Dans la bagarre qui se prépare entre les prétendants au trône présidentiel d’un Bouteflika totalement amoindri et malade, le soutien de la France pourrait être pour Ahmed Ouyahia un sérieux atout.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)