Grèves à répétition, hausse des tarifs: le Liban touche le fond

Le fournisseur d’électricité publique, Électricité du Liban, a prévenu jeudi que la dernière centrale encore en marche, celle de Zahrani (Liban-Sud), est arrivée à épuisement de son stock de gasoil et qu’elle sera dès lors mise à l’arrêt dès « vendredi après-midi ». Une situation due au fait que la cargaison de carburant pour août venant d’Irak n’a pas encore été livrée

Trois ans après le début de la pire crise économique de l’histoire du Liban, une abîme  sépare le pouvoir libanais de lapopulation. « Il ne faut plus recenser ce qui ne marche plus dans le pays, mais ce qui marche encore », commentait récemment un éditorialiste.

Depuis que le ministère des Télécommunications a annoncé une hausse des tarifs des communications téléphoniques et d’Internet à partir de juillet, soi-disant pour pouvoir améliorer la qualité de ses services, jamais ces mêmes services n’ont été aussi mauvais. Une nouvelle preuve de l’échec de ceux qui veulent à tout prix se maintenir en place et présider aux destinées d’un pays exsangue.

La grève annoncée jeudi par les employés des deux opérateurs de téléphonie mobile, Alfa et Touch, a apporté une preuve supplémentaire de l’absence de vision officielle. Les salariés des deux compagnies perçoivent toujours leurs salaires en livres libanaises et au taux officiel (1.507 LL pour un dollar) et réclament aujourd’hui que 60% leur soit versée en dollars frais. Cette grève s’ajoute à celle des juges, observée depuis la semaine dernière, ainsi que celle des fonctionnaires du secteur public, qui dure depuis plus de deux mois. Leur point commun: des revendications salariales et une amélioration des conditions de travail.

L’obsession de la Présidentielle

Le seul souci du pouvoir aujourd’hui est de voir comment s’assurer la majorité au sein d’un gouvernement qui pourrait assumer les prérogatives présidentiellesDans les hautes sphères du pouvoir, on n’est ainsi préoccupé que par les préparatifs de la présidentielle, de l’héritage politique de Michel Aoun, de la représentation des uns et des autres, sans prêter la moindre attention à la multiplication des signes du naufrage libanais après des dérives qui durent depuis près de trois ans. Car ce qui compte pour ces gens, c’est leur propre survie, même si elle doit se faire au détriment de l’avenir de quatre millions de Libanais.

Les difficultés d’EDL à assurer du fuel à ses trois centrales ne sont pas nouvelles. Deux d’entre elles, Deir Ammar et Zouk, ont d’ailleurs éteint leurs turbines depuis plusieurs semaines déjà. Le ministre sortant de l’Énergie, Walid Fayad, a certes réussi il y a quinze jours à obtenir de l’Irak, avant son expiration en septembre prochain, le renouvellement du contrat par lequel Bagdad a fourni pendant un an du fuel au Liban. Mais il n’a apparemment pas pu garantir l’envoi de la dernière cargaison de carburant, tel que prévu par le contrat en vigueur.

Un problème de promesses non honorées de la part du Liban a failli compromettre l’importation de carburant irakien, le seul auquel le pays a encore accès pour alimenter ses centrales, alors que celle de gaz et de fuel égyptien et jordanien se fait toujours attendre.

Aux abonnés absents

Lorsque l’Irak a conclu avec le Liban, en juillet 2021, un accord en vertu duquel il s’engageait à lui fournir à partir du mois de septembre de la même année 100.000 tonnes par mois (80.000 utilisables par les centrales à cause du Swap), c’était parce qu’il voulait apporter une aide urgente au pays du Cèdre plongé dans l’obscurité. Il avait seulement posé comme condition que Beyrouth réforme le secteur de l’électricité, ce qui ne s’est évidemment pas fait. Plus encore, le Liban n’a pas versé à l’Irak l’argent qu’il lui devait et n’a pas respecté les clauses du contrat prévoyant un échange de services au niveau de l’éducation et de la santé en contrepartie du carburant obtenu. 

C’est, en gros, ce qu’elle a rappelé dans son communiqué de jeudi – alors que le ministère de l’Énergie reste aux abonnés absents – en précisant que tout son stock de carburant est épuisé et qu’elle ignore même si une livraison de carburant est prévue pour septembre. Elle s’est quand même engagée à reprendre sa (maigre) production de courant dès que le fuel sera de nouveau assuré.

Le plus grave cependant est que, simultanément, les propriétaires de générateurs privés ont commencé à augmenter les heures de rationnement, alors que le mazout est disponible en quantités sur le marché local depuis qu’il n’est plus subventionné. Que se passe-t-il donc au niveau du marché de mazout? S’agit-il d’un problème de monopole? De stockage? D’une reprise de la contrebande en direction de la Syrie? Ou des trois à la fois? Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas des autorités qui brillent par leur absence, dans un pays qui réunit toutes les caractéristiques d’un État failli, qui vont apporter une réponse.