Tunisie, rendez nous le président Zine Ben Ali !

Des dizaines de personnalités – pêle mêle des opposants démocrates, des journalistes indépendants, des hommes d’affaires, des islamistes conservateurs et pour des raisons mystérieuses, le français Bernard Henri Lévy-  sont poursuivies dans le cadre d’un hypothétique  complot contre l’État mis en avant par le président tunisien, Kaïs Saïed, saisi par une espèce de paranoia messianique qui laisse loin derrière, en termes d’atteintes aux libertés,  le régime despotique qu’avait instauré l’ex Président Ben Ali entre 1987 et 2011 (1). « La culpabilité des mis en cause a été établie par l’histoire, a-t-il déclaré devant les cadres du ministère de l’Intérieur, avant de l’être par les tribunaux ».

Voici le président tunisien, Kaïs Saïed, qui, sur fond d’une faillite économique retentissante et d’un populisme crapuleux contre les migrants, détecte chaque jour ou presque des complots et des tentatives d’assassinat pour expliquer les pénuries grandissantes ou les résistances à ses dérives autocratiques.

Où s’arrêtera la folle spirale répressive du chef de l’État tunisien qui a accaparé l’essentiel du pouvoir depuis son coup de force du 25 juillet 2021? Certes, ses récentes attaques indignes contre les migrants sub-sahariens, sources de tous les maux, lui valent un regain momentané de popularité auprès de certaines franges de la population tunisienne. Kaïs Saîed a même rallié  ainsi le soutien du gouvernement italien d’extrême droite trop heureux de le voir contenir les flux migratoires. Pour le reste, le président tunisien, déja lâché par les  Américains, est de plus en plus isolé sur le plan international. À l’exception du soutien discret  des régimes syrien et iranien et de l’engagement à ses cotés des services secrets algériens devenus omniprésents à Tunis.

Zine Ben Ali , président entre 1987 et 2011, n’a pas eu l’intelligence politique d’ouvrir son régime à la démocratie, mais il a eu au moins le mérite de moderniser son pays

Emmanauel Macron, en retard d’un train

Dans un tel contexte délétère, on assiste au grand silence de Paris alors que certains ressortissants français-BHL et d’autres-, sont poursuivis par une justice aux ordres. Au nom d’une hypothétique stabilité régionale et par peur d’un retour  sur le devant de la scène des islamistes du mouvement Ennahdah, qui furent aux commandes en 2012 et 2013. Ces notables pieux exercèrent alors le pouvoir pour pour le meilleur, grace à une capacité d’intégration politique, emais ausi pout le pire, qui prit la forme d’un bilan économique calamiteux. 

Plus grave, Emmanuel Macron a apporté en novembre 2023 son soutien à « son ami Kaïs Saïed » et a souhaité que « le changement politique en cours (???) puisse aller jusqu’à son terme ». Une façon, alors que le Président tunisien élimine méthodiquement le moindre contre pouvoir démocratique, d’effacer l’immense espoir démocratique du printemps tunisien en 2011, date de la fuite de l’ex Président Ben Al vers l’Arabie Saoudite, une confortable maison de retraite pour autocrates fatiqués.  

La diplomatie française sous la houlette d’Emmanuel Macron reproduit les errements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy face à feu Ben Ali, mais en pire. Le tournant messianique pris désormais par le régime de Kaïs Saied est autrement plus dévastateur que la gouvernance autoritaire du général Ben Ali. C’est avec une telle  posture que la France de Macron  prépare le revirement anti français d’une opinion publique tunisienne certes francophile, mais attachée aux acquis démocratiques de cette dernière décennie.

Le niveau baisse

De Ben Ali à Kaïs Saied, le niveau a considérablement baissé. Le premier était un vrai dictateur, le second en est une pâle copie, sans colonne vertébrale, ni réels soutiens au sein de l’État. Certes, Zine Ben Ali, en bon militaire, ne possdait pas un logiciel démocratique. Mais il a eu au moins le mérite de moderniser son pays, au point d’être le premier chef d’état en Afrique à signer un accord de libre échange économique avec l’Europe. À l’époque, les taux de croissance oscillaient autour de 6%, sauf à la toute fin de son règne et on trouvait du pain et des médicaments dans les souks tunisiens. .

En revanche, Kaïs Saied, confronté à une crise économique sans précédent, semble dépassé, incapable même de boucler un accord avec le FMI. Le président tunisien ne sait que dénoncer l’affairisme, la corruption, les migrants ou encore le parlementarisme, mais sans formuler le moindre projet, ni pondre la moindre réforme. 

Un fascisme d’opérette

Les deux dictateurs diffèrent par leur capacité de négociation respective. Le premier était capable d’incarcérer et de torturer des milliers d’islamistes, mais il a su négocier avec d’autres forces sociale, qu’il s’agisse de ses partenaires occidentaux, de certains opposants ralliés au régime ou encore de la puissante UGTT, le grand syndicat tunisien qui aura constitué un contre pouvoir incontournable depuis l’Indépendance de La Tunisie.

Premier flic du pays, le général Ben Ali savait contrôler l’appareil sécuritaire, voire sanctionner certains dérapages en excluant 2000 policiers du ministère de l’Intérieur en dix sept ans. Seul contre tous face au peuple tunisien dont il flatte la part sombre, Kais Saied navigue à vue. On le découvre incapable du moindre compromis, toute critique s’apparentant désormais à un complot..

Malgré la corruption du clan présidentiel et les dérives de l’appareil policier, qui avaient gangrené la Tunisie de 1987 à 2011, le Président Ben Ali tenait son pays, certes d’une main de fer, mais en s’appuant sur une technocratie efficace. Ce n’est plus le cas de Kaïs Saïed qui glisse par dérives successives vers un fascisme d’opérette, que notre ancien professeur de droit constitutionnel semble incapable d’organiser, et encore moins de revendiquer clairement, tans le pouvoir tunisien est désormais hors sol..

(1) Le signataire de cette libre oponion, co-auteur avec Jean Pierre Tuquoi et Catherine Graciet, de deux livres sur la dictature tunisienne -« Notre ami Ben Ali » et « la Régente de Carthage »- ne peut pas être suspecté de la moindre indulgence pour le bilan global du régime défunt de l’e dictateur.

(2) Lire dans « le Monde » (daté 02/03) l’excellente contribution de Hatem Nafti, « le régime de Kais Saied ,n’a pas changé de nature, mais de degré de répression ».

https://mondafrique.com/la-terreur-se-repand-en-tunisie/

  

1 COMMENTAIRE

  1. Un excellent article mais une rectification est à faire : Kais Saïd n’a jamais été professeur universitaire mais une carrière d’assistant sans jamais avoir eu un doctorat.