Notre série sur la restitution des biens culturels à l’Afrique

Nous avons rencontré Jean-Yves Marin, l’un des premiers conservateurs en France à avoir œuvré dès les années 1990 pour une vraie collaboration avec les professionnels africains,[1] et le juriste Vincent Négri qui a collaboré avec Bénédicte Savoy et Felwine Sarr pour la rédaction du rapport remis au président Emmanuel Macron en 2018. Avec eux nous faisons le point sur le mouvement mondial autour des restitutions et sur l’évolution de la situation juridique en France.

L’auteur de cette série sur « Mondafrique » est Alexandre Vanautgaerden, historien et historien d’art

 

Jean-Yves Marin est consultant en Musée et Patrimoine basé à Genève. Il a été successivement directeur du Musée de Normandie à Caen et des Musées d’art et d’histoire de Genève jusqu’en 2019. Président du comité français de l’ICOM de 1992 à 1998 il est l’un des auteurs du Code de déontologie des musées (ICOM). Il enseigne la muséologie et les relations internationales du patrimoine à l’université Senghor d’Alexandrie.

La restitution du patrimoine africain ne concerne pas que l’Afrique

 

Skanda sur un paon, Xe siècle. Cette sculpture fait partie des 30 biens culturels remis officiellement à l’ambassadeur du Cambodge aux États-Unis le 8 août 2022.

Les digues sont en train de céder. Partout, on sent que la procrastination qui était la règle de conduite dans de nombreux musées ne tient plus. Ce problème des restitutions, nous l’avons traité essentiellement à partir du point de vue africain, mais la question est beaucoup plus générale, nous dit Jean-Yves Marin.

L’Amérique du Sud depuis longtemps est particulièrement active dans ce domaine. Les différents présidents des Mexicains se déplacent lors de leurs voyages diplomatiques avec des conservateurs de musées qui réclament des restitutions. Le président actuel du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, en a fait un cheval de bataille depuis sa prise de fonction en 2018. En 2021, l’exposition « La grandeur du Mexique » (« La Grandeza » de México), présentait 1500 pièces sur deux sites, dont le musée national d’Anthropologie.

Près de la moitié des œuvres étaient exposées pour la première fois dans leur pays d’origine, prêtées ou restituées par des pays ou des collectionneurs européens. L’exposition organisée dans le cadre du bicentenaire de son indépendance, marquait aussi les 500 ans de la conquête de Tenochtitlan-Mexico par les Espagnols en 1521.

La réflexion des Mexicains est identique à celle des Africains : l’histoire de ce pays n’a pas commencé [avec l’arrivée des Occidentaux] il y a à peine 500 ans. Cette lutte des Mexicains, comme des Africains, répond à ce phénomène d’acculturation bien décrit par Amadou Hampaté Bâ :[2]

Une entreprise de colonisation n’est jamais une entreprise philanthropique, sinon en paroles. L’un des buts de toute colonisation, sous quelques cieux et en quelque époque que ce soit, a toujours été de commencer par défricher le terrain conquis, car on ne sème bien ni dans un terrain planté, ni dans la jachère. Il faut d’abord arracher des esprits, comme de mauvaises herbes, les valeurs, les coutumes et cultures locales pour pouvoir y semer à leur place, les valeurs, les coutumes et la culture du colonisateur, considérées comme supérieures et seules valables.

Le long travail qui débute avec les indépendances consiste à replanter ces « mauvaises herbes », incarnées aujourd’hui par les artefacts des musées. En 2021, après trois années, le Mexique avait récupéré déjà 5746 biens du patrimoine historique. [3] Les plaintes du gouvernement mexicain lors de ventes publiques sont maintenant devenues systématiques. Elles n’aboutissent pas encore, car deux logiques bien connues s’affrontent : le droit et la morale, qui évoluent dans deux mondes qui se chevauchent rarement.[4] Les législations occidentales exigent la démonstration de la provenance illégale des pièces mises en vente, tandis que les Mexicains déclarent que c’est peut-être légal, mais ce n’est certainement pas éthique. Parfois, cette logique est inversée, ainsi aux États-Unis, un Tribunal de Floride a jugé le 7 octobre 2009 que le propriétaire d’un sarcophage égyptien avait à charge de prouver que cet objet n’était pas volé.[5] C’est un cas isolé.

Un mouvement international

Les États-Unis ont été la première nation à établir une législation nationale complète exigeant que les musées et les agences fédérales rapatrient les objets culturels aux communautés indigènes. Les efforts visant à promulguer une loi fédérale sur le rapatriement aux États-Unis ont commencé en 1986, lorsque le chef religieux cheyenne William Tallbull a découvert que le Musée national d’histoire naturelle de la Smithsonian Institution détenait les restes de 18 500 Amérindiens.[6] La justice de l’État de New York s’est récemment engagée dans une vaste restitution d’œuvres : de l’été 2020 à la fin 2021, plus de 700 pièces ont été rendues à 14 pays, dont le Cambodge, l’Inde, le Pakistan, l’Égypte, l’Irak, la Grèce ou l’Italie. Le collectionneur américain Michael Steinhardt a ainsi été forcé de restituer en 2021 environ 180 antiquités volées ces dernières décennies, d’une valeur totale de 70 millions de dollars. Pas plus tard que la semaine dernière, le 8 août, la justice américaine a restitué au Cambodge 30 œuvres d’art khmères volées dans les temples d’Angkor.

Ce mouvement est également intra-européen. L’Islande, par exemple, après près de sept siècles de colonisation, a déclaré son indépendance en 1944 à la faveur de l’occupation nazie de sa métropole le Danemark. Les manuscrits des sagas ont immédiatement fait l’objet d’une demande de restitution à laquelle les autorités danoises ont opposé les arguments traditionnels, bien connus des Africains, dans ce type de conflit postcolonial : l’incompétence de l’Islande pour leur conservation et leur mise en valeur ainsi que l’inaliénabilité des trésors nationaux danois. La volonté politique aura cependant raison de ces obstacles et les sagas ont été rendues progressivement à l’Islande à partir de 1971. Cette aventure de la restitution des sagas à Reykjavik est connue dans le pays comme « La patrie des manuscrits ».[7]

Utimut, « le retour » : l’exemple du Groenland

Représentations sculptées de tupilaks (êtres maléfiques) exposées au Musée national du Groenland à Nuuk.

Il est intéressant de se pencher sur un autre cas de restitution de la part du Danemark. Utimut, ou « retour » en groenlandais, est le processus pluriannuel suivi par le Danemark et le Groenland pour établir une répartition équitable de l’art et des artefacts groenlandais entre le Danemark et son partenaire du Commonwealth danois. Le Musée national danois (Nationalmuseet) est le siège des plus grandes collections au monde de ces artefacts, non seulement des habitants scandinaves du Groenland de l’ère viking, mais aussi de vestiges inuits anciens et de matériel ethnographique du XIXe siècle. Ce « processus Utimut » a permis de ramener au Groenland une part équitable du matériel culturel groenlandais et d’établir le musée national et les archives modernes du Groenland à Nuuk.[8] Le retour initialde 204 aquarelles au Groenland par le musée national du Danemark en 1982 n’était que la première étape, symbolique, d’un processus de coopération qui a abouti au transfert légal de milliers d’artefacts.

Les premières demandes du Groenland pour le retour des matériaux collectés dans le Musée national ont été faites dès 1913. Une deuxième demande officielle a également été refusée en 1953. En 1979, le Groenland est devenu un territoire autonome au sein du Royaume du Danemark. Un gouvernement a été établi, représentant tous les habitants du Groenland, dans lequel les peuples d’origine inuit représentent plus de 80 % de la population. Le corps législatif a immédiatement voté la création d’un musée national, mais le Groenland manquait d’objets, de documents et d’un espace physique approprié pour les stocker. La législation a toutefois permis d’entamer un dialogue avec le musée national du Danemark, qui a débouché sur le processus Utimut.

L’une des raisons pour lesquelles le processus a réellement fonctionné est qu’il était organisé en comités au sein desquels les membres des musées et les universitaires, et non les personnes nommées par le pouvoir politique, détenaient la majorité et empêchaient le processus de s’enliser en cas de problème. Le transfert effectif d’objets, d’archives et d’informations s’est fait de manière progressive, en traitant une région ou une période historique à la fois. Entre le début du processus Utimut et 2001, environ 35 000 objets ont été transférés aux institutions groenlandaises, couvrant toute la préhistoire du Groenland jusqu’en 1900. Bien qu’il reste au Danemark environ 100 000 objets archéologiques et ethnologiques provenant du Groenland, les collections groenlandaises sont complètes et entièrement représentatives. Des copies des documents d’archives associés aux objets sont conservées à la fois par le Danemark et le Groenland.

L’ouvrage Utimut, Past Héritage – Future Partnerships – Discussions on Repatriation in te 21st Century documente une conférence internationale sur le rapatriement en 2007. Sa publication en ligne est une enquête mondiale sur les questions de rapatriement, avec des contributions de vingt et un auteurs. Daniel Thorleifsen, qui a organisé la conférence d’Utimut, y décrit dans la préface du volume son origine culturelle comme celle d’« un Inuit groenlandais, membre de la communauté mondiale » (being a Greenlandic Inuit and a member of the world community) :

Aujourd’hui, j’ai choisi de croire que cette appropriation d’artefacts à l’époque coloniale au Groenland a été faite de bonne foi, manifestement avec la volonté de sauver de l’oubli un patrimoine culturel inuit en voie de disparition. Cette appropriation devait en outre profiter à la science dans l’étude du développement et de l’évolution de l’homme.

Le fait que cette appropriation ait en réalité contribué à l’effacement progressif de la culture inuit est une autre histoire que je n’aborderai pas en détail ici, car notre objectif pour la conférence sur le rapatriement du patrimoine culturel n’est pas de faire des reproches aux anciennes puissances coloniales. Nous voulons plutôt envisager une collaboration et un partenariat futurs sur ces questions.

Dans l’ouvrage Utimut, l’objectif premier du rapatriement ne devrait jamais être le transfert lui-même, mais l’établissement d’une relation de travail qui puisse être bénéfique à toutes les parties, dont le partage des connaissances dans le cadre de futurs projets de recherche ou d’expositions. Les auteurs yexplorent une variété de structures alternatives pour le rapatriement et le partage des objets et des ressources. Plusieurs articles s’attachent à élargir le concept de rapatriement afin d’englober des avantages non tangibles tels que le partage de l’autorité sur les objets et la manière de les expliquer. Un autre article traite des défis que le rapatriement pose à l’archéologie et aux autres sciences lorsque la communauté d’origine détourne ou détruit les objets rapatriés. La publication traite également des situations de rapatriement dans la pratique, des informations utiles qui sont absentes de nombreuses discussions sur la politique des biens culturels. La publication fournit des informations et des leçons qui peuvent être appliquées, directement ou indirectement, à une grande variété de problèmes de rapatriement dans le monde.[9]

Comme l’exprime Jean-Yves Marin, il y a un bien un réveil mondial sur ces questions de restitution, dans lequel l’Afrique a pris le leadership, alors que jusqu’il y a peu elle était à la traîne.

Une visite immersive (et subversive) du British Museum, racontée par les peuples à qui les objets ont été dérobés.

Présentation sur l’Internet de l’application « The Unfiltered History Tour ».

Ce mouvement qui s’amplifie tous les jours a même obligé le British Museum en juin dernier à entrouvrir la porte d’une discussion sur le partage des marbres du Parthénon avec la Grèce, après des décennies de refus obstiné.[10] La pression populaire en Angleterre contre la position du British Museum est tangible. Le journal The Guardian qui ouvre ses colonnes à ses lecteurs a publié en juin dernier un billet du libraire David Simmonds, qui relate avec esprit sa visite chez un ancien conservateur du British Museum, l’archéologue Harold Plenderleith en 1997. Après avoir commis « l’erreur » de lui demander son avis sur le rapatriement des marbres du Parthénon, M. Plenderleith s’emporta avec tellement de véhémence qu’il dut regagner le lit.[11] Le British Museum finira lui aussi par céder. Il ne pourra plus faire illusion longtemps. Dan Hicks avait titré avec ironie son ouvrage en 2020 sur les « bronzes » du royaume du Bénin au Nigeria conservé à Londres : The Brutish Museums. À l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’opinion publique aura raison, tôt ou tard, du Board of Trustees qui régente le British Museum, et oppose une injustice légale à une juste réclamation.

Un des projets de contestation les plus stimulants a été récemment de concevoir un guide numérique de visite en réalité augmenté, portant un regard provocant et anticolonial sur la collection du British Museum. C’est une visite du musée racontée par les communautés dont les artefacts exposés ont été pillés. « The Unfiltered History Tour » est un guide du musée de Londres, qui propose aux visiteurs une expérience immersive au travers des objets contestés du musée, de leur origine et de la manière dont ils ont été obtenus. Les visiteurs du musée sont ainsi invités à scanner les objets exposés – comme la pierre de Rosette – pour être transportés à l’heure et au lieu de provenance via des filtres Instagram AR. Grâce à cette expérience, les utilisateurs peuvent également écouter des guides audio racontés par des personnes des pays d’où proviennent les artefacts.[12]

#BringBackNgonnso : les réseaux sociaux au cœur du principe de restitution

Un manifestant camerounais demandant le retour de la statue Ngonnso se tient devant le Forum Humboldt lors de l’ouverture du Musée ethnologique Humboldt et du Musée d’art asiatique, le 22 septembre 2021 à Berlin, en Allemagne. Photo : Sean Gallup/Getty image.

La pression populaire qui oblige les États à considérer l’éthique et non plus seulement le droit est à l’œuvre dans la restitution prochaine par l’Allemagne au Cameroun de la statue connue sous le nom de Ngonnso, statue de la fondatrice et première reine mère du royaume Nso. Pendant trois décennies, la sculpture a été réclamée en vain au musée Dahlem à Berlin, puis au Humboldt Forum aujourd’hui.

Les Nso et leurs sympathisants et sympathisantes ont envisagé plusieurs options pour ramener la statue chez eux, y compris la voler au musée allemand ou demander son prêt. Les appels à la restitution lancés par le chef suprême des Nso, le NSODA et l’action des activistes comme Sheey Shiynyuy Gad et Joyce Yaya Sah n’ayant donné lieu à aucune réaction concrète, il a été décidé de changer de stratégie.

Sylvie Njobati, l’initiatrice de la campagne sur les réseaux sociaux #BringBackNgonnso, qui avait pour but de toucher directement la société civile en Allemagne, sans passer par leur représentant politique.

Une campagne sur les réseaux sociaux a été lancée par Sylvie Njobati en mai 2021 : #BringBackNgonnso. Son raisonnement était le suivant :

Notre idée était que la campagne en ligne crée la connexion entre le peuple Nso et les Allemands afin qu’ils se parlent entre eux. Je me suis rendu compte que le peuple Nso ne s’adressait pas directement aux bonnes personnes, ni à une personne en particulier, mais écrivait des lettres adressées à « qui de droit ». C’est donc grâce à Twitter que nous avons pu entrer en contact avec d’autres interlocuteurs en charge des collections et du contexte colonial.

Nous avons utilisé Twitter pour la communauté allemande parce qu’ils sont surtout sur ce réseau. Comme il était également nécessaire de sensibiliser le peuple Nso, les Camerounais et Camerounaises et l’Afrique dans son ensemble, nous nous sommes concentrés sur Facebook.

Il y a eu suffisamment de pression de la part des gens, notamment la société civile allemande, sur les réseaux sociaux. Il ne s’agissait pas seulement du post mais de l’utilisation d’outils multimédias pour influencer le débat.

Le mois dernier, la Stiftung Preußischer Kulturbesitz (Fondation du patrimoine culturel prussien, SPK) a permis le retour de Ngonnso, faisant de ce retour la toute première restitution au Cameroun. La Fondation a également indiqué qu’elle allait restituer 23 pièces à la Namibie et quelques objets à la Tanzanie. Twitter en Allemagne, Facebook en Afrique, deux réseaux sociaux alliés pour obtenir en quelques mois ce que des années de lettres diplomatiques n’avaient pu obtenir…[13]

Au tour des collectionneurs privés maintenant !

André Breton dans son atelier au 42, rue Fontaine à Paris. Juin 1965. Photo : Sabine Weiss

Pour l’instant dans cette chronique, j’ai relaté essentiellement ce qui se déroulait dans les collections publiques. Il y a pourtant un continent oublié, qui est celui des collections privées. C’est, selon Jean-Yves Marin, le thème de l’avenir.

En 2003, la restitution volontaire d’un masque de cérémonie aux indiens Kwakwa-ka waks du nord-ouest des États-Unis par Aube Elleouet, la fille d’André Breton, marqua un tournant dans la relation entre collectionneurs et pays sources. Elle porte désormais un nouveau nom, elle a été rebaptisée « U’Ma » (« Celle-qui-a-rendu »), par les descendants de la tribu indienne originaire des îles situées au nord-est de Vancouver.[14] L’une des plus importantes collections au monde d’art africain en mains privées se trouve à Genève : la Fondation Barbier-Mueller. Comme les collections publiques, elle possède de nombreuses œuvres arrivées de façon illicite en Europe. Si pour l’instant rien ne bouge pour cette collection depuis les décès récents de Monique et Jean Paul Barbier-Mueller, ailleurs, certains collectionneurs passent à l’acte. Le 26 juillet dernier une collection imposante de 2522 objets pré-hispaniques a été restituée au Mexique par une famille de Barcelone.[15] La plus vaste collection d’art khmer en mains privées va bientôt, elle aussi, retourner au pays. Nawapan Kiriangsak, la fille du collectionneur Douglas Latchford, va restituer une centaine de sculptures, bijoux, couronnes d’or, d’une valeur de plus de 50 millions de dollars, acquise durant la guerre civile, puis sous le régime des Khmers rouges. Décision courageuse qui met fin à l’errance d’objets qui n’auraient jamais dû quitter le Cambodge. Cette collection trouvera place dans un musée public à Phnom Penh, dans lequel sera distinguée la mémoire de Douglas Latchford qui, en homme de son temps, s’estimait « sauveur d’objets perdus dans la jungle ».[16]

Certains collectionneurs commencent à se poser des questions, et si ce n’est eux ce sont leurs héritiers. Parfois, d’un point de vue éthique, parfois par embarras. Il ne sert pourtant à rien de culpabiliser ces héritiers, des actions de médiation sont plutôt à mener pour leur expliquer que ces collections ont été constituées à une époque dans laquelle l’on cohabitait avec « innocence » avec une partie du marché de l’art qui importait des œuvres pillées. Mais, aujourd’hui, notre « innocence » a disparu. Nous devons accorder nos actes avec le monde, en conformité avec l’esprit du temps.

Il faut maintenant s’allier avec ces grands collectionneurs, pour qu’ils puissent envisager la voie de la restitution. Il est inutile de juger nos aînés, qu’ils aient officié dans le monde privé ou dans l’administration publique, à partir de ce que nous vivons et savons en 2022. Pendant longtemps, il y a eu à la tête des musées des hauts fonctionnaires français qui, de bonne foi, ont défendu en priorité les intérêts de la France. Leur attitude était identique qu’ils négociaient des tomates, des armes, des haricots verts ou des œuvres d’art. C’est pourquoi la transgression du discours du président français à Ouagadougou est bien un acte fort. Il fallait oser le prononcer. Emmanuel Macron a-t-il mesuré à quel point il allait à l’encontre de ses troupes en « provoquant une rupture avec la doctrine française qui jusqu’alors reposait sur l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des collections publiques, arrimées au droit de la domanialité publique » ?[17]

Quid des pays africains qui ne réclament rien ?

Certains pays africains pour l’instant ne réclament rien, comme le Gabon, ou le Cameroun, bien qu’une part importante de leur patrimoine soit conservée à Genève dans la collection de Jean Paul Barbier-Mueller, grand collectionneur de masques et fervent opposant aux restitutions. Ces deux États ont conservé, pour leur part, de nombreuses collections au pays. Leur position actuelle est de vouloir d’abord s’occuper de celles.ci, pour les réclamations, on verra après. D’autres, comme le Congo-Brazzaville, qui ne se préoccupait pas de restitution, sont dans une démarche de valorisation de leur patrimoine qui, tôt ou tard, posera la question. Le Musée national du Congo (fermé) a été pillé lors de la guerre civile de 1997. Beaucoup d’œuvres ont été perdues, il faut reconstituer ce patrimoine national. Mais depuis, plusieurs musées ont été créés. Fin 2018, le Musée du Cercle africain est inauguré à Pointe-Noire, parrainé par l’Unesco. Il a été financé par une compagnie pétrolière, Eni. Une autre compagnie pétrolière, Total, a financé la même année le Musée Mâ Loango de Diosso.

L’année précédente, le musée Kiebe-Kiebe était inauguré sur le domaine présidentiel de N’Gol’Odoua, près d’Édou, le village natal de Denis Sassou Nguesso.[18] L’aménagement de ces musées, et la restauration du musée national du Congo feront naître certainement une nouvelle dynamique.

Les solutions juridiques discutées actuellement en France

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Vincent Négri est juriste, chercheur à l’Institut des Sciences sociales du Politique (UMR 7220), École Normale Supérieure Paris-Saclay. Ses travaux et publications portent sur le droit international et le droit comparé de la culture et du patrimoine, ainsi que sur les interactions entre normes et cultures. Il est engagé dans des travaux interdisciplinaires entre droit, anthropologie et philosophie. Il intervient comme expert auprès de l’UNESCO, de l’UNIDROIT, de l’ICCROM, de l’ICOM et de la CEDEAO.

 

Pour terminer ce panorama, échangeons avec Vincent Négri à propos de la situation juridique en France, quatre ans après la remise du rapport Sarr-Savoy, auquel il collabora en sa qualité de juriste. Rappelons que toute la problématique au niveau du droit repose sur le système de domanialité publique en France qui rend les biens inaliénables et imprescriptibles.[19] Ce sont deux verrous qui cadenassent la problématique depuis 1792. Et même au-delà, certains juges n’hésitant pas à considérer que le domaine de la couronne, devenu le domaine public, fait partie du même ensemble. La question auquel répond le rapport est la suivante : doit-on restituer en s’affranchissant de ce régime de domanialité publique ou en le préservant ? Avant 2018, les décisions en France ont fait appel à un régime d’exception, qu’il s’agisse du retour des têtes maories ou de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman en Afrique du Sud[20]. Les auteurs du rapport ne désiraient pas poursuivre dans cette voie, même si elle fut adoptée encore pour la restitution du Trésor de Béhanzin ou du sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall.[21]

Dans le rapport de 2018, Vincent Négri avait proposé une alternative intéressante.[22] Le système juridique est souvent présenté comme une pyramide, avec au sommet la constitution qui pose les grands principes du système, institutionnels et juridiques ; de ces principes découlent les lois qui doivent être conformes à la constitution ; et, des lois, découlent les règlements d’application. La proposition de recourir à des traités internationaux présente l’avantage de se nicher entre la constitution et la loi. Dans un tel système pyramidal, si un État conclut un traité international (et qu’il accepte donc d’être lié juridiquement avec un autre État), les obligations juridiques qui découlent du traité sont proches du sommet de la pyramide.

Un traité international qui traite de restitution ne supprime pas la domanialité, il l’enjambe. Sans toucher au statut des collections publiques, on considère que ce statut ne s’applique plus parce qu’on restitue l’objet. La solution du traité aurait permis de nouer un processus de restitution qui laisse intact, dans son libellé et dans sa perception publique, la notion de collection publique.

Cette proposition a été perçue comme beaucoup trop ouverte. On a craint un effet d’entraînement, et pensé qu’en introduisant cette fluidité, il aurait suffi à un État de revendiquer une restitution pour que, automatiquement, s’enclenche le processus. Personnellement, nous dit Vincent Négri, je pense que cela n’aura jamais été le cas. Dans un processus de négociation bilatérale il y a deux parties. Si la France considère qu’une demande de restitution n’est pas justifiée, disproportionnée ou inadéquate, libre à elle de décliner. Il n’y a pas d’obligation de discuter une restitution. Mais, les mentalités ne sont peut-être pas encore mûres. Dans le code du patrimoine on encadre les acquisitions dans l’idée qu’elles entrent dans le domaine public, jamais on n’a pensé qu’il fallait encadrer la sortie. Il y a donc un changement de paradigme qui doit être opéré. Cela prendra plus de temps que ce que l’on pensait.

Le Sénat introduit une proposition de loi

Le parlement, inquiet de savoir qui exercera le contrôle sur la décision de restituer (le parlement ou le gouvernement), décida de refuser la solution des accords bilatéraux. De leur point de vue, ils craignaient que ces restitutions soient le fait du prince. On peut comprendre l’argument, mais un accord bilatéral n’est pas le fait du prince, c’est une procédure négociée. Il est fatalement co-construit avec l’État qui interpelle la France. Quoi qu’il en soit, le Sénat a adopté en janvier 2022 une proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques. La proposition est constituée de deux articles : le premier instaure un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens, le second traite des restes humains patrimonialisés.[23] La proposition a été transmise à l’Assemblée nationale.

Un projet de loi-cadre préparé par le président français

Pendant ce temps, le président Emmanuel Macron a projeté une loi-cadre qui permettrait de sortir de l’impasse des procédures d’exceptions adoptées jusqu’à présent, car sinon il faudrait plusieurs dizaines d’années pour répondre aux demandes de restitution. Le président a confié à l’ancien directeur du Musée du Louvre Jean-Luc Martinez, devenu ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, une mission de réflexion sur cette loi-cadre et sur le trafic illicite. Mais, à la surprise générale, le 23 mai 2022, Jean-Luc Martinez est mis en garde à vue dans le cadre d’une affaire de trafic d’antiquités et mis en examen peu de temps après pour « blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée » ; il lui est reproché d’avoir manqué de vigilance face aux incohérences qui apparaissent dans les certificats accompagnant une stèle en granit rose gravée au nom du pharaon Toutânkhamon et exposée au Louvre Abu Dhabi, et quatre autres objets.[24] Même relevé de sa mission sur le trafic illicite, il y a fort à craindre que son rapport sur la loi-cadre ait perdu toute autorité dans ce contexte.[25] Heureusement, pour la question des restitutions, on est en début de mandature pour Emmanuel Macron, il pourra relancer ce projet à l’automne quand les choses se seront tassées. Remarquons que la proposition de loi du Sénat d’instituer un organe consultatif, si elle est approuvée par l’Assemblée nationale, ne s’oppose pas au projet de loi-cadre. Il est d’ailleurs fort probable que ce Conseil national soit inséré dans le projet de loi-cadre du président.

Le temps du pragmatisme

Nous avons souligné l’impact et l’audace du discours de Ouagadougou, mais aujourd’hui, il convient d’être pragmatique pour que les restitutions se concrétisent. Ne pas empiler les démarches, projets et résolutions comme l’UNESCO a pu le faire. Depuis la fameuse intervention du président Mobutu Sese Seko en 1973, évoqué dans le second volet de cette série,[26] il y a eu pas moins de 29 résolutions de l’UNESCO traitant du retour et de la restitution de biens culturels. En 1973, pour Vincent Négri, le Président Mobutu parle d’abord au continent africain. Dans le texte de la résolution 3187 (XXVIII) du 18 décembre 1973, on parle de juste réparation du préjudice commis.[27] Sur le plan du droit international, le président du Zaïre se frappe la tête contre un mur, car la réparation ne peut intervenir qu’en conséquence d’un acte illégal. Cela suppose qu’un jour le droit contemporain déclarera de façon rétroactive que la colonisation a été illégale. On peut le souhaiter, mais juridiquement, cela n’arrivera jamais, sinon cela remettrait en cause le système sur lequel s’est bâti les Nations Unies depuis 1945. Dans le même esprit, quand Emmanuel Macron déclare à Alger que la colonisation est un crime contre l’humanité, d’un point de vue moral on peut être d’accord avec lui, mais d’un point de vue juridique c’est sans effet. Il peut être séduisant qu’un candidat en campagne ait l’aplomb de proclamer cela, mais après son discours, Emmanuel Macron sait pertinemment que juridiquement ce n’est pas vrai. Il ne vient pas à Alger pour faire du droit, il s’y rend pour afficher des positions politiques, ce n’est pas pareil.

Il faut donc que l’on profite de la médiatisation qu’a apportée ce discours de 2017 au sujet des restitutions pour, enfin, mettre en œuvre un partenariat équitable, et tirer parti du nouvel élan qui souffle dans la société civile, et chez les jeunes conservateurs du patrimoine. Vincent Négri rapporte que lorsqu’il travaillait avec Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, il pensait naïvement que les forces politiques de gauche seraient favorables aux restitutions, contre les opinions des partis de droite. Cette vision est erronée. Les partisans ou les adversaires des restitutions se retrouvent dans les deux camps (ainsi qu’au centre). Les prises de position dans ce débat sont plus générationnelles que politiques. Vincent Négri rapporte que lorsqu’il donne cours à l’Institut national du patrimoine, pour les jeunes conservateurs, cette question des restitutions n’est plus un sujet de crispation.

Dans son article « Restituer le patrimoine culturel africain », Vincent Négri propose une représentation inédite de la figure de Dame Justice. Une allégorie nouvelle qui porterait les attributs de l’injustice légale et du droit supralégal pour illustrer le conflit suivant : comment mettre en question la validité juridique de normes qui produisent une injustice. Des actes ont été commis dans le passé en toute légalité, mais nous éprouvons aujourd’hui l’intensité du conflit qu’ils génèrent entre ce que nous ressentons moralement, comprenons intellectuellement, et savons juridiquement. Ce dilemme est bien illustré dans le texte célèbre de Gustav Rabruch écrit en 1946 à propos du positivisme juridique et de l’injustice évidente des lois arbitraires et criminelles du Troisième Reich.[28]

Voir le monde avec les yeux de l’Autre

Eloy du Mont dit Costentin, François 1er tenant les mains de Justice et Paix s’embrassant, Bibliothèque nationale de France, 1530-1531, manuscrits français 2237, fol.2r.

Il y aurait bien des sujets à évoquer ici encore, comme cet ensemble de « guidelines » rédigé à destination des musées, en Allemagne, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Angleterre ou Amérique.[29] Ce sera pour un article futur. Il faudrait évoquer aussi le monde bouillonnant des artistes et le lien, que l’exposition du Bénin a créé avec beaucoup de naturel, entre patrimoine et création contemporaine. On peut s’attrister aussi, c’est un cercle sans fin, que chaque nouvelle guerre, comme celle que nous observons aujourd’hui en Ukraine, rejoue les mêmes scènes de pillages de biens culturels.[30] Mais, malgré l’exemple tragique de l’Ukraine, chaque jour apporte une histoire nouvelle incroyable à propos des restitutions qui nous permet d’espérer. Selon la belle formule de Vincent Négri, les restitutions permettent de « voir le monde avec les yeux de l’Autre », j’espère qu’il en a été de même pour vous. À chaque rencontre, à chaque lecture, un souffle immense, un vortex, qui charrie une énergie trop longtemps contenue. Et qui, de fleuve en fleuve, avance et vient heurter les digues que nous avions dressées pendant un siècle. Entendez-vous ces craquements ? Oui ! Elles cèdent.

NOTES

[1] Sur le colloque de l’ICOM qui s’est tenu au Bénin, Togo et Ghana en 1991, voir : https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-necessaire-restitution-du-patrimoine-africain-volet-3/.

[2] Amadou Hampaté Bâ fut membre du Conseil exécutif de l’UNESCO de 1962 à 1970, il décrit ce processus d’acculturation dans ses mémoires, voir Amkoullel l’enfant peul, Arles, éd. Actes Sud, 1991, p. 382, cité par Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », in Clémentine Bories et alii (dir.), Les restitutions des collections muséales. Aspects politiques et juridiques, [Le Kremlin Bicêtre], Mare & Martin, 2021, p. 71-83.

[3] Voir la présentation officielle de l’exposition La Grandeza de México : https://www.youtube.com/watch?v=9gs0gN0pjnA&t=163s et la chronique de Emmanuelle Steels sur France culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-a-suivre/affaire-a-suivre-du-lundi-13-decembre-2021-5303041. La collaboration entre le Mexique et l’Italie est particulièrement positive, et le jour de l’inauguration, le président Andres Manuel Lopez Obrador a d’ailleurs octroyé la plus haute distinction du pays, l’Ordre mexicain de l’aigle Aztèque, à un carabinieri italien, Roberto Riccardi. Ce militaire, à la tête d’une brigade pour la « sauvegarde du patrimoine culturel », avait saisi plusieurs ensemble de biens culturels mexicains sur le point d’être vendus aux enchères en Italie. L’Italie est probablement le pays européen le plus touché par le pillage de son propre patrimoine.

[4] Sur le droit et la morale, voir le commentaire de Vincent Négri à la réponse du gouvernement français aux demandes de restitutions formulées par le gouvernement béninois en 2016 : « Voir le monde avec les yeux de l’Autre. Le rapport Sarr/Savoy sur la restitution du patrimoine africain », in Laurick Zerbini (dir.), L’objet africain dans les expositions et les musées missionnaires. Dépouiller, partager, restituer, Paris, Maisonneuve-Larose et Hémisphères, 2021, p. 565-581.

[5] Voir l’article de Olivier Savelli, « Art : on a frôlé le ‘vrai’ casse du siècle ! », Le Monde du droit,  1 juillet 2010  : https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/779-art-on-a-frole-le-qvraiq-casse-du-siecle.html.

[6] Sur la législation concernant la loi américaine sur le rapatriement du patrimoine amérindien, voir l’article de C. Timothy McKeown, « Considering Repatriation Legislation as an Option: The National Museum of the American Indian Act (NMAIA) & The Native American Graves Protection and Repatriation Act (NAGPRA) », in Utimut: Past Heritage – Future Partnerships, Discussions on Repatriation in the 21st Century, ed. Mille Gabriel and Jens Dahl, Copenhagen, Work Group for Indigenous Affairs & the Greenland National of Museum and Archives, 2007, p. 134-147.

[7] Voir la série d’émissions sur les restitutions réalisées en 2018 pour l’émission La Fabrique de l’histoire, dont le quatrième épisode est consacré aux sagas : « Les sagas d’Islande : histoire d’une restitution post-coloniale réussie » sur France culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-objets-de-la-discorde-comment-restituer-les-tresors-culturels-spolies. Le premier épisode est consacré à l’Afrique, le second aux marbres du Parthénon, le troisième aux restes humains.

[8] Sur le retour des objets groenlandais, et sur la problématique générale des restitutions, on consultera l’excellent volume Utimut: Past Heritage – Future Partnerships, Discussions on Repatriation in the 21st Century, ed. Mille Gabriel and Jens Dahl, op. cit., consultable ici: https://www.iwgia.org/en/resources/publications/305-books/2567-utimut-past-heritage-future-partnerships.html.

[9] Voir l’article, « Successful Repatriation: The Utimut Process in Denmark & Greenland. Workable Model of Restitution Continues to Benefit Communities » sur le site américain, très utile pour notre problématique, Cultural Property News : https://culturalpropertynews.org/successful-repatriation-the-utimut-process-in-denmark-greenland/#_ftn1. La conférence Utimut était organisée par l’IWGIA (International Work Group for Indigenous Affairs), une organisation située à Copenhague, et le Musée national et les Archives du Groenland. 

[10] Sur l’idée d’un partenariat entre le British Museum et le Musée de l’Acropole, voir l’article du 31 juillet 2022 du Guardian, « British Museum calls for ‘Parthenon partnership’ with Greece over marbles » : https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/jul/31/british-museum-calls-for-parthenon-partnership-greece-marbles. Pour la lettre  de David Simmonds, voir le 1er juin 2022: « It is dishonourable for the British Museum to keep the Parthenon marbles” : https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/jun/01/it-is-dishonourable-for-the-british-museum-to-keep-the-parthenon-marbles.

[11] Peu de temps après la visite du libraire chez le conservateur du British Museum, les musées de Glasgow ont décidé de restituer un costume de Ghost dance à la communauté sioux, à la suite de quoi la poétesse britannique Anna Crowe écrivit ce poème : We still believe some form of words, / or ritual will come between / us and another’s anger. Not seeing / that our invisibility’s what’s required. (« Nous croyons encore qu’une forme de mots, / ou de rituel s’interposera entre / nous et la colère d’autrui. Sans voir / que c’est notre invisibilité qui est requise. »)

[12] Le guide « The Unfiltered History Tour » a été créé par le groupe média Vice World News, en collaboration avec Dentsu Creative. Vous pouvez effectuer cette visite virtuelle dans les salles du musée ou depuis chez vous, il est consultable ici : https://theunfilteredhistorytour.com/. Voir la présentation du projet : https://www.youtube.com/watch?v=138kSdE63-Y&t=65s.

[13] Sur la campagne menée par Sylvie Ndjoboti sur les réseaux sociaux pour récupérer la statue Ngonnso, voir l’article de Amindeh Blaise Atabong, « Germany to return looted goddess statue to Cameroon’s Nso people », Quartz Africa, 20 juillet 2022 : https://qz.com/africa/2186423/bringbackngonnso-returned-a-looted-statue-of-a-cameroonian-goddess/.

[14] Sur le masque rendu par la fille d’André Breton, voir l’article d’Harry Bellet, « Le masque d’André Breton rendu aux Kwakwaka’wakws », Le Monde, 27 septembre 2003, et sur la collection d’André Breton, voir l’article de Gérard Toffin, « André Breton, précurseur du musée du quai Branly », Les Temps Modernes, Numéro 686 (2015/5), p. 174-197.

[15] Les objets restitués par la famille du collectionneur de Barcelone au Mexique sont exposés depuis la fin juillet dernier au musée du Templo mayor, en plein centre historique de Mexico, sous la tutelle de l’Institut national d’Anthropologie et d’histoire (INAH), le bras armé de la politique de sauvegarde du patrimoine.

[16] Voir le billet de Jean-Yves Marin dans la Tribune de Genève du 11 mars dernier : « Le retour d’une collection d’art ».

[17] Sur le discours d’Emmanuel Macron, voir une analyse détaillée de celui-ci dans l’article de Vincent Négri, « Voir le monde avec les yeux de l’Autre. Le rapport Sarr/Savoy sur la restitution du patrimoine africain », in Laurick Zerbini (dir.), L’objet africain dans les expositions et les musées missionnaires. Dépouiller, partager, restituer, Paris, Maisonneuve-Larose et Hémisphères, 2021, p. 565-581.

[18] Sur la situation des musées au Congo Brazzaville, voir l’article de Jean-Baptiste Mondze, « Congo-Brazzaville: le patrimoine monte en gamme grâce à de nouveaux musées », Jeune Afrique, 10 septembre 2019.

[19] En 2008, Jacques Rigaud a remis un rapport à la ministre de la culture Christine Albanel sur « l’inaliénabilité des collections publiques en France », dans lequel il réaffirma la nécessité de l’inaliénabilité des œuvres, même s’il émettait la possibilité d’une déclassification d’une partie des collections récentes acquises par les FNAC et les FRAC.

[20] Voir la loi n° 2002-323 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud, Journal Officiel, 7 mars 2002 et la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, Journal Officiel, 19 mai 2010.

[21] Voir la loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, Journal Officiel, 26 décembre 2020.

[22] Les réflexions et recommandations juridiques du rapport ont été mûries notamment dans le cadre d’un atelier juridique tenu le 26 juin 2018 au Collège de France, coordonné par Isabelle Maréchal et Vincent Négri. Voir dans le rapport Sarr-Savoy, les pages 61 à 69. Voir aussi l’article de Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », art. cit.

[23] On trouvera l’examen en commission de la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, le 15 décembre 2021, à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l21-302/l21-3025.html. Le lundi 10 janvier 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi présentée par Catherine Morin-Desailly, Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de leurs collègues (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication). Voir les étapes de la discussion et les éléments clés, ici : www.senat.fr/espace_presse/actualites/202112/circulation_et_retour_des_biens_culturels_appartenant_aux_collections_publiques.html.

[24] Sur la mise en examen de Jean-Luc Martinez, voir l’article de Roxana Azimi, « Jean-Luc Martinez, ancien patron du Louvre, mis en examen dans une affaire de trafic d’antiquités », Le Monde, 25 mai 2022.

[25] Le président Emmanuel Macron a signalé dans sa conférence de presse avec Patrice Talon au Bénin le 27 juillet 2022 qu’il avait réceptionné le rapport de M. Martinez sur la loi cadre. Celui-ci n’a pas encore été rendu public.

[26] Pour le discours du Président Mobutu Sese Seko à l’ONU en 1973, voir : https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-2-le-temps-des-conventions/.

[27] Le texte des résolutions de l’UNESCO en faveur du retour et de la restitution de biens culturels est consultable ici : https://fr.unesco.org/fighttrafficking/legaltexts. Pour le commentaire de la résolution 3187 sollicitée par le président Mobutu Sese Seko « qui produit sa propre impasse », voir l’article de Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », art. cit., principalement le chapitre « S’égarer dans le droit international de la responsabilité ».

[28] Gustav Radbruch, « Gesetzliches Unrecht und übergesetzliches Recht », Süddeutsche Juristenzeitung, 1 (1946), p. 105-108, traduit en français par Michael Walz, « Injustice légale et droit supralégal », Archives de philosophie du droit, t. 39, 1994, p. 309-318.

[29] Plusieurs pays ont publié des directives à l’attention des musées qui conservent des collections issues de contextes coloniaux. L’Association des musées allemands (Deutscher Museums Bund) est déjà à la 3e réédition de son guide en 2021 (première édition en 2018), voir son Guide relatif au traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux, consultable, ici : https://www.museumsbund.de/publikationen/guide-consacr-aux-collections-musales-issues-de-contextes-coloniaux/. Un groupe informel d’experts issus des mondes académique, professionnel ou associatif en Belgique a publié en juin 2021 les Principes éthiques pour la gestion et la restitution des collections coloniales en Belgique : https://restitutionbelgium.be/fr/rapport ; l’Association des musées suisses à publier cette année une brochure sur les Recherches de provenance dans les musées II. Collections liées aux contextes coloniaux. Notions de base et introduction à la pratique : https://www.museums.ch/fr/publications/standards/recherche-de-provenance-collection-coloniale.html. En décembre 2021, l’ICOM a publié son Guidance for Restitution and Return of items from university museums and collections: http://umac.icom.museum/wp-content/uploads/2022/03/UMAC-Guidance-Restitution-2022.pdf. Ce document est le résultat du projet UMAC-ER : The Ethics of Restitution and Repatriation (2020-2021) soutenu par l’ICOM et impliquant des partenaires tels que le Committee for Professional Ethics de l’ICOM (ETHCOM). Dernier en date en Angleterre, il y a dix jours le 5 août 2022, l’Arts Council England (un organisme financé par le gouvernement, et rattaché au Department for Digital, Culture, Media and Sport) vient de publier Restitution and Repatriation: A Practical Guide for Museums in England : https://www.artscouncil.org.uk/publication/restitution-and-repatriation-practical-guide-museums-england ; ce guide a été élaboré par l’Institute of Art and Law. Certains musées, au rayonnement national et international, ont adopté une politique sur les retours éthiques. Le Nationaal Museum van Wereldculturen (Musée national des cultures du monde) aux Pays-Bas, a été l’un des premiers musées d’Europe à mettre en place des mécanismes de restitution des objets issus des anciennes colonies. En 2016, la publication Treasures in Trusted Hands (« Des trésors bien gardés »), de la thèse de doctorat du chercheur Jos van Beurden a relancé le débat néerlandais sur les objets datant de l’époque coloniale. Des directives ont été adoptées en 2019 et publiées dans un document intitulé Principles and Process for addressing claims for the Return of Cultural Objects: https://www.tropenmuseum.nl/en/about-tropenmuseum/return-cultural-objects-principles-and-process#. La Smithsonian Institution à Washington , le plus grand complexe de musées, d’éducation et de recherche au monde, qui chapeaute 21 musées et le National Zoo, a adopté en mai 2022 sa Policy on Ethical Returns :https://www.si.edu/newsdesk/releases/smithsonian-adopts-policy-ethical-returns.

[30] Sur les pillages de biens culturels en Ukraine dès le début de la guerre, voir l’article de Pjotr Sauer, « Ukraine accuses Russian forces of seizing 2,000 artworks in Mariupol », The Guardian, 29 avril 2022 : https://www.theguardian.com/world/2022/apr/29/ukraine-accuses-russian-forces-of-seizing-2000-artworks-in-mariupol et le l’article de Brian I. Daniels sur le site Just security : https://www.justsecurity.org/81212/how-can-we-protect-cultural-heritage-in-ukraine-five-key-steps-for-the-intl-community/.

LES AUTRES VOLETS DE NOTRE SERIE

Épisode 1 : Un nouvel or noir (6 juillet 2022)

https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-i-le-nouvel-or-noir/?fbclid=IwAR3qD8JyOH5S6sqi4iL0ymZjEwA9om8ImpnuZirPutd4bH_-HE2IUVhQy4k

Épisode 2 : Le temps des conventions (8 juillet 2022)

https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-2-le-temps-des-conventions/

Épisode 3 : Pour qui sont pensés les musées en Occident ? (17 juillet 2022)

https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-necessaire-restitution-du-patrimoine-africain-volet-3/

Épisode 4 : Le Bénin expose les œuvres restituées par la France (27 juillet 2022)

https://mondafrique.com/serie-patrimoine-africain-la-restitution-du-dieu-gou-au-coeur-du-voyage-demmanuel-macron/

Épisode 5 : Vers la coresponsabilité ! (8 août 2022)

https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-restitution-des-biens-culturels-a-lafrique-volet-5/

1 COMMENTAIRE

  1. Certes, la famille Barbier-Mueller n’a à ce jour restitué aucune pièce mais il y a néanmoins quelques initiatives privées intéressantes : le Mahico par exemple, ( http://mahicao.org ), créé par Réginald Groux au Sénégal, ancien marchand parti avec sa collection personnelle pour le présenter aux africains.
    De manière générale, cette série est excellente et ce qui en fait son point fort c’est qu’elle n’est pas partisane comme on pourrait par exemple l’attendre de quelqu’un comme Felwine Sarr.
    Sans son Histoire, sans sa Culture, sans ses Langues, l’Afrique aura beaucoup de peine à se reconstruire, et je crois me souvenir que l’Unesco prépare un manuel d’histoire africaine racontée par les africains eux-mêmes… indispensable outil !

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