Notre bilan Macron (4), une diplomatie arrogante au Niger 

French President Emmanuel Macron, left, welcomes Niger's President Mohamed Bazoum before a working lunch Thursday, Feb. 16, 2023 at the Elysee Palace in Paris. (AP Photo/Michel Euler)

Le rejet de la demande de retrait des troupes françaises du Niger et le maintien de Sylvain Itté à Niamey sont des décisions unilatérales de Macron qui n’y a associé ni Catherine Colonna, ni Sebastian Lecornu. Résultat : la France se retrouve dans une posture intenable au Niger

Diplomates et militaires français chargés d’assurer le service après-vente de la stratégie d’Emmanuel Macron au Niger découvrent, plus d’un mois après le coup d’Etat, que la France a emprunté une impasse. C’est Macron et Macron tout seul qui a décidé que l’ambassadeur Sylvain Itté  restera à Niamey contre toute logique diplomatique. C’était déjà lui et lui tout seul qui avait décidé que les 1500 soldats français seront maintenus au Niger contre l’avis des militaires au pouvoir à Niamey qui ont demandé leur départ.  

Bien plus que l’argument d’illégitimité avancé à Paris pour justifier le refus de céder à l’injonction du 25 août dernier du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), c’est l’utilité même du maintien de M. Itté à Niamey et son sort qui interrogent aujourd’hui. L’excès d’orgueil de Macron mis à part, à quoi sert désormais la présence de l’ambassadeur de France à Niamey. Il ne peut plus faire des va-et-vient entre la chancellerie et sa résidence, à fortiori s’en éloigner. Retranché derrière les hauts murs de son ambassade, M. Itté vit, presque reclus, sous la protection des éléments des forces spéciales françaises. Dernier épisode en date de cette situation digne d’un scénario d’Hollywood, les ambassadeurs d’Espagne et de l’Union européenne ont été empêchés par les forces de sécurité nigériennes d’accéder à Sylvain Itté.  Comme la Sénatrice Hélène Conway-Mouret, membre de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer le retour à Paris de Sylvain Itté. Reste à savoir si cela suffira à faire fléchir Macron qui ne suit que son écho, dans cette affaire comme il le fait souvent en politique intérieure française. Alors qu’elle a réussi, au prix d’innombrables efforts, à se démarquer de son prédécesseur Jean-Yves Le Drian, la ministre des Affaires étrangères Colonna en est réduite à défendre le maintien d’Itté à Niamey, une décision à laquelle elle n’a pourtant été associée ni de près, de loin. 

Désobéissance des militaires 

Les premiers à avoir compris que la stratégie de confrontation de Macron ne reposait sur aucune logique furent les soldats français déployés au Niger. Leurs échanges avec leurs homologues nigériens ne se sont jamais arrêtés. Comment du reste pouvait-il en être autrement puisque militaires français et nigériens partagent le même théâtre opérationnel, vivent dans les mêmes casernements sur la base aérienne de Niamey ainsi que sur les emprises de la ligne de front à Ouallam et Ayorou, dans la zone dite des trois frontières (Burkina Faso, Mali et Niger) ?  

Au moins trois membres influents de la junte nigérienne, les généraux Salif Mody (ministre de la Défense), Salaou Barmou (chef d’état-major des FAN), Mohamed Toumba (ministre de l’Intérieur), ont été les interlocuteurs directs des forces françaises dans leurs fonctions antérieures de chef d’état-major, de commandant de l’opération Almahao et de patron des forces spéciales nigériennes. Loin des déclarations martiales et éloignées de la réalité du terrain de Macron, les responsables des forces françaises au Niger ont négocié plusieurs arrangements opérationnels avec la junte nigérienne, tantôt pour organiser leurs mouvements sur le terrain, tantôt pour évacuer vers le Tchad du matériel et des effectifs non essentiels. Sans en référer forcément à Macron, prisonnier de sa bulle parisienne, les officiers français poursuivent leurs discussions avec leurs homologues nigériens pour gérer au mieux la situation actuelle rendue intenable par la suspension de toutes les activités antiterroristes franco-nigériennes. En effet des drones armés, des mirages, des avions de reconnaissance sont cloués au sol à Niamey, Ouallam et Ayorou alors que le personnel qui les opère se tourne le pouce. Le seul enjeu pour les chefs des troupes françaises au Niger est de trouver une solution intermédiaire à cette situation délicate. Quitte à discuter avec la junte honnie à Paris et ne pas s’aligner sur les coups de menton de Macron. 

Syndrome ivoirien 

La posture guerrière de Macron n’a aucune autre retombée que de celle radicaliser les foules à Niamey. Elle dessert même le président Bazoum qu’il prétend défendre. Son réquisitoire contre les autres pays européens, les Etats-Unis et la CEDEAO est mal passé dans les opinions publiques africaines. Les militaires français eux-mêmes vivent avec la crainte de se retrouver dans le scénario ivoirien de novembre 2004 où l’armée française a dû tirer sur la foule pour se dégager devant l’hôtel Ivoire à Abidjan. Entre 57 et 63 manifestants avaient alors été fauchés par des réelles françaises. 

« Les militaires ne sont pas préparés à des opérations de maintien de foules. Et si cela se présentait au Niger, on doit craindre le pire », a mis récemment en garde un ancien ministre français de la Défense. 

Dans le contexte actuel du profond rejet de la France au Sahel, une confrontation directe entre les foules nigériennes et l’armée français aurait des conséquences incalculables, bien au-delà du Niger. Elle poserait définitivement la question de la présence française au Sahel, quelle que soit l’issue de la crise politique entraînée par le renversement le 26 juillet dernier du président Mohamed Bazoum.  

Toute éventuelle confrontation meurtrière avec les troupes françaises viendrait ajouter au ressentiment déjà créé par la mort de trois jeunes Nigériens en novembre 2021 à Téra, dans le nord-ouest du pays, lors d’affrontements avec un convoi de Barkhane en route pour Gao, au Mali.  

A défaut d’une vraie enquête pour déterminer les auteurs des tirs mortels, le régime renversé le 26 juillet et la France ont trouvé un arrangement à l’amiable avec les familles des victimes qui ont perçu des compensations financières de près de 76.000 euros (environ 50 millions de FCFA) par personne décédée. Tout indique que pareil arrangement ne sera pas possible dans le contexte actuel de la posture guerrière de Macron et de la volonté des militaires au pouvoir à Niamey de bouter la France dehors.  

Francis Sahel  

  

 

4 Commentaires

  1. Bazoum n’a jamais été élu démocratiquement mais grace au bourrage des urnes cautionné par l’occident, le principe est feindre la démocratie des procédés, qui garantissent la mainmise sur les richesses, pour créer l’adhésion à la démocratie par rituels interposé.

  2. La question que l’on doit se poser aussi est de savoir: et si les putschistes et Macron faisaient juste du théâtre ou de la comédie, et que Tchiani divertissait juste le peuple nigérien à soif de voir la France dehors, avec des slogans anti français, le temps de préparer celui qui succédera Bazoum, et la France sacrifiant déjà Bazoum (avec possibilité ou pas qu’il soit recasé ailleurs dans un poste politique juteux internationale plus tard)?

    Pourquoi je dis cela, parce qu’on sait que Tchiani le putschiste en chef qui tient tête en apparence à la France, est un pion de Issoufou, qui lui-même est aussi un pro français ou un pion français, et quand on sait que comme vous l’avez dit ici dans votre magazine dans l’un de vos articles que, le pétrole est la (ou l’une des) causes de la chute de Bazoum, orchestrée par son mentor et camarade Issoufou, et quand on voit l’attitude de ce dernier vis à vis de Bazoum détenu (qui est une attitude normale vu que c’est lui le commandant de ce putsch), et quand on voit l’attitude de Macron bien qu’instransigeant en apparence avec les putschistes, mais qui ne demande pas à ces militaires français au Niger de tirer sur la foule comme lors du passage du convoi de 2021 ou comme en Côte d’Ivoire dont vous aviez parlé;
    Ces mêmes militaires qui soit disant font bande à part de Macron selon votre article, car je parle de “soit disant”, parce que je doute fort que ces militaires français au Niger font quoi que ce soit (comme négocier avec la junte dont vous avez cité), sans l’aval de leur chef suprême des armées (d’un pays occidental et démocratique, on connaît la discipline des militaires de ces pays), et ce chef suprême des armées n’est autre que comme on sait déjà Macron (qui a des tendances d’un monarque autoritaire, comme on le sait, souvenons-nous de comment il avait dit en 2017 tout juste élu président, avec toute son arrogance et mépris à son ex chef d’état major qui démissionna ensuite: “je suis ton Chef”).
    La France n’est pas une république bananière quand même (on peut la reprocher de tout mais pas d’être une République bananière), où un chef militaire peut faire certaines choses en se foutant de son chef suprême des armées. Ou pourquoi Macron n’a pas mis pression (pour l’heure) à la CEDEAO de lancer l’opération militaire contre les putschistes, (peut-être dans le futur, qui sait?)?. Tout cela semble pas clair avec des paradoxes dans les postures et attitudes des uns et des autres qui semblent se converger, alors qu’ils montrent aux yeux de tous qu’ils sont en opposition radicale.
    C’est peut-être ce théâtre qui fait que l’ambassadeur reste en place et que l’armée française au Niger n’est pas évacuée malgré l’hostilité de la foule car si elle était évacuée et qu’un pion français vient au pouvoir au Niger plus tard, ça serait difficile de faire revenir l’armée française avec le contexte actuel des peuples qui ne veulent de ces armées étrangères sur leurs sols, d’où cette armée reste là-bas, le temps de finir le théâtre ou cette comédie public, rires.
    D’où donc soyons prudents dans nos analyses. (J’ai parlé en ces termes de théâtre entre Tchiani et la France, dans un commentaire dans l’article de votre sur la Chine au Niger, publié dans magazine ici).

    Donc soyons prudents une fois de plus sur les analyses de la situation au Niger (comme aussi au Gabon sur certaines choses), et ne nous fions par seulement aux informations officielles ou la diplomatie officielle par rapport à la situation au Niger, il y’a aussi une dimension souterraine, loin des caméras, souvenons nous par exemple de l’Apartheid en Afrique du Sud dans les années 80, où Peter Botha, qui était intraitable officiellement pour ne pas démanteler l’apartheid avec Mandela en prison mais qui officieusement rencontrait déjà des délégations de l’ANC pour commencer à démanteler l’apartheid et que De Klerk concrétisera plus tard. Donc soyons prudents avec les analyses des situations au Niger.

  3. La question que l’on doit se poser aussi est de savoir: et si les putschistes et Macron faisaient juste du théâtre ou de la comédie, et que Tchiani divertissait juste le peuple nigérien à soif de voir la France dehors, avec des slogans anti français, le temps de préparer celui qui succédera Bazoum, et la France sacrifiant déjà Bazoum (avec recaser ailleurs ou pas)?
    Pourquoi je dis cela, parce qu’on sait que Tchiani le putschiste en chef qui tient tête en apparence à la France, est un pion de Issoufou, qui lui-même est aussi un pro français ou un pion français, et quand on sait que comme vous l’avez dit ici dans votre magazine dans l’un de vos articles que, le pétrole est la (ou l’une des) causes de la chute de Bazoum, orchestrée par son mentor et camarade Issoufou et quand on voit l’attitude de ce dernier vis à vis de Bazoum détenu (qui est une attitude normale vu que c’est lui le commandant de ce putsch), et quand on voit l’attitude de Macron bien qu’instransigeant en apparence avec les putschistes, mais qui ne demande pas à ces militaires français au Niger de tirer sur la foule comme lors du passage du convoi de 2021 ou comme en Côte d’Ivoire dont vous aviez parlé;
    Ces mêmes militaires qui soit disant font bande à part de Macron selon votre article, car je parle de “soit disant”, parce que je doute fort que ces militaires français au Niger font quoi que ce soit (comme négocier avec la junte dont vous avez cité), sans l’aval de leur chef suprême des armées qui est Macron (qui a des tendances d’un monarque autoritaire, comme on le sait, souvenons-nous de comment il avait dit en 2017 tout juste élu président, avec toute son arrogance et mépris à son ex chef d’état major qui démissionna ensuite: “je suis ton Chef”) d’un pays occidental et démocratique, on connaît la discipline des militaires de ces pays. La France n’est pas une république bananière quand même (on peut la reprocher de tout mais pas d’être une République bananière), où un chef militaire peut faire certaines choses en se foutant de son chef suprême des armées. Ou pourquoi Macron n’a pas mis pression (pour l’heure) à la CEDEAO de lancer l’opération militaire contre les putschistes, (peut-être dans le futur, qui sait?)?. Tout cela semble pas clair avec des paradoxes dans les postures et attitudes des uns et des autres qui semblent se converger, alors qu’ils montrent aux yeux de tous qu’ils sont en opposition radicale.
    C’est peut-être ce théâtre qui fait que l’ambassadeur reste en place et que l’armée française au Niger nest pas évacuée malgré l’hostilité de la foule car si elle était évacuée et qu’un pion français vient au pouvoir plus tard, ça serait difficile de faire revenir l’armée française avec le contexte actuel des peuples qui ne veulent de ces armées étrangères sur leurs sols, d’où cette armée reste là-bas, le temps de finir le théâtre ou cette comédie public, rires.
    D’où donc soyons prudents dans nos analyses. (J’ai parlé en ces termes de théâtre entre Tchiani et la France, dans un commentaire dans l’article de votre sur la Chine au Niger, publié dans magazine ici).

    Donc soyons prudents une fois de plus sur les analyses de la situation au Niger (comme aussi au Gabon sur certaines choses), et ne nous fions par seulement aux informations officielles ou la diplomatie officielle par rapport à la situation au Niger, il y’a aussi une dimension souterraine, loin des caméras, souvenons nous par exemple de l’Apartheid en Afrique du Sud dans les années 80, où Peter Botha, qui était intraitable officiellement pour ne pas démanteler l’apartheid avec Mandela en prison mais qui officieusement rencontrait déjà des délégations de l’ANC pour commencer à démanteler l’apartheid et que De Klerk concrétisera plus tard. Donc soyons prudents avec les analyses des situations au Niger.

  4. …  » fauchés par des réelles françaises. “

    … la sottise de la situation comme les balles est bien réelle … pour s’en sortir la France n’a-t-elle pas les ressources suffisantes pour faire une proposition que le Niger ne pourrait pas refuser … ? Bon sang un petit effort d’imagination !

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