Notre bilan Macron (5), le soutien total au Nigeria

Le seul soutien sans failles des occidentaux au Président nigérian, Bola Tinubu, reste la France d’Emmanuel Macron. Catherine Colonna, ministre française des Affaires Etrangères,  avait reçu ce dernier quelques jours avant le renversement de Bazoum lors du sommet sur la finance internationale organisé à Paris.

Olivier Vallée, économiste

Si le président Tinubu a de bonnes raisons de vouloir rétablir l’ex-Président Bazoum dans ses fonctions pour consolider son influence sur le Niger, on comprend mal ce que gagne la France à cautionner la subordination du Niger par son très puissant voisin, avec les conséquences désastreuses qu’on imagine: l’absorption complète du Niger dans l’orbite du Nigeria et à terme la fin de l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), un regroupement créé en 2014 à Dakar et destinée à fonder un espace économique harmonisé et intégré, une des dernières instances de présence française au Sahel. 
Le Nigéria qu’a connu le Président Macron lorsqu’il y était stagiaire sous le commandement de l’ambassadeur Jean-Marc Simon a considérablement évolué. La caution donnée au Président Tinubu pour envahir son voisin est pire qu’une erreur stratégique, c’est un renoncement sans gloire qui ne grandit pas l’image de la France au coeur de ce qui était son pré carré. 

Macron, petit soldat de l’UE

Il s’agit pour Paris de renforcer la capacité de l’Union Européenne (UE) de régler les conséquences désastreuses de la destruction de la Libye par l’intervention de l’OTAN en 2013. Le Niger est à présent le couloir de passage majeur vers la Méditerranée, la zone de refuge pour les Nigérians en butte à la violence dans leur pays et le camp de rétention des migrants sub sahariens que  veut fabriquer l’Europe dans cet État fragile.

 L’UE ne se rend pas compte que la transformation du Niger en centre d’accueil des refoulés perturbe des populations très pauvres, dont les femmes qui partent en Mauritanie, en Algérie ou au Nigéria pour se prostituer ou travailler comme domestiques.

Dans le même temps, l’ex Président Issoufou et le régime ont érigé à Niamey des palais pour la nouvelle classe somptuaire. Sans que l’UE ne mesure que ce contraste est perçu, connu et suscite un désaveu de l’État central du Niger incapable d’offrir des écoles et des centres de santé aux populations de l’est.

Les efforts allemands au Niger et les considérables investissements de la Turquie manifestent la prise de conscience de l’importance du choc irréversible causé par le sous développement de ce pays paupérisé.

Les créanciers attendront

Le régime nigérian traverse lui aussi une phase difficile mais d’une ampleur moindre avec le paiement des échéances de la dette. En cinq ans de présidence Buhari, le cours de change de la Naira, la monnaie locale, s’est dégradée. La dette extérieure qui s’élevait à 7.3 milliards de dollars en 2015 pèse à fin décembre 28.5 milliards de dollars, soit un accroissement de 21.2 milliards de dollars sous la forme d’emprunts extérieurs

L’actuel  président Tinubu tente de valider une guerre qui à court terme lui gagnerait la patience, voire l’indulgence de ses créanciers occidentaux.

Gilbert Chagoury, le Nigérian de Macron

Emmanuel Macron possède par ailleurs quelques solides relais au Nigeria. Le 30 septembre 2021, ce « cher Gilbert Chagoury», comme le présente Emmanuel Macron, était l’invité d’honneur du dîner de clôture de la saison « Africa2020 » organisé à l’Élysée. Ce richissime homme d’affaires dmaronite mais proche de la communauté chiite est le principal relais du Président français au Nigeria

La revue Afrique XXI a dressé un excellent portrait de cet ami sulfureux du Président français. « Tout à sa volonté de créer des liens avec les afro-capitalistes nigérians, le président français s’est rapproché de Gilbert Chagoury, un richissime homme d’affaires libano-nigérian qui a notamment été l’un des blanchisseurs du dictateur Sani Abacha, et qui a été condamné aux États-Unis pour des faits de trafic d’influence ». Et la revue Afrique XXI d’ajouter « .

Et Afrique XXI de poursuivre: « Gilbert Chagoury qui se présente lui-même sur son site internet comme un « industriel, ambassadeur, conseiller et philanthrope […] né de parents libanais originaires de Miziara installés au Nigeria », n’est pas n’importe qui. L’ascension de sa firme industrielle, le groupe Chagoury, qu’il a fondé en 1971 au Nigeria avec son frère Ronald, et qui est depuis devenu l’un des principaux acteurs de l’économie ouest-africaine, notamment dans l’agroalimentaire, le pétrole, l’hôtellerie et le BTP, est marquée par une multitude d’affaires louches et par des accusations de blanchiment et de trafic d’influence accumulées des deux côtés de l’Atlantique – de Washington à Abuja en passant par Castries, la capitale de la petite île caribéenne de Sainte-Lucie. De quoi s’interroger sur ce qui pousse l’Élysée à entretenir des relations avec un si sulfureux personnage ».

Le groupe Total en embuscade

Très actif au Liban, Emmanuel Macron soutient les intérèts de son protégé au Pays du Cèdre. Déjà présent à Chypre, Total, qui sous la présidence Macron a pris pied au Nigeria,  veut rattraper son retard au Moyen-Orient en s’implantant dans le très convoité offshore libanais. Est ce un hasard sur le groupe mise sur son partenaire historique en Afrique, l’homme d’affaires Gilbert Chagouri? Pas forcément.

Le même homme d’affaires chiite, qui a toujours cultivé des liens avec le Hezbollah a beaucoup insisté auprès d’Emmanuel Macron pour que ce dernier soutienne, lors de l’actuelle Présidentielle libanaise, le candidat du mouvement chiite extrémiste., Sleiman Frangié Cet hiver, un diner parisien réunissait le Président français, Chagoury et Frangié. Du coup et à la surprise générale,,l’Élysée tentait au printemps, mais sans succès,  d’imposer la candidature du candidat du Hezbollah