Niger, l’Algérie vent debout contre une intervention militaire

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, en contact étroit avec la diplomatie algérienne, a réagi, jeudi 10 Aout, à l’annonce par la Cédeao du déploiement de sa « force en attente » en plaidant pour une solution négociée à la crise au Niger.Un hasard? Le ministre algérien des Affaires étrangères était reçu jeudi à Washington au département d’Etat, au moment où ce dernier se démarquait de l’option militaire.

Malgré les liens privilégiés et historiques qui existent entre l’armée algérienne et le pouvoir russe, l’axe sécuritaire en Afrique entre dAlger et Washington est bien réel. C’est que les autorités américaines, traditionnellement pragmatiques, savent frapper aux bonnes ortes en Afrique. L’Algérie a conservé d’un passé anti-colonial glorieux une solide tradition de non ingérence et partage des centaines de kilomètres de frontières avec le Mali et le Niger. D’où le rôle majeur loué par la diplomatie algérienne dans l’ensemble du Sahel et, ces derniers jours, dans la tentative d’éviter de basculer dans la politique du pire au Niger. À savoir un conflit inter africain et un embrasement général provoqués par un quarteron de chefs d’état apeurés, mais dont personne ne sortirait grandi.

Notons qu’il est cocasse dee découvrir le Président ivoirien, porté au pouvoir grâce au soutien de l’armée française, qui est vent debout contre les « putschistes » nigériens.

Autre signe d’espoir, la visite à Niamey d’une personnalité nigériane respectée est passée relativement inaperçue, ce mercredi 9 août: celle de Elhaj Sanusi Lamido Sanusi, ex-roi de Kano et nalif de la confrérie Tidjaniya. Ce chef tribal  jouit d’une grande autorité morale au sein de l’ethnie des Haoussas. Lesquels sont un peuple du Sahel essentiellement établi au nord du Nigeria et dans le sud du Niger. Ils constituent une des ethnies les plus importantes d’Afrique par leur nombre et par leur influence. Si le Sénat du Nigéria s’est opposé à l’intervention armée de la Cedeao, c’est en raison du poids des élus du Nord du pays dominé par cette communauté ethnique.

Aussi bien au Nigeria qu’au Niger, les Haoussas représentent une part importante des effectifs des forces armées. Le représentant de cette ethnie a été reçu longuement par le chef de la junte, a plaidé lui aussi pour un compromis entre la Cedeao et la junte militaire. Son influence est considérable, même si son nom n’est probablement pas connu des conseillers d’Emmanuel Macron. De l’Afrique, ils connaissent surtout Washington et Bruxelles..

Le Quai d’Orsay marginalisé

 

Cette absence d’expertise au plus haut niveau de l’État français est aggravée par la  mise à l’écart du Quai d’Orsay où subsistent des experts de qualité. Autant d’errements qui expliquent sans doute la posture brutale des Français face à une situation nigérienne inédite où il s’agit de faire preuve de doigté. Ne serait-ce que pour sécuriser les 1500 soldats français encore présents sur place qui ne sont pas à l’abri d’une bavure. 

Ce vendredi 11 aout, une manifestation a eu lieu aux abords de la base militaire française à Niamey (Niger). Des slogans hostiles à la France, mais aussi à la Cédéao, sont scandés par les protestataires, ont pu constater des journalistes de l’AFP et de TV5 Monde présents sur place. Les manifestants sont plusieurs centaines à être rassemblés sur un rond-point de la capitale nigérienne, à quelques rues de la base française et de l’aéroport international Diori Hamani

Ce qui passe un peu vite pour un sentiment anti français en Afrique est bien d’avantage une critique légitime d’opinions publiques conscientes de la présence militaire française et d’un Emmanuel Macron revanchard par une partie grandissante de la jeunesse africaine 

L’urgence au Niger: la démocratie, plus l’électrification

 

                                              

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

4 Commentaires

  1. Tant que l’ancien pays colonisateur continue à désigner des pseudo-présidents en Afrique et piller leurs richesses l’Afrique restera dans le sous-développement et ses populations dans la misère absolue. J’invite les lecteurs à regarder, sur la chaîne 5, le documentaire : Routes impossibles. Vous verrez les conditions inhumaines que vivent beaucoup d’africains.

  2. Aucun président parmi ceux qui menacent les putschistes n ‘ a été porté au pouvoir par des élections régulières c est à dire après une campagne commentée par une presse libre et arbitrée par une justice indépendante qui n a pas enfermé sur ordre le principal opposant comme au Sénégal , pourtant en pointe contre la junte .. on comprend l’hésitation des occidentaux à encourager une intervention armée de ces despotes .

  3. Le sultan qui a été envoyé à Niamey était Elhaj Sanusi Lamido Sanusi ex-roi de Kano et qalif de la confrérie Tidjaniya et non l’actuel roi qui s’appelle Elhaj Aminu Ado Bayero.

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