Le régent de Zéralda (épisode V)

Très silencieux pendant la période du Ramadhan, Said Bouteflika, le frère du président algérien, nous livre -enfin!- le nouvel épisode de son journal intime. Evidemment obsédé par le bien du pays, on sent aussi le « Régent de Zéralda » soucieux de l’avenir du clan. Mais les deux ne sont-ils pas désormais indissolublement liés ?

presseWeb-2Zéralda, le 3 aout,

« Oui, je le sais. Vous êtes nombreux à vous interroger si je continue de publier ce vrai-faux journal intime après cette courte période d’absence.  Il n’en est rien.Pour dire vrai, pas besoin d’aller chercher loin la cause de cette absence. Comme beaucoup de mes concitoyens Marocains et Algériens (oui, je suis marocain de naissance et algérien d’adoption), j’avoue que le mois de Ramadhan me tord bien le cou. D’abord, impossible de picoler pour faciliter l’inspiration. Ensuite, la surcharge de travail à laquelle j’ai du faire face ces derniers temps ne m’a pas laissé le moindre répit.

Il n’est pas facile de diriger un pays comme l’Algérie où il est pratiquement impossible de trouver de véritables hommes de confiance. C’est vrai que chez les « Boutef », on ne peut pas faire facilement confiance aux autres. Surtout quand on est entouré de flagorneurs capables de tourner casaque à la première occasion. Je suis, donc, obligé de tout faire seul sans la moindre aide. Même les frangins, Abdelghani et Nacer semblent se lasser du grand frère président dont l’autonomie est réduite à sa plus simple expression. Latifa, la seule en qui je faisais confiance jusqu’à un certain temps semble beaucoup plus se soucier de son frère, de ses enfants et du ranch qu’elle s’est approprié à Mostaganem. Son fils, Kamel, de retour du Brésil où il a assisté à la coupe du monde s’occupe de sa petite boîte de com. Une boîte qu’il fait marcher grâce à moi. Imaginez, le mec, il achète l’espace publicitaire de l’aéroport d’Alger pour 1 million de Dinars. Il le loue à l’opérateur téléphonique qatarie Ooredoo quatre fois son prix d’achat. Une affaire des plus juteuse qui lui fait oublier qu’il a un oncle malade et un autre qui le prend en charge et que tous deux auraient besoin de son aide.

Ah ! Les Benmansour ! Nous n’aurions jamais du les accepter comme belle famille. Mais, cela s’est passé avant notre arrivée au pouvoir. Quand le Dr Benmansour avait demandé la main de Latifa on estimait que c’était un bon parti pour notre sœur qui avait souffert de la chute de notre frère Abdelaziz alors qu’elle était étudiante en chirurgie dentaire à la fac de médecine d’Alger. Mais, si c’était à refaire j’aurai marié ma sœur à un émirati ou un qatari ou à un richissime homme d’affaires libanais. Ce malin de  Sellal, notre premier ministre, l’a fait pour sa fille Rym qui a épousé Ramzy André Al-Asmar après avoir fricoté avec Farid Bejaoui, le neveu de notre ami et ancien ambassadeur Mohamed Bedjaoui. Se marier à un étranger c’est une assurance sans faille que notre secret ne sera jamais livré aux Algériens. D’ailleurs, ma belle sœur Imène tant qu’elle était mariée à un français, elle n’a jamais attiré la moindre attention sur elle. Mais, dès qu’elle a divorcé et surtout depuis que je l’ai parachuté à l’agence d’Air Algérie à Paris-Opéra, elle commence à me causer des ennuis. Je m’occupe du président nuit et jour. Faut-il que je m’encombre des ennuis de ma belle sœur à Air Algérie?

Museler la presse

A Zéralda, je suis le conseiller à tout faire, l’infirmier, le porte-plume, le garde du corps et le président de la République par procuration. Depuis que j’ai mis à la porte tous les conseillers et surtout Mohamed Rougueb, le secrétaire particulier du président, pour couper court à toutes les fuites dont bénéficiait M’hamed M’gueddem, qui a servi tous les régimes en s’enrechissant. Il fallait le voir sous Chadli recevant les journalsites français qu’il faisait espionner par des micros à l’hotel Saint-Georges. « Alors, lança-t-il un matin à l’un d’entre eux sans même se disimuler, tu as passé une bonne nuit? Elle était à ton gout? »

Au départ, je me suis réjoui d’avoir fait le vide au palais présidentiel. Mais ma charge de travail n’a fait que décupler. A commencer par la gestion de la presse depuis que j’ai laissé en jachère la directrice de la communication l’algéro-belge Farida Bessa qui se morfond dans son coin en se confinant à lire la presse et rien d’autre. Hamid Grine mon nouveau ministre de la communication est trop maladroit pour lui confier la mission de museler les journalistes et les journaux qui dérangent. Sa dernière bourde a failli mettre le feu aux poudres en cherchant à régler des comptes personnels avec une chaîne de télévision qui me cire les pompes avec zèle. Heureusement, il a su se rattraper même si cela s’est fait au détriment de son orgueil comme il le dit. Orgueil ? Un bien gros mot dans la bouche d’un ministre. Surtout quelqu’un qui doit son poste à moi et rien qu’à moi. Le mec n’a aucune compétence pour le poste de ministre.

Mais j’ai du le choisir pour deux considérations essentielles. Primo : il est de l’Est du pays. Il m’en fallait un de cette région pour atténuer un tant soit peu la coloration trop tlémcénienne du gouvernement et des hommes clé du système (le chef de la police et le patron de la sécurité intérieure du DRS). Deuxio : de tous les champions de la brosse à reluire, il passe pour le mieux lettré avec ses romans à quat’ sous que je n’ai jamais lus. Dernière mission que je lui avais assignée, il fallait que les médias ne soufflent pas mot sur l’absence du président à la cérémonie de l’Aïd El-Fitr. J’ai du user e grandes manœuvres pour occulter l’évènement en inventant des entretiens téléphoniques qu’aurait eu le président avec l’émir du Qatar et le chef de l’Etat égyptien. Le tout saupoudré d’un don de 25 millions d’Euros à Gaza. Et tout le monde a mordu. Comment pourraient-ils croire en une communication téléphonique passée par un homme qui a du mal à se faire entendre de ses interlocuteurs assis en face de lui ?

L’essentiel, j’ai réussi à faire oublier l’absence du président à la cérémonie de l’Aïd qui devait avoir lieu au palais de Zéralda où le grand frère devait recevoir les vœux des membres du corps diplomatique musulman accrédité en Algérie, des membres du gouvernement et des institutions de l’Etat. Une cérémonie que j’ai du annuler en dernière minute puisque le président dont la santé s’est nettement détériorée les derniers jours du Ramadhan était incapable de quitter son lit malgré les prodigieux soins apportés par quatre médecins arrivés en catastrophe de Paris