Afrique - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/afrique/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Wed, 11 Sep 2024 17:42:07 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Afrique - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/afrique/ 32 32 La dramatique fermeture record des écoles en Afrique https://mondafrique.com/societe/la-fermeture-record-des-ecoles-en-afrique-de-louest-et-du-centre/ Tue, 10 Sep 2024 00:49:10 +0000 https://mondafrique.com/?p=117850 Plus de 14 000 écoles sont actuellement fermées à cause de l’insécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, déplore lundi le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). Des centaines de milliers d’enfants dans la région se voient ainsi privés de leur droit à l’éducation. « L’éducation est en état de siège en Afrique de l’Ouest […]

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Plus de 14 000 écoles sont actuellement fermées à cause de l’insécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, déplore lundi le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). Des centaines de milliers d’enfants dans la région se voient ainsi privés de leur droit à l’éducation.

« L’éducation est en état de siège en Afrique de l’Ouest et centrale. Le ciblage délibéré des écoles et le déni systémique de l’éducation en raison des conflits ne sont rien de moins qu’une catastrophe. Chaque jour où un enfant n’est pas scolarisé est un jour volé à son avenir et à celui de sa communauté », a déclaré Hassane Hamadou, directeur régional du NRC pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Nous appelons d’urgence toutes les parties au conflit à cesser les attaques et l’occupation des écoles et à veiller à ce que l’éducation soit protégée et considérée comme une priorité. »

Le Sahel est particulièrement concerné, notamment le Burkina Faso et au Mali, où les écoles sont ciblées par des groupes armés djihadistes, ainsi que le Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC), en proie à des rébellions.

Au Cameroun, les effets cumulés de trois crises humanitaires simultanées ont entraîné 1,4 million d’enfants en âge d’être scolarisés dans un besoin urgent d’aide à l’éducation en 2023. En RDC, la violence et les tensions intercommunautaires ont conduit à la fermeture de 1 457 écoles depuis le début de l’année 2024, affectant plus de 500 000 élèves et 12 700 enseignants. Des groupes armés continuent d’occuper des bâtiments scolaires, les utilisant à des fins militaires et perturbant davantage l’éducation. 

Des progrès au Mali, au Burkina Faso et en République centrafricaine

Toutefois, au Mali et en République centrafricaine (RCA), le nombre d’attaques contre l’éducation a diminué entre 2022 et 2023, en raison de la baisse de la violence dans certaines régions de ces pays. Au Burkina Faso, environ 1 300 écoles ont rouvert cette année dans plusieurs zones contrôlées par le gouvernement, permettant à des milliers d’enfants de retourner en classe.

« La réouverture des écoles au Burkina Faso et la diminution des attaques contre l’éducation au Mali et en République centrafricaine montrent que des progrès sont possibles », a déclaré M. Hamadou. « Nous devons poursuivre sur cette lancée pour que tous les enfants aient accès à une éducation de qualité, sûre et inclusive. »

Les attaques incessantes contre l’éducation et les fermetures d’écoles qui en résultent ont des conséquences considérables, en termes de droits pour les enfants mais aussi en termes de développement socio-économique pour les pays. Les filles sont exposées à des risques accrus de mariage forcé et d’exploitation et les garçons au recrutement par des groupes armés. 

Dans 24 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, plus de 14 364 écoles ont fermé en raison de la violence armée, en hausse par rapport à 2023, rapporte le Groupe de travail sur l’éducation en situation d’urgence pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. 

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Sommet Chine Afrique (3), Pékin promet d’investir 51 milliards de dollars https://mondafrique.com/international/sommet-chine-afrique-3-pekin-promet-dinvestir-51-milliards-de-dollars/ Thu, 05 Sep 2024 09:02:41 +0000 https://mondafrique.com/?p=117604 Le président chinois Xi Jinping, a déclaré jeudi, à l’ouverture à Pékin du sommet 2024 du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), que son pays était disposé à travailler avec l’Afrique pour mettre en œuvre dix plans d’action de partenariat au cours des trois prochaines années, afin de promouvoir la modernisation. Il a promis 50 […]

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Le président chinois Xi Jinping, a déclaré jeudi, à l’ouverture à Pékin du sommet 2024 du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), que son pays était disposé à travailler avec l’Afrique pour mettre en œuvre dix plans d’action de partenariat au cours des trois prochaines années, afin de promouvoir la modernisation. Il a promis 50 millions de dollars pour créer un million d’emplois.

Un tiers de la population mondiale vit en Chine et en Afrique. « Il n’y aura pas de modernisation mondiale sans modernisation de la Chine et de l’Afrique », a affirmé le Président chinois  dans son discours inaugural. 

Les dix plans d’action de partenariat couvriront les domaines de l’apprentissage mutuel entre les civilisations, de la prospérité du commerce, de la coopération sur la chaîne industrielle, de la connectivité, de la coopération au développement, de la santé, de l’agriculture et des moyens de subsistance, des échanges culturels et entre les personnes, du développement vert et de la sécurité commune, a-t-il énuméré. La vision chinoise du développement du continent repose, en effet, sur trois axes : l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture et le développement des talents.

Ouverture du Forum de coopération Chine-Afrique le 5 septembre à Pékin

Le Président chinois a dit vouloir relever les relations sino-africaines au niveau de communauté d’avenir partagé Chine-Afrique. Il a également proposé de porter au niveau stratégique les relations bilatérales entre la Chine et tous les pays africains ayant des relations diplomatiques avec elle. La coopération Sud-Sud est une grande priorité dans la coopération de la Chine, qui veut rééquilibrer les rapports de force mondiaux au Sud et renforcer son influence diplomatique dans l’arène globale. 

« La meilleure période de l’histoire »

Grâce à près de sept décennies d’efforts assidus, les relations sino-africaines se trouvent aujourd’hui dans la meilleure période de l’histoire, a affirmé Xi Jinping.  

Selon l’agence nationale de presse Xinhua, la Chine est devenue, en 2023, le partenaire commercial le plus important de l’Afrique sur quinze années consécutives, avec une augmentation rapide du volume des importations et des exportations. Selon les dernières données de l’Administration générale des douanes (AGD) de Chine publiées lundi, le commerce entre la Chine et l’Afrique a augmenté de 5,5% en glissement annuel à 1 190 milliards de yuans (166,6 milliards de dollars) de janvier à juillet 2024, soit un record historique pour la même période.

De 2000 à 2023, les échanges commerciaux ont progressé de moins de 100 milliards de yuans (environ 14,08 milliards de dollars) à 1 980 milliards de yuans, avec un taux de croissance annuel moyen de 17,2%, selon la douane chinoise. 

Les exportations chinoises de navires, d’automobiles et de turbines éoliennes vers l’Afrique ont respectivement augmenté de 44,8%, 35,8% et 253,1% en base annuelle au cours de la période. Dans le même temps, les importations chinoises de sésame, de tabac jaune et de noix de macadamia en provenance d’Afrique ont respectivement augmenté de 38,8%, 32,7% et 106,2% par rapport à l’année précédente.

Plus de 50 dirigeants africains participent à ce sommet, qui marque l’influence accrue de la Chine sur le continent, dans un contexte de désamour à l’égard de l’Occident et de sa politique de coopération, souvent perçue comme paternaliste et dirigiste. 

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Sommet Chine Afrique (2), les mercenaires chinois à l’assaut https://mondafrique.com/international/chine-afrique-iii-les-societes-privees-a-lassaut/ Thu, 05 Sep 2024 06:26:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=39295 Ce 4 septembre s’ouvre à Pékin la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac). L’Afrique se révèle incontournable dans l’ambitieuse initiative chinoise “la Ceinture et la Route”. La presse africaine note l’empressement des pays africains à participer à cette grand messe où cinquante chefs d’état se sont rendus. Mais le continent africain pris à […]

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Ce 4 septembre s’ouvre à Pékin la neuvième édition du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac). L’Afrique se révèle incontournable dans l’ambitieuse initiative chinoise “la Ceinture et la Route”. La presse africaine note l’empressement des pays africains à participer à cette grand messe où cinquante chefs d’état se sont rendus. Mais le continent africain pris à la gorge par son endettement à l’égard de la Chine appelle à un rééquilibrage des relations avec le géant mondial.

Une certitude, la Chine qui refuse de s’impliquer sur le fonctionnement interne des régimes africains développe une stratégie militaire agressive, commenous l’avons vu dans un précédent papier (voir ci dessous). On assiste à un développement des sociétés privées de sécurité sur l’initiaitive de pékin comme c’est le cas pour Blackwater, le mercenaire américain associé aux Chinois

Une enquête de Michael Pauron

La Chine, qui compte plus de 5000 entreprises et des millions de travailleurs sur le continent, est de plus en plus exposée aux menaces, comme le terrorisme et le banditisme. Depuis une dizaine d’années, ses ressortissants sont d’ailleurs régulièrement pris pour cible. En 2011, l’APL a dû évacuer 35 000 chinois de Libye. En 2015, elle a renouvelé l’opération au Yémen, pour 600 de ses compatriotes. La même année, trois d’entre eux ont été tués lors d’une attaque dans un hôtel, à Bamako.

Plusieurs mineurs ont été enlevés au Nigeria en 2016 et en 2019. Pendant la crise du Covid19, alors que la Chine a été accusée d’être responsable de la pandémie, les relations entre les locaux et les ressortissants chinois se sont tendues, et trois entrepreneurs ont été assassinés à Lusaka, capitale de la Zambie, au cours du week-end des 23 et 24 mai 2020.

Beaucoup d’anciens militaires

Ces évènements ont poussé Pékin à réagir. Non seulement l’APL s’est déployée sur le terrain à plusieurs reprises, mais la sécurité privée est encouragée à se développer. Déjà bien occupé par les Américains, les Israéliens, les Russes et les Sud-africains, ce marché attire des acteurs chinois, qui ont l’avantage d’être jusqu’à douze fois moins chers.

La plupart des dirigeants de ces sociétés sont issus de la sécurité publique, et leurs liens avec l’État chinois ne sont pas très clairs, bien qu’ils soient supposés importants. « En ce qui concerne le recrutement, la pratique d’employer d’anciens militaires par les sociétés chinoises est la norme tout comme elle l’est dans le reste de l’industrie mondiale de la sécurité », précise une étude du Cari sur le sujet publié en mars 2020. Et, comme dans tous les autres domaines, les États-Unis y verraient une menace : « Les principaux acteurs américains craignent que, dans un avenir pas trop lointain, le marché chinois de la sécurité ne fournisse des concurrents mondiaux, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs secteurs industriels chinois », poursuit le Cari.

Parmi les sociétés déjà actives, la société HXZA se concentre sur la sécurité maritime, en particulier le long de la côte est-africaine. Toujours selon l’étude du Cari, « les principaux services de HXZA comprennent la sécurité maritime armée, la réponse aux kidnappings, la protection des cadres, la sécurité statique des sites, la formation à la sécurité, l’évaluation des risques et l’intégration des technologies de sécurité. L’expansion de HXZA à l’étranger a été déclenchée par l’exigence de suivre le processus d’internationalisation de ses clients chinois, en particulier les entreprises publiques dans les secteurs de l’extraction de pétrole et de gaz. »

L’irruption de Blackwater

Un autre acteur s’est fait particulièrement remarqué. Considéré comme l’un des principaux  mercenaires américains, Erik Prince, le fondateur de Blackwater, a créé à Hong Kong Frontier Services Group (FSG), en partenariat avec le conglomérat financier chinois CITIC group. Doté d’un bureau à Pékin, FSG est arrivé en 2014 au Soudan du Sud, où l’entreprise soutient le secteur extractif chinois. En 2018, le périmètre d’activité de FSG s’est élargi avec le projet de construction de centres de formation à destination des entreprises chinoises de sécurité privée. L’étude du Cari estime que,« FSG devrait tirer parti de l’expansion économique de la Chine en Afrique et de leurs besoins de sécurité. »

Les activités de coopération entre la Chine et FSG en Afrique iraient de la sécurité en Somalie, à la gestion d’évacuations sanitaires par les airs à partir du Kenya, en passant par le soutien aux opérations minières chinoises en RD Congo et en Guinée. Mais les experts alertent sur les risques du développement de cette nouvelle activité chinoise, qui pourrait conduire certaines sociétés privées paramilitaires à nourrir des conflits et développer le trafic illégal d’armes.  « Les entreprises de sécurité privée sont une réponse à certaines menaces, mais si elles ne sont pas encadrées, elles peuvent attirer d’autres acteurs qui risquent de déclencher des conflits supplémentaires et inattendus », prévient l’étude du Cari.

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Sommet Chine Afrique (1), une stratégie militaire agressive https://mondafrique.com/international/chine-afrique-i-des-ventes-darmes-en-progression-constante/ Thu, 05 Sep 2024 05:50:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=39287 Vente d’armes, déploiement de troupes, recours à des sociétés de sécurité privées. Derrière la vaste offensive économique chinoise, le bruit des bottes se fait désormais entendre, ainsi qu’une inflexion perceptible de sa célèbre politique de « non-ingérence », alors que se réunit cette semaine le sommet Chine/Afrique En 2017, à Djibouti, lorsque Pékin a inauguré sa première […]

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Vente d’armes, déploiement de troupes, recours à des sociétés de sécurité privées. Derrière la vaste offensive économique chinoise, le bruit des bottes se fait désormais entendre, ainsi qu’une inflexion perceptible de sa célèbre politique de « non-ingérence », alors que se réunit cette semaine le sommet Chine/Afrique

La base militaire de la Chine à Djibouti

En 2017, à Djibouti, lorsque Pékin a inauguré sa première base militaire à l’étranger, beaucoup, au premier rang desquels les américains, s’en sont inquiétés. Il faut dire que le camp chinois n’est qu’à quelques kilomètres du camp Lemonnier, créé après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et où stationnent quelque 4 000 marines. Certains sont impliqués dans des missions très secrètes, notamment des assassinats ciblés de drones au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique, et des raids au Yémen. Washington a aussitôt craint une surveillance chinoise de ces activités.

La marine chinoise sera bientôt la première du monde, devant les États-Unis. De fait, « la base de Djibouti constitue un énorme développement stratégique », selon Peter Dutton, professeur d’études stratégiques au Naval War College de Rhode Island : « C’est l’expansion de la puissance navale pour protéger le commerce et les intérêts régionaux de la Chine dans la Corne de l’Afrique, c’est ce que font les pouvoirs expansionnistes. La Chine a tiré des leçons de la Grande-Bretagne il y a 200 ans », a-t-il expliqué au New York Times en 2017. La base de Djibouti faciliterait aussi le transfert d’armes chinoises, disent les experts.

L’Algérie en tète

Les ventes d’armes chinoises aux pays africains ont été multipliées par trois sur la période 2008-2019 par rapport à la décennie précédente. Bon marchés, les équipements militaires chinois ont de plus en plus d’acquéreurs sur le continent, depuis les armées régulières jusque dans les rangs des groupuscules terroristes et rebelles.

Ainsi des hélicoptères Z-9 en Zambie, mais aussi des lance-roquettes WS-1 dans l’armée soudanaise ou encore des missiles anti-chars Red Arrow-73D chez les voisins du Soudan du Sud et du Darfour. L’Algérie est le premier client africain de la Chine, devant la Tanzanie, le Maroc et le Soudan. Suivent le Nigeria et le Cameroun. Mais « plusieurs États africains sont également les destinataires d’armes légères et de petit calibre chinois, bien que le volume de ces transferts soit absent des statistiques publiques. La Chine s’est opposée à l’inscription de ces armes au Registre des armes classiques des Nations Unies », expliquent les chercheurs Mathieu Duchâtel, Richard Gowan et Manuel Lafont Rapnouil, dans une note de 2016, « Into Africa : Chinese global security shift » (European Council on Foreign Relations, ECFR).

La Russie restent le premier vendeur d’armes en Afrique avec 15,775 milliards de dollars d’exportations

Selon les chiffres du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), compilés par Mondafrique, avec 3,278 milliards de dollars entre 2008 et 2019, le volume des ventes chinoises reste loin de celui des Russes, premier vendeur d’armes en Afrique avec 15,775 milliards de dollars sur la même période, mais se rapproche du niveaux des États-Unis, deuxième marchand sur le continent avec 5,667 milliards de dollars sur la décennie étudiée.

Pour Andrew Hull et David Markov, de l’Institute for Defense Analyses (IDA), la bascule se situe vers 2010, année où le salon African Aerospace and Defense (AAD) organisée en Afrique du Sud tous les deux ans a accueilli pour la première fois une représentation chinoise importante, avec une dizaine de sociétés sur un pavillon national de 1200 mètres carrés. 

Des formations militaires

La présence militaire de la Chine ne se traduit pas seulement par la vente d’armes. « La Chine dispense une formation aux militaires nigérians et camerounais pour leurs opérations contre Boko Haram, et soutient la mission de l’Union africaine contre Al Shabaab en Somalie », lit-on encore dans la note de l’ECFR.

Le chercheur He Wenping, repris dans la note de l’ECFR citée plus haut, dit que « les évènements libyens et soudanais, en 2011, où des ressortissants et des entreprises chinoises ont été pris au dépourvu par des conflits armés meurtriers, ont amorcé le changement de politique africaine de la Chine. 

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Le Somaliland, cet État très convoité… qui n’existe pas  https://mondafrique.com/a-la-une/le-somaliland-cet-etat-tres-convoite-qui-nexiste-pas/ https://mondafrique.com/a-la-une/le-somaliland-cet-etat-tres-convoite-qui-nexiste-pas/#comments Mon, 12 Aug 2024 01:33:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=99923 Indépendant depuis 1991, le Somaliland n’est pas reconnu par la communauté internationale. Le pays ne peut donc pas frapper à la porte du FMI et de la Banque mondiale. L’ancienne Somalie britannique mise sur le développement du port de Berbera, sur le Golfe d’Aden, pour concurrencer Djibouti et accueillir les importations et les exportations de […]

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Indépendant depuis 1991, le Somaliland n’est pas reconnu par la communauté internationale. Le pays ne peut donc pas frapper à la porte du FMI et de la Banque mondiale. L’ancienne Somalie britannique mise sur le développement du port de Berbera, sur le Golfe d’Aden, pour concurrencer Djibouti et accueillir les importations et les exportations de l’Éthiopie (120 millions d’habitants), un géant privé d’accès à la mer.

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed a inquiété tous ses voisins en déclarant que l’Ethiopie a un « droit naturel » à disposer d’un accès à la mer. Il s’agirait, selon lui, d’«une question existentielle » qui pourrait bien cibler les ports du Somaliland. Le pays où les Somaliens ont investi, début 2023, la ville de Las Anod, est très convoité sous la menace de ses voisins.

Ian Hamel, de envoyé spécial à Hargeisa

Installée dans une petite rue paisible, la modeste ambassade du Somaliland n’est qu’à un coup d’accélérateur de l’aéroport d’Addis-Abeba. L’Éthiopie demeure le seul pays – avec Taïwan – à reconnaître cet État fantôme boudé par le reste du monde. Les formalités ne durent qu’une quinzaine de minutes. Les visiteurs ne se bousculent guère dans ce territoire semi-désertique, vaste comme le tiers de la France, et peuplé de 3,5 millions d’âmes. Seule la compagnie Ethiopien Airlines permet de rejoindre en quatre-vingt-dix minutes Hargeisa, la capitale de ce pays qui n’existe pas.

Fidèle à l’ancien colonisateur, le Somaliland importe des voitures avec le volant à droite, mais paradoxalement, on y roule aujourd’hui à droite… La langue officielle, le Somali, a opté pour les caractères latins. Mais sur son drapeau, la devise est écrite en arabe. L’islam est la religion d’État et toute promotion d’un autre culte est interdite par la constitution somalilandaise.        

Dans le centre-ville de la capitale, le compound, composé d’un hôtel quatre étoiles et d’un restaurant avec terrasse, est solidement gardé par des policiers, mitraillette à portée de main. Le matin, des serveurs très stylés proposent, en souvenir de l’occupation anglaise, du thé, du porridge, et des toasts, toutefois arrosés de miel, et servis avec des bananes. Il n’est pas possible de quitter Hargeisa sans être accompagné d’un fonctionnaire en armes. Le pays est-il si peu sûr ? Durant notre séjour d’une dizaine de jours, nous n’entendrons pas un seul coup de feu. Pas de problème pour se promener même tard le soir dans les rues de Berbera, de Sheikh, ou de Borama. « Imposer un policier, c’est d’abord un moyen pour l’État de faire payer la rémunération des fonctionnaires par les visiteurs. Le Nord du pays est sécurisé. En revanche, ce n’est pas forcément le cas plus au Sud. Le Somaliland a perdu cette année Las Anod, la capitale de la province de Sool, prise par des milices somaliennes après de violents combats », souligne une diplomate occidentale de passage à Hargeisa.   

Danses traditionnelles dans ce pays très religieux

Un Intégrisme non violent                                                                                                                                

Si l’ancienne Somalie britannique n’est toujours pas reconnue, car toujours considérée comme une province séparatiste de l’actuelle Somalie, elle ne laisse pas pour autant indifférente les capitales occidentales et les pays du Golfe. Les mosquées y poussent comme des champignons. Si la burqa n’est pas (encore ?) généralisée, aucune femme ne sort de son domicile sans son voile. Même, les petites filles, à partir de quatre ou cinq ans, sont couvertes. Le soleil ne s’est pas levé que les muezzins se font écho pour vous rappeler la prière de l’aube. Cette radicalisation n’est pas récente. En 1992, un reportage du Monde évoquait déjà « la percée, pourtant spectaculaire, des groupes intégristes islamiques ». Des groupes qui disposeraient de « camps d’entrainement militaires à Borama, Burao et Las Anod » (1).              

Alors que Mogadiscio sombrait dans le chaos, paralysée par les attentats à la bombe des Shebab, Hargeisa a longtemps joué les bons élèves, organisant des élections pour choisir le président de la République et les députés. Axelle Djama, autrice d’une thèse consacrée aux forces de sécurité au Somaliland, rappelait en mars 2023, que le dernier attentat remontait à 2008 et que s’il doit exister des cellules de Shebabs au Somaliland, elles n’y sont pas actives. Et surtout, « elles ne parviennent pas à mettre en place leur projet terroriste », en raison de « quadrillages territoriaux par la police et les forces de sécurité plutôt efficaces. Les services de renseignement aussi semblent performants », affirme cette doctorante en anthropologie (2). Des services fortement “conseillés“ par les Britanniques, les Américains, mais aussi les voisins Ethiopiens.

Un dollar s’échange contre 9 000 shillings somalilandais  

La perte de Las Anod, 150 000 habitants   

La démocratie vient d’en prendre un coup avec le report de l’élections présidentielles, qui auraient dû se dérouler en novembre 2022. Élu en 2017, Muse Bihi Abdi restera au pouvoir au moins jusqu’en 2024… Des manifestations antigouvernementales se sont soldées par quelques morts, du côté des opposants comme des forces de l’ordre.

Mais surtout, le Somaliland a perdu la ville de Las Anod (150 000 habitants) au début de l’année 2023, après de violents combats qui ont fait des centaines de victimes et des dizaines de milliers de déplacés. Cette cité occupe une position stratégique sur les routes commerciales du nord de la Somalie.

Cette défaite atteste d’abord d’une dérive du pouvoir somalilandais, qui, peu à peu, est accaparé par les Issaq, largement majoritaires (70 % de la population), au détriment des autres clans, notamment les Dulbahante, qui peuplent la province de Sool. « Pour construire la paix à la fin du XXe siècle, des clans minoritaires ont accepté de lâcher la Somalie pour former le Somaliland avec les Issaq. Mais aujourd’hui, étant de plus en plus marginalisés, ils ne se sentent plus vraiment somalilandais », constate un chercheur français, qui ne souhaite pas que son nom apparaisse. « Si vous vous permettez la moindre critique, vous êtes interdit de séjour. Quant à la population, elle n’ose plus critiquer le pouvoir. Des journalistes sont emprisonnés », assure l’universitaire. Malgré la promesse en août 2023 de « prendre sa revanche » contre la milice SSC (Sool, Sanaag et Ayan), fidèle au gouvernement somalien, le pouvoir somalilandais n’a pas mené jusqu’à présent d’offensives pour reprendre Las Anod.

Le pays survit grace à l’exportation de deux millions de têtes de bétail vers les pays du Golfe

 

L’Alliance avec Taïwan

Exclu des circuits financiers mondiaux depuis sa création en 1991, le pays a toujours échappé au surendettement, mais il ne survit que grâce à l’exportation annuelle de deux millions de têtes de bétail vers les pays du Golfe. Et à la générosité de la diaspora (1,5 million de personnes), établie en Europe, notamment en Grande-Bretagne, parfois même aux États-Unis. Le PIB par habitant était estimé, il y a quelques années, à 675 dollars. Pour l’avenir, Hargeisa mise sur le renforcement de ses liens avec un autre paria de la communauté internationale, Taïwan, qui a installé une vraie ambassade dans la capitale. L’île mène des recherches pétrolières et minières. De quoi provoquer le courroux de la Chine. Réplique cinglante d’Essa Kayd Mohamoud, chef de  la diplomatie somalilandaise : « Pékin ne peut pas nous dicter sa conduite. Nous mènerons nos affaires comme nous le voulons ». 

Autre partenaire d’importance, les Émirats arabes unis (EAU). Ils ne reconnaissant pas le Somaliland (comme la Ligue arabe), mais investissent des millions de dollars dans le port de Berbera. Les raisons ? Dubai Port Word 8DP World) a été évincé de Djibouti en 2018 au profit des Chinois. L’opérateur portuaire des Émirats entend faire de Berbera une alternative  pour les exportations et l’approvisionnement de l’Éthiopie, un marché de 120 millions d’habitants. DP World a investi 442 millions de dollars dans la construction d’un nouveau quai et l’extension du port en eau profonde. Le sultan Ahmed Bin Sulayem, président de DP World, s’est déplacé en juin 2021 pour l’inauguration d’un terminal à conteneurs et l’ouverture d’une zone franche de 1 200 hectares, la Berbera Economic Zone (BEZ), qui accueillera prochainement une usine d’embouteillage d’huile de table.

Acheter un passeport étranger

Le port somalilandais peut-il grignoter Djibouti ? « C’est un pari difficile. Djibouti a la réputation d’être plus efficace que Berbera. Quel est le temps de déchargement au Somaliland ? Par ailleurs, Djibouti dispose d’une ligne de chemin de fer, alors qu’à Berbera, les conteneurs partent par la route. C’est plus long et plus risqué. Ajoutez des primes d’assurance élevées car la piraterie n’a pas totalement disparue dans le Golf d’Aden », analyse Hervé Deiss, le rédacteur en chef de Ports et Corridors, site spécialisé dans la logistique portuaire.

En clair, l’avenir n’est pas bouché, mais il reste incertain. La reconnaissance du Somaliland par la communauté internationale n’est pas pour demain, malgré un important lobbying de la part de la diaspora à Washington. « Au Somaliland, la priorité des priorités pour les jeunes, c’est d’acheter un passeport étranger pour enfin pouvoir voyager », nous explique note fixeur. Son passeport éthiopien, obtenu cet été, lui a coûté 5 000 dollars. Mais s’il part, reviendra-t-il dans le pays qui n’existe pas ?    

  • Catherine Simon, « Somaliland, État fantôme », Le Monde, 24 décembre 1992.
  • Mathieu Vendrely, « Le Somaliland, une “sécession réussie“, mais un État non reconnu internationalement », information.tv5monde.com.

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Batailles coloniales (volet 4), la chute du Royaume Kongo en 1665  https://mondafrique.com/a-la-une/grandes-batailles-3-la-chute-du-royaume-kongo/ Tue, 16 Jul 2024 05:34:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=52901 Le 29 octobre 1665 lors de la bataille d’Ambuila, les charges furieuses des guerriers africains viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. C’est la disparition du Royaume Kongo, cinq lettres magiques qui claquent, résonnent, comme un immense coup de tambour venu des profondeurs de l’Afrique.   Un récit d’Eric Laffite    En 1482, […]

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Le 29 octobre 1665 lors de la bataille d’Ambuila, les charges furieuses des guerriers africains viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. C’est la disparition du Royaume Kongo, cinq lettres magiques qui claquent, résonnent, comme un immense coup de tambour venu des profondeurs de l’Afrique.  
Un récit d’Eric Laffite 
 
La carte du Royaume du Kongo. La capitale figure sur un affluent du Congo, la Lunda.

En 1482, dix ans avant que Christophe Colomb ne découvre l’Amérique, le navigateur portugais Diego Cao au service du roi Jean II est aussi à la recherche d’une route maritime pour rallier les Indes, mais en descendant les côtes de l’Afrique.Passées celles du Gabon, il est pris dans les forts courants d’une « soupe jaunâtre, ocre et rouille »*, charriant une masse de déchets végétaux et de troncs d’arbres. A l’évidence un estuaire, avec cette particularité, qu’immense, il s’étale sur 17 kilomètres de large. L’explorateur fait jeter l’ancre sur la rive sud de ce qui s’avérera être l’un des plus grands fleuves du continent africain : brièvement baptisé « Rio Podoroso « fleuve puissant », il est finalement appelé Zaïre, déformation du nom que lui donnent les autochtones « Nzadi », soit « grande rivière ». 

C’est le fleuve Congo d’aujourd’hui. 

Diego Cao fait poser un « Padreo », bloc de pierre de 500 kilos surmonté d’une croix et amené de Lisbonne  afin d’attester que le lieu est désormais sous l’autorité de Jean II du Portugal.

Des hommes blancs « sortis de l’eau »

Jamais un Européen n’était descendu aussi bas en Afrique vers le sud et Diego Cao et ses marins sont incontestablement les premiers à entrer en contact avec les représentants du Royaume du Congo. Un hale de mystère enveloppe ce royaume dont la capitale « Mbanza Kongo », se trouve loin de l’océan et  difficilement accessible. Très vite pourtant, le contact est noué entre les Kongos et ces hommes blancs « sortis de l’eau », parlant une langue qu’on ne comprenait pas ». Des ambassadeurs (qui sont aussi des otages…) sont échangés. 

Il faut s’imaginer l’aventure humaine : des membres de l’aristocratie Kongo embarquent alors à bord d’un galion pour rallier Lisbonne, tandis que les « volontaires » portugais désignés par Diego Cao s’enfoncent pour de longs mois, sinon au cœur des ténèbres, dans les profondeurs d’une Afrique centrale alors totalement inconnue, et avec pour destination la capitale du Kongo. On restera longtemps sans nouvelles d’eux… 

Les sources écrites manquent pour dater précisément la naissance d’un Royaume parfois qualifié d’Empire au regard de son étendue.Une certitude, en cette fin du XVe, il est à son apogée et c’est alors la structure politique sociale la plus puissante d’Afrique centrale. Elle couvre un immense territoire qui, du Nord au Sud, s’étend du sud du Gabon au nord de l’Angola et d’Ouest en Est, de l’Atlantique à Kinshasa. Cet Etat, car s’en est un, dispose d’une administration, il collecte l’impôt, de sa monnaie, le nzimbu(sous forme de coquillage), de son aristocratie, d’une capitale.

Diego Cao et ses marins sont incontestablement les premiers à entrer en contact avec les représentants du Royaume du Congo

Erasmus universitaire kongo-portugais 

L’Etat Kongo est formé d’une demi-douzaine de provinces, et on estime que la monarchie règne sur 500 000 à 1 million de sujets.  Un Etat suffisamment solide en tout cas pour ne pas être emporté ou balayé par l’arrivée des Portugais et du premier coup d’arquebuse. Longtemps, les Portugais vont se contenter de disposer d’un comptoir à Luanda (actuelle capitale de l’Angola) sur l’Atlantique, mais sans pénétrer à l’intérieur du pays où ils n’exercent aucune autorité, et dont l’accès reste soumis au bon vouloir des Kongos. De fait, les relations sont plus que cordiales et mutuellement intéressées entre Portugais et Kongos. On commerce de l’ivoire, des métaux, des vivres. Et bientôt des esclaves. 

Très vite, l’aristocratie Kongo se convertit au catholicisme. Conversion sincère ? Opportunisme ? Il est clair que la classe dominante Kongo trouve bien des avantages à commercer, à s’instruire, s’armer auprès des Portugais : « On se fait baptiser en masse , non pas parce qu’on a renoncé à la sorcellerie, mais au contraire parce qu’on y croit dur comme fer. Le crucifix, considéré comme le plus puissant fétiche pour chasser les mauvais esprits, devient très apprécié », remarque David Van Reybrouck.*Côté portugais, on se félicite de commercer avec cet allié solide dont la souveraineté permet d’écarter d’éventuels concurrents européens. 

Dès 1491, le Mani (roi) Nzinga Nkuwuse se convertit, prend le nom de « Don Juan » 1eret signe un traité d’alliance avec Lisbonne. Il est imité par la famille royale, les proches du pouvoir. Le christianisme devient religion d’Etat, la capitale Mbanza Kongo est rebaptisée São Salvador. Se met aussi en place une sorte d’Erasmus universitaire entre le Kongo et le Portugal tout à fait extraordinaire.

Don Juan 1er, premier souverain du Kongo à se convertir en 1491 au catholicisme. Son fils Henrique sera nommé Évêque.

Des relations avec le Vatican 

Le fils du Roi, dont « Henrique » (11 ans), ainsi qu’une partie de l’élite Kongo part ainsi étudier à Lisbonne. On y apprend le latin (!) les sciences, la théologie, etc. A tel enseigne qu’Henrique rentre au pays en qualité d’évêque, le premier homme noir à occuper cette charge. Des relations diplomatiques d’Etat à Etat s’établissent entre le Vatican et le Royaume, et une correspondance écrite s’installe entre le pape et le Mani Kongo. Celle-ci permet parfois d’arbitrer certains conflits inévitables avec « l’allié » portugais. 

En 1606, au terme d’un périple mouvementé de quatre années vers Rome, Nsaku, « marquis de Vunda » , devenu prêtre sous le nom de Dom Antonio Manuel, présente ses lettres de créance au pape Paul V. Il est le premier ambassadeur africain de l’histoire accrédité auprès du Saint-Siège.Une chose ne passe pas. La monogamie imposée par l’Eglise. 

Celle-ci remet en cause le système d’alliance sur lequel repose l’autorité du Mani Kongo vis-à-vis de ses vassaux, lesquels sont désormais « prince » « duc » ou « baron ». Malgré cela, entre 1491 et 1620, le Kongo et le Portugal entretiennent des relations relativement cordiales. A l’occasion, les Kongos profitent de cette alliance pour étriller sévèrement leurs voisins. En 1568, le Kongo est envahi par les Yaka, une peuplade guerrière venue du sud. La capitale est prise, mise à sac, finalement reprise en 1571 mais avec le renfort d’un fort contingent de conquistadors… 

Cette « entraide » est alors réciproque. Les guerriers Kongos permettent aux Portugais d’étendre leur comptoir de Luanda, port qui devient la capitale d’une colonie qui, au fil des ans, monte en puissance. 

Avec la découverte du Brésil, sa colonisation, Lisbonne a besoin de main d’œuvre. La traite négrière qui se met en place, source de profit et de luttes continuelles déstabilise profondément la région. 4 millions d’esclaves (!) auraient été ainsi « exportés » de la région de 1500 à 1850. Les « razzias » se multiplient. Au détriment des ennemis des Kongos, dans un premier temps… 

Mais l’emprise portugaise s’affirme au fil des ans, des décades. 

 L’appel aux armes d’Antonio 1er,  

Les Kongos trouvent une respiration avec l’arrivée en 1602 des Hollandais (protestants et donc des hérétiques) venus commercer sur les rives du Congo. Puissance maritime et commerciale, la Hollande constitue un précieux contrepoids aux ambitions et à l’appétit grandissants des Portugais. Les monarques Kongo jouent de cette rivalité pour maintenir leur souveraineté. En 1641, les Hollandais occupent Luanda après en avoir chassé les Portugais. 

Un sursis de courte durée. La fin de la guerre de Trente ans (1649) signe le retour en force des Portugais à Luanda. Ils imposent alors toute une série d’exigences nouvelles : aucun européen ne doit désormais entrer au Kongo sans passer par Luanda. La « liberté » totale du commerce est imposée, soit l’interdiction pour le Kongo de prélever des taxes sur le commerce portugais. Les conquistadors s’emparent de l’île de Luanda d’où l’Etat Kongo tire sa monnaie, le Zimbu. 

Lisbonne soutient enfin toutes les velléités d’indépendance des vassaux ou des rivaux du royaume Kongo.   C’est désormais une véritable guerre froide qui régit les relations entre les deux Etats. C’est sous le règne de Mvita ya Nkanga alias « Antonio 1er »(1661-1665) que se joue l’acte ultime de ce long travail de sape. 

En 1665, les Portugais réactivent une vieille exigence, celle de l’accès aux mines de cuivre de MBembe, et alors perçues comme un possible eldorado. Réponse sèche d’Antonio 1er : « ces mines n’existent pas et que même si elles existaient, il ne les devrait à personne». 

Tandis que les Portugais mobilisent leur armée, Antonio 1er lance, le 13 juin 1665, un vibrant appel aux armes à : « Toute personne, qu’elle soit noble ou artisan, riche ou pauvre, toute personne capable de porter une arme, venant de tous les villages et bourgs…[sera] obligée de se présenter dans les dix jours qui suivent auprès de[ses] commandants, gouverneurs, princes, comtes, marquis,etc. […] et de partir défendre nos terres, biens, enfants et femmes, vie et liberté que les Portugais veulent s’accaparer et assujettir ».

Les guerriers d’Antonio 1er sont majoritairement armés d’arcs, de javelots et d’épées

 Le dernier combat

La confrontation a lieu le 29 octobre 1665 à Ambuila, à mi-chemin de São Salvador et de Luanda. Des deux côtés, on a fortement mobilisé : 500 soldats portugais et 7000 supplétifs autochtones du côté de Luanda. « 100 000 hommes » côté Kongo. Chiffre peu réaliste mais qui vient  tend à illustrer l’exceptionnelle mobilisation des Kongos. 

Antonio 1er jouit d’une incontestable supériorité numérique, mais son armée est bien moins dotée en armes à feu. Ses guerriers sont majoritairement armés d’arcs, de javelots et d’épées. En face, les conquistadores ont des mousquets et surtout deux canons. Ils bénéficient d’une organisation militaire éprouvée. De fait, les charges furieuses des guerriers Kongo viennent se briser contre le carré formé par les Portugais. 

La lutte est acharnée. Le combat va durer entre six et huit heures au cours desquelles, par vagues successives, les Kongos se jettent inlassablement à l’assaut du carré portugais. Lequel ne cède pas. 

Au soir de cette bataille, c’est une catastrophe absolue pour les Kongos qui laissent 5000 cadavres sur le terrain. Le roi Antonio 1eren fait partie, il est décapité. Avec lui, deux de ses fils et plus de 500 nobles de la Cour passent de vie à trépas. C’est tout l’Etat congolais qui est décapité de sa caste dirigeante. Il ne s’en remettra pas. Après être parvenu à maintenir sa souveraineté deux siècles durant face aux colonisateurs, le royaume du Kongo s’enfonce alors dans l’anarchie et la guerre civile. On s’y dispute un pouvoir qui n’existe plus.

Demeure le nom « Kongo », qui aura été, depuis, adopté depuis par deux Etats. 

* Les citations sont extraites du remarquable livre de David Van Reybrouck, « Congo. Une Histoire », Flammarion 2014 et disponible en poche.
 
https://mondafrique.com/grandes-batailles-2-lemir-abd-el-kader-vainqueur-des-francais-en-1845/

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La restitution du patrimoine africain (volet 2): le temps des conventions https://mondafrique.com/loisirs-culture/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-2-le-temps-des-conventions/ Sun, 14 Jul 2024 03:31:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=70396 Les Africains à partir des Indépendances n’ont pas cessé de réclamer ces objets pillés. Après un traité en 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, l’UNESCO propose un texte en 1970 « pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété de biens illicites des biens culturels ». […]

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Les Africains à partir des Indépendances n’ont pas cessé de réclamer ces objets pillés. Après un traité en 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, l’UNESCO propose un texte en 1970 « pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété de biens illicites des biens culturels ». [1]

Une chronique d’Alexandre Vanautgaerden.

Alexandre Vanautgaerden est historien et historien d’art. Il a travaillé et dirigé plusieurs institutions culturelles (musées, bibliothèques) en Belgique, Suisse et France. Il a publié de nombreux livres sur l’humanisme et Érasme, et travaille actuellement sur l’évolution des lieux d’exposition au regard du développement des projets numériques. Il est Honorary Reader au Centrum for the Study of the Renaissance de l’Université de Warwick en Angleterre.

Le président Mobutu s’adresse le 4 octobre 1973  aux États membres de l’ONU lors d’une réunion de l’Assemblée générale à New York, sous le regard du Secrétaire général Kurt Waldheim (assis à gauche), et réclame le retour des objets pillés pendant la colonisation. Photo ONU/Yutaka Nagata.

La Convention de l’UNESCO entre en vigueur en 1972 avec trois États parties : Bulgarie, Équateur et Nigeria. Elle distingue les pays « exportateurs » des pays « importateurs».

Le professeur Abdoulaye Camara de l’Université Senghor d’Alexandrie nous rappelle qu’un an plus tard, le président de la République démocratique du Congo (Zaïre à l’époque) Mobutu Sese Seko prononce un vibrant discours aux Nations Unies au cours duquel il ne manque pas de réclamer le retour des biens pillés :

Parmi les revendications des pays sous-équipés, principalement les pays anciennement colonisés, il existe un domaine d’importance capitale, car il se rapporte au patrimoine culturel de nos pays. Pendant la période coloniale, nous avons subi non seulement le colonialisme, l’esclavagisme, l’exploitation économique, mais aussi et surtout un pillage sauvage et systématique de toutes nos œuvres artistiques. C’est ainsi que les pays riches se sont approprié nos meilleures et uniques pièces artistiques. Et nous sommes pauvres non seulement économiquement, mais aussi culturellement.

Ces œuvres qui se trouvent dans les musées des pays riches ne sont pas nos matières premières, mais des produits finis de nos ancêtres. Ces œuvres, gratuitement acquises ont subi une telle plus-value qu’aucun de nos pays respectifs ne peut avoir les moyens matériels de les récupérer.

Ce que je vous dis est fondamental. Car tout pays riche, même s’il ne possède pas la totalité des chefs d’œuvre de ses meilleurs artistes, en possède au moins une grande partie. C’est ainsi que l’Italie possède des Michel-Ange, la France des Renoir, la Belgique des Rubens, la Hollande des Rembrandt ou des Vermeer. Et l’autre fait qui montre la justesse de mes propos est que, pendant la seconde guerre mondiale; Hitler avait pillé le musée du Louvre et emporté les magnifiques œuvres qui s’y trouvaient. Quand la libération intervint, avant même de songer à la signature de l’armistice, la France recherchait, par tous les moyens, li récupérer ses œuvres d’art, ce qui était normal. C’est pourquoi je demande également que cette Assemblée générale vote une résolution demandant aux puissances riches qui possèdent des œuvres d’art des pays pauvres d’en restituer une partie afin que nous puissions enseigner à nos enfants et à nos petits-enfants l’histoire de leur pays.[2]

Le Zaïre sera le vingtième pays à ratifier (ou accepter) la convention en 1974.Il faudra attendre 1997 pour que la France ratifie la convention après la piteuse affaire du bélier Djenné de Jacques Chirac (voir l’épisode 1), et les années 2000 pour que des pays importateurs parmi les plus importants l’acceptent (comme le Japon, le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord en 2002, ou la Suisse en 2003) : ou la ratifie (comme la Belgique en 2009).

Bronze Ife vs Gaston Lagaffe (Etat belge)

La Belgique qui, non contente d’être une plaque tournante du commerce illicite, se singularise par un sens aigu du cafouillage, digne de Gaston Lagaffe, le personnage de BD inventé par André Franquin. Un « bronze d’Ife » avec d’autres pièces est volé le 14 janvier 1987 dans le Musée national de Jos, une ville du Nigeria. Un gardien du musée est mortellement blessé lors du cambriolage. La pièce est déclarée à Interpol et le Conseil international des musées (ICOM) la publie sur sa liste rouge. Le bronze est saisi en Belgique dans des circonstances inconnues (le Tribunal de Bruxelles a égaré le dossier). Le 14 novembre 2007, le Service public fédéral Finances organise une vente publique de biens saisis à Molenbeek. Un « lot d’art africain », contenant le bronze d’Ife, passe sous le marteau : l’Etat Belge met donc aux enchères un chef-d’œuvre nigérian volé d’une valeur de plusieurs millions d’euro, et la vend à un antiquaire belge pour la somme de 240 euros ! Dix ans plus tard, le bronze est envoyé à la maison de vente aux enchères Woolley & Wallis à Londres, où la justice britannique le saisit. Une querelle juridique commence. L’affaire est dans l’impasse car la Belgique considère qu’il il ne s’agit pas d’une affaire entre deux pays, mais entre un individu (l’antiquaire) et un autre pays (le Nigeria).

Selon M. Babatunde Adebiyi, de la Commission nigériane des musées et des monuments : « La Belgique ne veut pas aider car, au moment de la vente, elle n’avait pas encore signé la Convention de l’UNESCO de 1970 sur le trafic illicite de biens culturels. Cela ne s’est produit qu’en 2009, deux ans après la vente de la pièce. » Espérons que l’Etat belge finira par entendre raison et entendre le conseil de Julien Volper, conservateur au Musée royal de l’Afrique centrale, qui pense que : « le gouvernement belge peut résoudre cette affaire rapidement en payant 60 000 euros au propriétaire actuel de la tête [qui en réclamait dans un premier temps 5 millions au gouvernement du Nigéria]. C’est une bagatelle par rapport à sa valeur réelle. » Personne ne contestant que la pièce a été commercialisée illégalement. Espérons que le bon sens l’emportera.[3]

L’appel d’Amadou-Mahtar M’Bow en 1978

On me permettra, malgré cette histoire rocambolesque, d’être moins pessimiste que Philippe Baqué à l’égard de ces conventions internationales.[4] Si j’ai bien conscience qu’une convention ne change pas le réel, elle permet de faire prendre conscience du problème, médiatise et sensibilise les professionnels du monde des musées.

Aujourd’hui, après les conventions, les codes éthiques, les listes rouges des objets volés, plus aucun conservateur de musée ne peut dire qu’il n’est pas au courant quand il entreprend l’acquisition d’un objet archéologique sans provenance, et que cet achat, s’il l’effectue le met en contradiction avec le code de déontologie auquel il a adhéré.

M. Amadou Mahtar M’Bow, Directeur Général de l’UNESCO (1974-1987). Photo : UNESCO / Dominique Roger.

« Ne plus faire du malheur des autres peuples l’ornement de notre patrie » Amadou Matar M’Bow.

L’UNESCO ne s’arrête pas de combattre le trafic illicite après 1970. En 1978, la Conférence générale de l’UNESCO crée le Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale. Ce mécanisme vise à traiter la question de la restitution ou du retour des biens culturels perdus lorsque aucun instrument international ne s’applique – par exemple, les cas survenant avant l’entrée en vigueur de la Convention de 1970. Une des principales critiques à l’encontre de la convention est son aspect non rétroactif. Comme on le sait, une grande partie des biens illicites est sortie du continent africain avant 1970.

C’est en juin 1978 que Amadou-Mahtar M’Bow lance un appel solennel « pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable ».  La place manque ici pour le citer en entier, même si chacune des phrases de cet appel est mûrement méditée. On peut le retrouver sur le site de l’UNESCO, qui offre aussi l’occasion de l’entendre in extenso ou de le visionner dans une version abrégée.[5] Offrons ici trois paragraphes :

Le génie d’un peuple trouve une de ses incarnations les plus nobles dans le patrimoine culturel que constitue, au fil des siècles, l’œuvre de ses architectes, de ses sculpteurs, de ses peintres, graveurs ou orfèvres de tous ses créateurs de formes qui ont su lui donner une expression tangible dans sa beauté multiple et son unicité. Or, de cet héritage où s’inscrit leur identité immémoriale, bien des peuples se sont vus ravir, à travers les péripéties de l’histoire, une part inestimable.

[…] Les peuples victimes de ce pillage parfois séculaire n’ont pas seulement été dépouillés de chefs-d’œuvre irremplaçables : ils ont été dépossédés d’une mémoire qui les aurait sans doute aidés à mieux se connaître eux-mêmes, certainement à se faire mieux comprendre des autres.

[…] C’est pourquoi, au nom de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, qui m’en a confié le mandat, J’appelle solennellement les Gouvernements des États membres de l’Organisation à conclure des accords bilatéraux prévoyant le retour des biens culturels aux pays qui les ont perdus ; à promouvoir prêts à long terme, dépôts, ventes et donations entre institutions intéressées en vue de favoriser un échange international plus juste des biens culturels ; à ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à appliquer avec rigueur la Convention qui leur donne les moyens de s’opposer efficacement aux trafics illicites d’objets d’art et d’archéologie. […]

Et il terminait par ces mots :

Il y a deux mille ans, l’historien grec Polybe nous invitait à ne plus faire du malheur des autres peuples l’ornement de notre patrie. Aujourd’hui, tous les peuples étant reconnus égaux en dignité, je suis convaincu que la solidarité internationale peut au contraire aider concrètement au bonheur général de l’humanité. Restituer au pays qui l’a produit telle d’art ou tel document, c’est permettre à un peuple de recouvrer une partie de sa mémoire et de son identité, c’est faire la preuve que, dans le respect mutuel entre nations, se poursuit toujours le long dialogue des civilisations qui définit l’histoire du monde.

La convention de UNIDROIT, 1995

Afin d’être plus efficient dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels, l’UNESCO demande à l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT) d’étudier les questions relatives au droit privé qui ne sont pas directement traitées par la Convention. La Convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés de UNIDROIT voit le jour en 1995, elle complète ainsi celle de 1970 au niveau du droit privé.[6]

À la suite de l’UNESCO, le Conseil international des musées (ICOM) s’est impliqué de manière régulière pour lutter contre le trafic illicite des biens culturels à partir des années quatre-vingt-dix. Nous avons vu dans le premier épisode que c’est à partir d’une liste d’objets pillés éditée par l’ICOM en 1994, que le bélier Djenné offert à Jacques Chirac a pu être restitué au Mali ou le bronze d’Ife vendu par l’Etat belge identifié à Londres. Le travail avait été entamé plus tôt par la réflexion portée sur le code de déontologie dès 1974.[7] Le premier Code of Professional Ethics est approuvé en 1986, et sera maintes fois revu. Ce comité de réflexion sur l’éthique a joué un rôle important dans le positionnement extrêmement clair de l’ICOM à l’égard du trafic illicite, et par sa volonté de publier régulièrement ces « Listes rouges » d’objets dérobés.[8] Encore moins que l’UNESCO, l’ICOM n’a aucun pouvoir de décision, mais par la force de son réseau, nous pouvons considérer qu’il a grandement participé à faire changer les mentalités chez les professionnels des musées. Le débat sur le musée universel, au début des années 2000, a vu de nombreuses prises de position au sein de l’ICOM contre ce concept, perçu comme un alibi justifiant le refus des restitutions, nous y reviendrons.

L’actualité de la convention de 1970

En 2020, l’UNESCO fêta les 50 ans de cette convention.[9] En mars 2020, la Convention compte désormais 140 États parties à la convention de 1970. Selon Philippe Baqué, la convention de 1970 ayant montré pendant trente ans qu’elle ne menaçait pas les « pays importateurs », la plupart d’entre eux décidèrent de la ratifier. Quelques années plus tôt, en 2012, Florain Shyllon, vice-président de l’Université Olabisi Onabanjo du Nigeria, soumit à l’assemblée un document au titre explicite : « La mise en œuvre de la convention de l’UNESCO de 1970, cette étape décisive que les États africains n’ont pas su franchir. » C’est un document à la fois passionnant et inquiétant à lire sur le peu de motivation d’une grande partie des responsables africains pour lutter contre ce trafic illicite. Il est complété par un autre document à destination des participants à la réunion des 15 et 16 mars 2011, du Professeur australien Lyndel V. Prott. Ces textes n’ont (malheureusement) pas perdu leur actualité et contiennent, tous deux, nombre de positions pragmatiques qu’il est toujours utile de relire aujourd’hui.[10]

Il est certain que la difficulté de contrôler des frontières poreuses et le faible investissement des dirigeants africains dans leurs musées n’incitent pas à l’optimisme. Et, dans bien des exemples de l’ouvrage de Philippe Baqué ressort le sentiment que le marché est plus fort que les États. Malgré tout, on le verra dans l’entretien que nous avons eu avec Abdoulaye Camara, dans le prochain épisode, grâce à l’École du patrimoine africain à Porto-Novo au Bénin, et l’Université Senghor d’Alexandrie et sa formation en Gestion du patrimoine culturel, une nouvelle génération de professionnels voit le jour en Afrique. Ces conventions, si imparfaites soient-elles, dans leur rédaction ou leur application, constituent une base de réflexion et un socle stable à partir desquels cette nouvelle génération pourra interpeller le pouvoir en place.

Restituer l’Art africain… aux Français…

Je voudrais terminer ce deuxième épisode en évoquant la vente organisée par la maison Salorges-Enchères à Nantes, le 23 mars 2019. Y étaient proposés des armes issus de « collectes » coloniales[11]; et des récades (sceptre royal de l’ancien royaume du Dahomey, en forme de crosse ou de hache), réunies à la fin du XIXe siècle par Alfred Testard de Marans, chef des services administratifs du corps expéditionnaire dirigé par le général Alfred Amédée Dodds durant la guerre contre le roi Béhanzin et la conquête du royaume du Dahomey (1892-1894), dans l’actuel Bénin.

Une Récade (ou makpo) à tête d’oiseaux. Peuple Fon. Ancien Dahomey actuel Bénin. Date de collecte : 1948, bois, et laiton, 51 x 23 x 6 cm. Muséum de Toulouse (MHNT ETH.AC 450). Photo: Didier Descouens.

Les objets étaient demeurés depuis plus d’un siècle en possession des descendants des administrateurs, militaires ou des missionnaires ce qui conféraient à ces objets une valeur historique importante. C’est pourquoi le Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés, se porta acquéreur des récades. Parfaitement légale, la vente fut contrariée par l’association Afrique-Loire qui alerta plusieurs ambassades de pays africains de la tenue de la vente. Seul le gouvernement du Bénin interpella le ministère de la culture français pour qu’il suspende la vente, espérant que ces bâtons de commandements lui soient restitués. Le ministère de la culture n’ayant pas de pouvoir légal pour suspendre la vente, il demanda à la salle de vente (qui accepta) de retirer les objets provenant du Dahomey des enchères afin que le gouvernement béninois put s’en porter acquéreur.

Thomas Bouli, porte-parole de l’Association Afrique-Loire, lors de la vente de la Maison Salorges-Enchères, le 23 mars 2019. Photo : Samira Houari-Laplatte.

Thomas Bouli, porte-parole de l’association, prit la parole avant que ne commence la vente et interpella les futurs enchérisseurs :

La France a émis le principe de restitution des biens culturels [à l’Afrique] et voici qu’aujourd’hui nous sommes dans une vente de ces biens mal acquis. Personne ne va vous montrer les certificats de vente de ces objets que vous allez acheter et qui ont été pillés. Vous aurez sûrement un reçu, lors de votre achat, mais les fabricants de ces objets, eux, n’ont rien reçu, certains n’ont reçu que la mort.[12]

Poursuivant avec un brin d’ironie, il ne manquait pas de remercier les futurs acquéreurs :

… car l’acte que vous faites aujourd’hui valorise le savoir-faire de ceux qu’on estimait barbares au début de la colonisation. Désormais, leur art est devenu si prisé que les colonisateurs européens fabriquent des lois pour les conserver en Europe.

Après la vente, le gouvernement béninois renonça à acheter ces œuvres au prix fixé en fonction des offres reçues.L’avocat du Collectif des antiquaires, Yves-Bernard Debie, tourna en dérision l’intervention de Thomas Bouli avec esprit (et mauvaise foi). [13] Ce dernier, en mars 2020, constatait, désappointé :

L’Etat béninois aurait pu acheter les objets. Que représente cette somme pour lui ? Nous commençons sérieusement à douter de la volonté des Etats africains de sauvegarder leur patrimoine. Il existe en leur sein tellement d’intérêts divergents que ceux des pays passent en dernier.[14]

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le Collectif des antiquaires se porta finalement acquéreur des récades auxquels le gouvernement béninois avait renoncé, pour se lancer dans une opération de communication aux dépens de l’État français, embourbé, nous le verrons bientôt dans un prochain épisode, dans la mise en œuvre du discours d’Emmanuel Macron.

Vue du Petit Musée de la Récade, Cotounou, Bénin. Photo : Carolle Lecentre

En effet, le 17 janvier 2020, alors qu’aucune œuvre béninoise n’est encore restituée par la France, le Collectif offre au Petit Musée de la Récade à Cotounou les 28 pièces acquises à Nantes. Offrande faite à lui-même, car ce musée a été créé en décembre 2015 par le Collectif des antiquaires parisiens.

Robert Vallois, membre du Collectif, pouvait déclarer avec fierté, en présence de l’Ambassadeur de France et d’un représentant du ministre de la Culture béninois, et des membres de la famille royale d’Ahomey : « Pour nous, la restitution des œuvres, c’est du concret. » Le sémillant avocat Yves-Bernard Debie ne put que confirmer qu’il s’agissait d’un don franco-français à un musée franco-français. Chercher l’erreur.

NOTE

[1] On trouvera sur le site de l’UNESCO l’ensemble des textes juridiques applicables : https://fr.unesco.org/fighttrafficking/legaltexts et un observatoire très utile (et commode) des législations nationales : https://fr.unesco.org/node/277505.

[2] Allocution de Son Excellence le général Mobutu Sese Seko, Président de la République du Zaïre. Nations Unies, Assemblée générale, 28e session. 2140e séance pléniaire, jeudi 4 octobre 1973, New York. On peut écouter le discours de Mobutu sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=ogdKOnJawJE.

[3] L’enquête a été menée par des journalistes de la VRT et De Tijd. Voir l’article (en néerlandais) de Lars Bové,

[4] Le chapitre dans son livre Un nouvel or noir, 2021, p. 145-158 est intitulé « Convention Unesco de 1970 : une convention pour rien ? ».

[5] Pour la version audio du discours : https://www.unesco.org/archives/multimedia/document-168; la version vidéo abrégée de l’allocution : https://www.unesco.org/archives/multimedia/document-4856; pour le texte :  « Pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable: un appel de M. Amadou-Mahtar M’Bow, Directeur Géneral de l’UNESCO », Le Courrier de l’UNESCO: une fenêtre ouverte sur le monde, XXXI, 7 (1978), p. 4-5.

[6] Sur ce sujet, voir sur le site d’UNIDROIT : https://www.unidroit.org/fr/instruments/biens-culturels/convention-de-1995; et l’ouvrage et les commentaires de Lyndel V. Prott, Biens culturels volés ou illicitement exportés: commentaire relatif à la Convention d’UNIDROIT, 1995, 2000. Disponible sur l’Internet : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000122865?posInSet=1&queryId=380266d7-8c96-4d20-9173-51d428b227ab.

[7] Voir l’article de Geoffrey Lewis, « The ICOM Code of Ethics for Museums: Background and objectives”, in Museums, Ethics and Cultural Heritage, Londres, Routledge, p. 45-54. Disponible sur l’Internet: https://www.academia.edu/28966068/The_ICOM_Code_of_Ethics_for_Museums_Background_and_Objectives.

[8] Voir la Liste rouge d’urgence des biens culturels en péril – Afrique : https://fr.unesco.org/news/celebrez-50-ans-lutte-contre-trafic-illicite.

[9] Voir sur le site de l’UNESCO l’état des lieux et les événements organisés à l’occasion de cette commémoration : https://fr.unesco.org/news/celebrez-50-ans-lutte-contre-trafic-illicite.

[10] Voir les deux documents : « La mise en œuvre de la convention de l’UNESCO de 1970, cette étape décisive que les États africains n’ont pas su franchir ». Document de référence préparé par Folarin Shyllon à l’intention des participants à la Deuxième réunion des États parties à la Convention de 1970, Paris, Siège de l’UNESCO, 20-21 juin 2012. Dispoinble à l’adresse suivante: https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000245270_fre; et, « Forces et faiblesses de la Convention de 1970 : un bilan 40 ans après son adoption ». Document de référence préparé par Lyndel V. Prott à l’intention des participants à la réunion La lutte contre le trafic illicite des biens culturels. La Convention de  1970 : bilan et perspectives, Paris, Siège de l’UNESCO, 15-16 mars 2011. Disponible sur l’Internet: https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000191880_fre.

[11] Ces armes avaient été collectés notamment par le caporal Mazier lors de la mission d’exploration au Moyen-congo de Pierre Savorgnan de Brazza en 1875, et par l’Abbé Le Gardinier au début du XXe siècle.

[12] La vidéo de l’intervention de Thomas Bouli est disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=GQO8J1u6-Kg (consulté le 28 juin 2022).

[13] Dans un post publié d’abord sur LinkedIn le 31 août 2019: « La Vente aux enchères des Salorges du 23 mars 2019 : une tragi-comédie en trois actes »: https://www.linkedin.com/pulse/la-vente-aux-ench%C3%A8res-des-salorges-du-23-mars-2019-une-debie; puis dans Tribal Arts, 93 (automne 2019).

[14] Entretien avec Philippe Baqué, cf. Un nouvel or noir, p. 336.

https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-i-le-nouvel-or-noir/

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Notre série sur la restitution des biens culturels à l’Afrique (volet 1) https://mondafrique.com/loisirs-culture/notre-serie-sur-la-restitution-des-biens-culturels-a-lafrique-6/ https://mondafrique.com/loisirs-culture/notre-serie-sur-la-restitution-des-biens-culturels-a-lafrique-6/#comments Thu, 11 Jul 2024 07:14:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=72673 Nous avons rencontré Jean-Yves Marin, l’un des premiers conservateurs en France à avoir œuvré dès les années 1990 pour une vraie collaboration avec les professionnels africains,[1] et le juriste Vincent Négri qui a collaboré avec Bénédicte Savoy et Felwine Sarr pour la rédaction du rapport remis au président Emmanuel Macron en 2018. Avec eux nous […]

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Nous avons rencontré Jean-Yves Marin, l’un des premiers conservateurs en France à avoir œuvré dès les années 1990 pour une vraie collaboration avec les professionnels africains,[1] et le juriste Vincent Négri qui a collaboré avec Bénédicte Savoy et Felwine Sarr pour la rédaction du rapport remis au président Emmanuel Macron en 2018. Avec eux nous faisons le point sur le mouvement mondial autour des restitutions et sur l’évolution de la situation juridique en France.

L’auteur de cette série sur « Mondafrique » est Alexandre Vanautgaerden, historien et historien d’art

 

Jean-Yves Marin est consultant en Musée et Patrimoine basé à Genève. Il a été successivement directeur du Musée de Normandie à Caen et des Musées d’art et d’histoire de Genève jusqu’en 2019. Président du comité français de l’ICOM de 1992 à 1998 il est l’un des auteurs du Code de déontologie des musées (ICOM). Il enseigne la muséologie et les relations internationales du patrimoine à l’université Senghor d’Alexandrie.

La restitution du patrimoine africain ne concerne pas que l’Afrique

 

Skanda sur un paon, Xe siècle. Cette sculpture fait partie des 30 biens culturels remis officiellement à l’ambassadeur du Cambodge aux États-Unis le 8 août 2022.

Les digues sont en train de céder. Partout, on sent que la procrastination qui était la règle de conduite dans de nombreux musées ne tient plus. Ce problème des restitutions, nous l’avons traité essentiellement à partir du point de vue africain, mais la question est beaucoup plus générale, nous dit Jean-Yves Marin.

L’Amérique du Sud depuis longtemps est particulièrement active dans ce domaine. Les différents présidents des Mexicains se déplacent lors de leurs voyages diplomatiques avec des conservateurs de musées qui réclament des restitutions. Le président actuel du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, en a fait un cheval de bataille depuis sa prise de fonction en 2018. En 2021, l’exposition « La grandeur du Mexique » (« La Grandeza » de México), présentait 1500 pièces sur deux sites, dont le musée national d’Anthropologie.

Près de la moitié des œuvres étaient exposées pour la première fois dans leur pays d’origine, prêtées ou restituées par des pays ou des collectionneurs européens. L’exposition organisée dans le cadre du bicentenaire de son indépendance, marquait aussi les 500 ans de la conquête de Tenochtitlan-Mexico par les Espagnols en 1521.

La réflexion des Mexicains est identique à celle des Africains : l’histoire de ce pays n’a pas commencé [avec l’arrivée des Occidentaux] il y a à peine 500 ans. Cette lutte des Mexicains, comme des Africains, répond à ce phénomène d’acculturation bien décrit par Amadou Hampaté Bâ :[2]

Une entreprise de colonisation n’est jamais une entreprise philanthropique, sinon en paroles. L’un des buts de toute colonisation, sous quelques cieux et en quelque époque que ce soit, a toujours été de commencer par défricher le terrain conquis, car on ne sème bien ni dans un terrain planté, ni dans la jachère. Il faut d’abord arracher des esprits, comme de mauvaises herbes, les valeurs, les coutumes et cultures locales pour pouvoir y semer à leur place, les valeurs, les coutumes et la culture du colonisateur, considérées comme supérieures et seules valables.

Le long travail qui débute avec les indépendances consiste à replanter ces « mauvaises herbes », incarnées aujourd’hui par les artefacts des musées. En 2021, après trois années, le Mexique avait récupéré déjà 5746 biens du patrimoine historique. [3] Les plaintes du gouvernement mexicain lors de ventes publiques sont maintenant devenues systématiques. Elles n’aboutissent pas encore, car deux logiques bien connues s’affrontent : le droit et la morale, qui évoluent dans deux mondes qui se chevauchent rarement.[4] Les législations occidentales exigent la démonstration de la provenance illégale des pièces mises en vente, tandis que les Mexicains déclarent que c’est peut-être légal, mais ce n’est certainement pas éthique. Parfois, cette logique est inversée, ainsi aux États-Unis, un Tribunal de Floride a jugé le 7 octobre 2009 que le propriétaire d’un sarcophage égyptien avait à charge de prouver que cet objet n’était pas volé.[5] C’est un cas isolé.

Un mouvement international

Les États-Unis ont été la première nation à établir une législation nationale complète exigeant que les musées et les agences fédérales rapatrient les objets culturels aux communautés indigènes. Les efforts visant à promulguer une loi fédérale sur le rapatriement aux États-Unis ont commencé en 1986, lorsque le chef religieux cheyenne William Tallbull a découvert que le Musée national d’histoire naturelle de la Smithsonian Institution détenait les restes de 18 500 Amérindiens.[6] La justice de l’État de New York s’est récemment engagée dans une vaste restitution d’œuvres : de l’été 2020 à la fin 2021, plus de 700 pièces ont été rendues à 14 pays, dont le Cambodge, l’Inde, le Pakistan, l’Égypte, l’Irak, la Grèce ou l’Italie. Le collectionneur américain Michael Steinhardt a ainsi été forcé de restituer en 2021 environ 180 antiquités volées ces dernières décennies, d’une valeur totale de 70 millions de dollars. Pas plus tard que la semaine dernière, le 8 août, la justice américaine a restitué au Cambodge 30 œuvres d’art khmères volées dans les temples d’Angkor.

Ce mouvement est également intra-européen. L’Islande, par exemple, après près de sept siècles de colonisation, a déclaré son indépendance en 1944 à la faveur de l’occupation nazie de sa métropole le Danemark. Les manuscrits des sagas ont immédiatement fait l’objet d’une demande de restitution à laquelle les autorités danoises ont opposé les arguments traditionnels, bien connus des Africains, dans ce type de conflit postcolonial : l’incompétence de l’Islande pour leur conservation et leur mise en valeur ainsi que l’inaliénabilité des trésors nationaux danois. La volonté politique aura cependant raison de ces obstacles et les sagas ont été rendues progressivement à l’Islande à partir de 1971. Cette aventure de la restitution des sagas à Reykjavik est connue dans le pays comme « La patrie des manuscrits ».[7]

Utimut, « le retour » : l’exemple du Groenland

Représentations sculptées de tupilaks (êtres maléfiques) exposées au Musée national du Groenland à Nuuk.

Il est intéressant de se pencher sur un autre cas de restitution de la part du Danemark. Utimut, ou « retour » en groenlandais, est le processus pluriannuel suivi par le Danemark et le Groenland pour établir une répartition équitable de l’art et des artefacts groenlandais entre le Danemark et son partenaire du Commonwealth danois. Le Musée national danois (Nationalmuseet) est le siège des plus grandes collections au monde de ces artefacts, non seulement des habitants scandinaves du Groenland de l’ère viking, mais aussi de vestiges inuits anciens et de matériel ethnographique du XIXe siècle. Ce « processus Utimut » a permis de ramener au Groenland une part équitable du matériel culturel groenlandais et d’établir le musée national et les archives modernes du Groenland à Nuuk.[8] Le retour initialde 204 aquarelles au Groenland par le musée national du Danemark en 1982 n’était que la première étape, symbolique, d’un processus de coopération qui a abouti au transfert légal de milliers d’artefacts.

Les premières demandes du Groenland pour le retour des matériaux collectés dans le Musée national ont été faites dès 1913. Une deuxième demande officielle a également été refusée en 1953. En 1979, le Groenland est devenu un territoire autonome au sein du Royaume du Danemark. Un gouvernement a été établi, représentant tous les habitants du Groenland, dans lequel les peuples d’origine inuit représentent plus de 80 % de la population. Le corps législatif a immédiatement voté la création d’un musée national, mais le Groenland manquait d’objets, de documents et d’un espace physique approprié pour les stocker. La législation a toutefois permis d’entamer un dialogue avec le musée national du Danemark, qui a débouché sur le processus Utimut.

L’une des raisons pour lesquelles le processus a réellement fonctionné est qu’il était organisé en comités au sein desquels les membres des musées et les universitaires, et non les personnes nommées par le pouvoir politique, détenaient la majorité et empêchaient le processus de s’enliser en cas de problème. Le transfert effectif d’objets, d’archives et d’informations s’est fait de manière progressive, en traitant une région ou une période historique à la fois. Entre le début du processus Utimut et 2001, environ 35 000 objets ont été transférés aux institutions groenlandaises, couvrant toute la préhistoire du Groenland jusqu’en 1900. Bien qu’il reste au Danemark environ 100 000 objets archéologiques et ethnologiques provenant du Groenland, les collections groenlandaises sont complètes et entièrement représentatives. Des copies des documents d’archives associés aux objets sont conservées à la fois par le Danemark et le Groenland.

L’ouvrage Utimut, Past Héritage – Future Partnerships – Discussions on Repatriation in te 21st Century documente une conférence internationale sur le rapatriement en 2007. Sa publication en ligne est une enquête mondiale sur les questions de rapatriement, avec des contributions de vingt et un auteurs. Daniel Thorleifsen, qui a organisé la conférence d’Utimut, y décrit dans la préface du volume son origine culturelle comme celle d’« un Inuit groenlandais, membre de la communauté mondiale » (being a Greenlandic Inuit and a member of the world community) :

Aujourd’hui, j’ai choisi de croire que cette appropriation d’artefacts à l’époque coloniale au Groenland a été faite de bonne foi, manifestement avec la volonté de sauver de l’oubli un patrimoine culturel inuit en voie de disparition. Cette appropriation devait en outre profiter à la science dans l’étude du développement et de l’évolution de l’homme.

Le fait que cette appropriation ait en réalité contribué à l’effacement progressif de la culture inuit est une autre histoire que je n’aborderai pas en détail ici, car notre objectif pour la conférence sur le rapatriement du patrimoine culturel n’est pas de faire des reproches aux anciennes puissances coloniales. Nous voulons plutôt envisager une collaboration et un partenariat futurs sur ces questions.

Dans l’ouvrage Utimut, l’objectif premier du rapatriement ne devrait jamais être le transfert lui-même, mais l’établissement d’une relation de travail qui puisse être bénéfique à toutes les parties, dont le partage des connaissances dans le cadre de futurs projets de recherche ou d’expositions. Les auteurs yexplorent une variété de structures alternatives pour le rapatriement et le partage des objets et des ressources. Plusieurs articles s’attachent à élargir le concept de rapatriement afin d’englober des avantages non tangibles tels que le partage de l’autorité sur les objets et la manière de les expliquer. Un autre article traite des défis que le rapatriement pose à l’archéologie et aux autres sciences lorsque la communauté d’origine détourne ou détruit les objets rapatriés. La publication traite également des situations de rapatriement dans la pratique, des informations utiles qui sont absentes de nombreuses discussions sur la politique des biens culturels. La publication fournit des informations et des leçons qui peuvent être appliquées, directement ou indirectement, à une grande variété de problèmes de rapatriement dans le monde.[9]

Comme l’exprime Jean-Yves Marin, il y a un bien un réveil mondial sur ces questions de restitution, dans lequel l’Afrique a pris le leadership, alors que jusqu’il y a peu elle était à la traîne.

Une visite immersive (et subversive) du British Museum, racontée par les peuples à qui les objets ont été dérobés.

Présentation sur l’Internet de l’application « The Unfiltered History Tour ».

Ce mouvement qui s’amplifie tous les jours a même obligé le British Museum en juin dernier à entrouvrir la porte d’une discussion sur le partage des marbres du Parthénon avec la Grèce, après des décennies de refus obstiné.[10] La pression populaire en Angleterre contre la position du British Museum est tangible. Le journal The Guardian qui ouvre ses colonnes à ses lecteurs a publié en juin dernier un billet du libraire David Simmonds, qui relate avec esprit sa visite chez un ancien conservateur du British Museum, l’archéologue Harold Plenderleith en 1997. Après avoir commis « l’erreur » de lui demander son avis sur le rapatriement des marbres du Parthénon, M. Plenderleith s’emporta avec tellement de véhémence qu’il dut regagner le lit.[11] Le British Museum finira lui aussi par céder. Il ne pourra plus faire illusion longtemps. Dan Hicks avait titré avec ironie son ouvrage en 2020 sur les « bronzes » du royaume du Bénin au Nigeria conservé à Londres : The Brutish Museums. À l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’opinion publique aura raison, tôt ou tard, du Board of Trustees qui régente le British Museum, et oppose une injustice légale à une juste réclamation.

Un des projets de contestation les plus stimulants a été récemment de concevoir un guide numérique de visite en réalité augmenté, portant un regard provocant et anticolonial sur la collection du British Museum. C’est une visite du musée racontée par les communautés dont les artefacts exposés ont été pillés. « The Unfiltered History Tour » est un guide du musée de Londres, qui propose aux visiteurs une expérience immersive au travers des objets contestés du musée, de leur origine et de la manière dont ils ont été obtenus. Les visiteurs du musée sont ainsi invités à scanner les objets exposés – comme la pierre de Rosette – pour être transportés à l’heure et au lieu de provenance via des filtres Instagram AR. Grâce à cette expérience, les utilisateurs peuvent également écouter des guides audio racontés par des personnes des pays d’où proviennent les artefacts.[12]

#BringBackNgonnso : les réseaux sociaux au cœur du principe de restitution

Un manifestant camerounais demandant le retour de la statue Ngonnso se tient devant le Forum Humboldt lors de l’ouverture du Musée ethnologique Humboldt et du Musée d’art asiatique, le 22 septembre 2021 à Berlin, en Allemagne. Photo : Sean Gallup/Getty image.

La pression populaire qui oblige les États à considérer l’éthique et non plus seulement le droit est à l’œuvre dans la restitution prochaine par l’Allemagne au Cameroun de la statue connue sous le nom de Ngonnso, statue de la fondatrice et première reine mère du royaume Nso. Pendant trois décennies, la sculpture a été réclamée en vain au musée Dahlem à Berlin, puis au Humboldt Forum aujourd’hui.

Les Nso et leurs sympathisants et sympathisantes ont envisagé plusieurs options pour ramener la statue chez eux, y compris la voler au musée allemand ou demander son prêt. Les appels à la restitution lancés par le chef suprême des Nso, le NSODA et l’action des activistes comme Sheey Shiynyuy Gad et Joyce Yaya Sah n’ayant donné lieu à aucune réaction concrète, il a été décidé de changer de stratégie.

Sylvie Njobati, l’initiatrice de la campagne sur les réseaux sociaux #BringBackNgonnso, qui avait pour but de toucher directement la société civile en Allemagne, sans passer par leur représentant politique.

Une campagne sur les réseaux sociaux a été lancée par Sylvie Njobati en mai 2021 : #BringBackNgonnso. Son raisonnement était le suivant :

Notre idée était que la campagne en ligne crée la connexion entre le peuple Nso et les Allemands afin qu’ils se parlent entre eux. Je me suis rendu compte que le peuple Nso ne s’adressait pas directement aux bonnes personnes, ni à une personne en particulier, mais écrivait des lettres adressées à « qui de droit ». C’est donc grâce à Twitter que nous avons pu entrer en contact avec d’autres interlocuteurs en charge des collections et du contexte colonial.

Nous avons utilisé Twitter pour la communauté allemande parce qu’ils sont surtout sur ce réseau. Comme il était également nécessaire de sensibiliser le peuple Nso, les Camerounais et Camerounaises et l’Afrique dans son ensemble, nous nous sommes concentrés sur Facebook.

Il y a eu suffisamment de pression de la part des gens, notamment la société civile allemande, sur les réseaux sociaux. Il ne s’agissait pas seulement du post mais de l’utilisation d’outils multimédias pour influencer le débat.

Le mois dernier, la Stiftung Preußischer Kulturbesitz (Fondation du patrimoine culturel prussien, SPK) a permis le retour de Ngonnso, faisant de ce retour la toute première restitution au Cameroun. La Fondation a également indiqué qu’elle allait restituer 23 pièces à la Namibie et quelques objets à la Tanzanie. Twitter en Allemagne, Facebook en Afrique, deux réseaux sociaux alliés pour obtenir en quelques mois ce que des années de lettres diplomatiques n’avaient pu obtenir…[13]

Au tour des collectionneurs privés maintenant !

André Breton dans son atelier au 42, rue Fontaine à Paris. Juin 1965. Photo : Sabine Weiss

Pour l’instant dans cette chronique, j’ai relaté essentiellement ce qui se déroulait dans les collections publiques. Il y a pourtant un continent oublié, qui est celui des collections privées. C’est, selon Jean-Yves Marin, le thème de l’avenir.

En 2003, la restitution volontaire d’un masque de cérémonie aux indiens Kwakwa-ka waks du nord-ouest des États-Unis par Aube Elleouet, la fille d’André Breton, marqua un tournant dans la relation entre collectionneurs et pays sources. Elle porte désormais un nouveau nom, elle a été rebaptisée « U’Ma » (« Celle-qui-a-rendu »), par les descendants de la tribu indienne originaire des îles situées au nord-est de Vancouver.[14] L’une des plus importantes collections au monde d’art africain en mains privées se trouve à Genève : la Fondation Barbier-Mueller. Comme les collections publiques, elle possède de nombreuses œuvres arrivées de façon illicite en Europe. Si pour l’instant rien ne bouge pour cette collection depuis les décès récents de Monique et Jean Paul Barbier-Mueller, ailleurs, certains collectionneurs passent à l’acte. Le 26 juillet dernier une collection imposante de 2522 objets pré-hispaniques a été restituée au Mexique par une famille de Barcelone.[15] La plus vaste collection d’art khmer en mains privées va bientôt, elle aussi, retourner au pays. Nawapan Kiriangsak, la fille du collectionneur Douglas Latchford, va restituer une centaine de sculptures, bijoux, couronnes d’or, d’une valeur de plus de 50 millions de dollars, acquise durant la guerre civile, puis sous le régime des Khmers rouges. Décision courageuse qui met fin à l’errance d’objets qui n’auraient jamais dû quitter le Cambodge. Cette collection trouvera place dans un musée public à Phnom Penh, dans lequel sera distinguée la mémoire de Douglas Latchford qui, en homme de son temps, s’estimait « sauveur d’objets perdus dans la jungle ».[16]

Certains collectionneurs commencent à se poser des questions, et si ce n’est eux ce sont leurs héritiers. Parfois, d’un point de vue éthique, parfois par embarras. Il ne sert pourtant à rien de culpabiliser ces héritiers, des actions de médiation sont plutôt à mener pour leur expliquer que ces collections ont été constituées à une époque dans laquelle l’on cohabitait avec « innocence » avec une partie du marché de l’art qui importait des œuvres pillées. Mais, aujourd’hui, notre « innocence » a disparu. Nous devons accorder nos actes avec le monde, en conformité avec l’esprit du temps.

Il faut maintenant s’allier avec ces grands collectionneurs, pour qu’ils puissent envisager la voie de la restitution. Il est inutile de juger nos aînés, qu’ils aient officié dans le monde privé ou dans l’administration publique, à partir de ce que nous vivons et savons en 2022. Pendant longtemps, il y a eu à la tête des musées des hauts fonctionnaires français qui, de bonne foi, ont défendu en priorité les intérêts de la France. Leur attitude était identique qu’ils négociaient des tomates, des armes, des haricots verts ou des œuvres d’art. C’est pourquoi la transgression du discours du président français à Ouagadougou est bien un acte fort. Il fallait oser le prononcer. Emmanuel Macron a-t-il mesuré à quel point il allait à l’encontre de ses troupes en « provoquant une rupture avec la doctrine française qui jusqu’alors reposait sur l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des collections publiques, arrimées au droit de la domanialité publique » ?[17]

Quid des pays africains qui ne réclament rien ?

Certains pays africains pour l’instant ne réclament rien, comme le Gabon, ou le Cameroun, bien qu’une part importante de leur patrimoine soit conservée à Genève dans la collection de Jean Paul Barbier-Mueller, grand collectionneur de masques et fervent opposant aux restitutions. Ces deux États ont conservé, pour leur part, de nombreuses collections au pays. Leur position actuelle est de vouloir d’abord s’occuper de celles.ci, pour les réclamations, on verra après. D’autres, comme le Congo-Brazzaville, qui ne se préoccupait pas de restitution, sont dans une démarche de valorisation de leur patrimoine qui, tôt ou tard, posera la question. Le Musée national du Congo (fermé) a été pillé lors de la guerre civile de 1997. Beaucoup d’œuvres ont été perdues, il faut reconstituer ce patrimoine national. Mais depuis, plusieurs musées ont été créés. Fin 2018, le Musée du Cercle africain est inauguré à Pointe-Noire, parrainé par l’Unesco. Il a été financé par une compagnie pétrolière, Eni. Une autre compagnie pétrolière, Total, a financé la même année le Musée Mâ Loango de Diosso.

L’année précédente, le musée Kiebe-Kiebe était inauguré sur le domaine présidentiel de N’Gol’Odoua, près d’Édou, le village natal de Denis Sassou Nguesso.[18] L’aménagement de ces musées, et la restauration du musée national du Congo feront naître certainement une nouvelle dynamique.

Les solutions juridiques discutées actuellement en France

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Vincent Négri est juriste, chercheur à l’Institut des Sciences sociales du Politique (UMR 7220), École Normale Supérieure Paris-Saclay. Ses travaux et publications portent sur le droit international et le droit comparé de la culture et du patrimoine, ainsi que sur les interactions entre normes et cultures. Il est engagé dans des travaux interdisciplinaires entre droit, anthropologie et philosophie. Il intervient comme expert auprès de l’UNESCO, de l’UNIDROIT, de l’ICCROM, de l’ICOM et de la CEDEAO.

 

Pour terminer ce panorama, échangeons avec Vincent Négri à propos de la situation juridique en France, quatre ans après la remise du rapport Sarr-Savoy, auquel il collabora en sa qualité de juriste. Rappelons que toute la problématique au niveau du droit repose sur le système de domanialité publique en France qui rend les biens inaliénables et imprescriptibles.[19] Ce sont deux verrous qui cadenassent la problématique depuis 1792. Et même au-delà, certains juges n’hésitant pas à considérer que le domaine de la couronne, devenu le domaine public, fait partie du même ensemble. La question auquel répond le rapport est la suivante : doit-on restituer en s’affranchissant de ce régime de domanialité publique ou en le préservant ? Avant 2018, les décisions en France ont fait appel à un régime d’exception, qu’il s’agisse du retour des têtes maories ou de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman en Afrique du Sud[20]. Les auteurs du rapport ne désiraient pas poursuivre dans cette voie, même si elle fut adoptée encore pour la restitution du Trésor de Béhanzin ou du sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall.[21]

Dans le rapport de 2018, Vincent Négri avait proposé une alternative intéressante.[22] Le système juridique est souvent présenté comme une pyramide, avec au sommet la constitution qui pose les grands principes du système, institutionnels et juridiques ; de ces principes découlent les lois qui doivent être conformes à la constitution ; et, des lois, découlent les règlements d’application. La proposition de recourir à des traités internationaux présente l’avantage de se nicher entre la constitution et la loi. Dans un tel système pyramidal, si un État conclut un traité international (et qu’il accepte donc d’être lié juridiquement avec un autre État), les obligations juridiques qui découlent du traité sont proches du sommet de la pyramide.

Un traité international qui traite de restitution ne supprime pas la domanialité, il l’enjambe. Sans toucher au statut des collections publiques, on considère que ce statut ne s’applique plus parce qu’on restitue l’objet. La solution du traité aurait permis de nouer un processus de restitution qui laisse intact, dans son libellé et dans sa perception publique, la notion de collection publique.

Cette proposition a été perçue comme beaucoup trop ouverte. On a craint un effet d’entraînement, et pensé qu’en introduisant cette fluidité, il aurait suffi à un État de revendiquer une restitution pour que, automatiquement, s’enclenche le processus. Personnellement, nous dit Vincent Négri, je pense que cela n’aura jamais été le cas. Dans un processus de négociation bilatérale il y a deux parties. Si la France considère qu’une demande de restitution n’est pas justifiée, disproportionnée ou inadéquate, libre à elle de décliner. Il n’y a pas d’obligation de discuter une restitution. Mais, les mentalités ne sont peut-être pas encore mûres. Dans le code du patrimoine on encadre les acquisitions dans l’idée qu’elles entrent dans le domaine public, jamais on n’a pensé qu’il fallait encadrer la sortie. Il y a donc un changement de paradigme qui doit être opéré. Cela prendra plus de temps que ce que l’on pensait.

Le Sénat introduit une proposition de loi

Le parlement, inquiet de savoir qui exercera le contrôle sur la décision de restituer (le parlement ou le gouvernement), décida de refuser la solution des accords bilatéraux. De leur point de vue, ils craignaient que ces restitutions soient le fait du prince. On peut comprendre l’argument, mais un accord bilatéral n’est pas le fait du prince, c’est une procédure négociée. Il est fatalement co-construit avec l’État qui interpelle la France. Quoi qu’il en soit, le Sénat a adopté en janvier 2022 une proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques. La proposition est constituée de deux articles : le premier instaure un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens, le second traite des restes humains patrimonialisés.[23] La proposition a été transmise à l’Assemblée nationale.

Un projet de loi-cadre préparé par le président français

Pendant ce temps, le président Emmanuel Macron a projeté une loi-cadre qui permettrait de sortir de l’impasse des procédures d’exceptions adoptées jusqu’à présent, car sinon il faudrait plusieurs dizaines d’années pour répondre aux demandes de restitution. Le président a confié à l’ancien directeur du Musée du Louvre Jean-Luc Martinez, devenu ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, une mission de réflexion sur cette loi-cadre et sur le trafic illicite. Mais, à la surprise générale, le 23 mai 2022, Jean-Luc Martinez est mis en garde à vue dans le cadre d’une affaire de trafic d’antiquités et mis en examen peu de temps après pour « blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée » ; il lui est reproché d’avoir manqué de vigilance face aux incohérences qui apparaissent dans les certificats accompagnant une stèle en granit rose gravée au nom du pharaon Toutânkhamon et exposée au Louvre Abu Dhabi, et quatre autres objets.[24] Même relevé de sa mission sur le trafic illicite, il y a fort à craindre que son rapport sur la loi-cadre ait perdu toute autorité dans ce contexte.[25] Heureusement, pour la question des restitutions, on est en début de mandature pour Emmanuel Macron, il pourra relancer ce projet à l’automne quand les choses se seront tassées. Remarquons que la proposition de loi du Sénat d’instituer un organe consultatif, si elle est approuvée par l’Assemblée nationale, ne s’oppose pas au projet de loi-cadre. Il est d’ailleurs fort probable que ce Conseil national soit inséré dans le projet de loi-cadre du président.

Le temps du pragmatisme

Nous avons souligné l’impact et l’audace du discours de Ouagadougou, mais aujourd’hui, il convient d’être pragmatique pour que les restitutions se concrétisent. Ne pas empiler les démarches, projets et résolutions comme l’UNESCO a pu le faire. Depuis la fameuse intervention du président Mobutu Sese Seko en 1973, évoqué dans le second volet de cette série,[26] il y a eu pas moins de 29 résolutions de l’UNESCO traitant du retour et de la restitution de biens culturels. En 1973, pour Vincent Négri, le Président Mobutu parle d’abord au continent africain. Dans le texte de la résolution 3187 (XXVIII) du 18 décembre 1973, on parle de juste réparation du préjudice commis.[27] Sur le plan du droit international, le président du Zaïre se frappe la tête contre un mur, car la réparation ne peut intervenir qu’en conséquence d’un acte illégal. Cela suppose qu’un jour le droit contemporain déclarera de façon rétroactive que la colonisation a été illégale. On peut le souhaiter, mais juridiquement, cela n’arrivera jamais, sinon cela remettrait en cause le système sur lequel s’est bâti les Nations Unies depuis 1945. Dans le même esprit, quand Emmanuel Macron déclare à Alger que la colonisation est un crime contre l’humanité, d’un point de vue moral on peut être d’accord avec lui, mais d’un point de vue juridique c’est sans effet. Il peut être séduisant qu’un candidat en campagne ait l’aplomb de proclamer cela, mais après son discours, Emmanuel Macron sait pertinemment que juridiquement ce n’est pas vrai. Il ne vient pas à Alger pour faire du droit, il s’y rend pour afficher des positions politiques, ce n’est pas pareil.

Il faut donc que l’on profite de la médiatisation qu’a apportée ce discours de 2017 au sujet des restitutions pour, enfin, mettre en œuvre un partenariat équitable, et tirer parti du nouvel élan qui souffle dans la société civile, et chez les jeunes conservateurs du patrimoine. Vincent Négri rapporte que lorsqu’il travaillait avec Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, il pensait naïvement que les forces politiques de gauche seraient favorables aux restitutions, contre les opinions des partis de droite. Cette vision est erronée. Les partisans ou les adversaires des restitutions se retrouvent dans les deux camps (ainsi qu’au centre). Les prises de position dans ce débat sont plus générationnelles que politiques. Vincent Négri rapporte que lorsqu’il donne cours à l’Institut national du patrimoine, pour les jeunes conservateurs, cette question des restitutions n’est plus un sujet de crispation.

Dans son article « Restituer le patrimoine culturel africain », Vincent Négri propose une représentation inédite de la figure de Dame Justice. Une allégorie nouvelle qui porterait les attributs de l’injustice légale et du droit supralégal pour illustrer le conflit suivant : comment mettre en question la validité juridique de normes qui produisent une injustice. Des actes ont été commis dans le passé en toute légalité, mais nous éprouvons aujourd’hui l’intensité du conflit qu’ils génèrent entre ce que nous ressentons moralement, comprenons intellectuellement, et savons juridiquement. Ce dilemme est bien illustré dans le texte célèbre de Gustav Rabruch écrit en 1946 à propos du positivisme juridique et de l’injustice évidente des lois arbitraires et criminelles du Troisième Reich.[28]

Voir le monde avec les yeux de l’Autre

Eloy du Mont dit Costentin, François 1er tenant les mains de Justice et Paix s’embrassant, Bibliothèque nationale de France, 1530-1531, manuscrits français 2237, fol.2r.

Il y aurait bien des sujets à évoquer ici encore, comme cet ensemble de « guidelines » rédigé à destination des musées, en Allemagne, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Angleterre ou Amérique.[29] Ce sera pour un article futur. Il faudrait évoquer aussi le monde bouillonnant des artistes et le lien, que l’exposition du Bénin a créé avec beaucoup de naturel, entre patrimoine et création contemporaine. On peut s’attrister aussi, c’est un cercle sans fin, que chaque nouvelle guerre, comme celle que nous observons aujourd’hui en Ukraine, rejoue les mêmes scènes de pillages de biens culturels.[30] Mais, malgré l’exemple tragique de l’Ukraine, chaque jour apporte une histoire nouvelle incroyable à propos des restitutions qui nous permet d’espérer. Selon la belle formule de Vincent Négri, les restitutions permettent de « voir le monde avec les yeux de l’Autre », j’espère qu’il en a été de même pour vous. À chaque rencontre, à chaque lecture, un souffle immense, un vortex, qui charrie une énergie trop longtemps contenue. Et qui, de fleuve en fleuve, avance et vient heurter les digues que nous avions dressées pendant un siècle. Entendez-vous ces craquements ? Oui ! Elles cèdent.

NOTES

[1] Sur le colloque de l’ICOM qui s’est tenu au Bénin, Togo et Ghana en 1991, voir : https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-necessaire-restitution-du-patrimoine-africain-volet-3/.

[2] Amadou Hampaté Bâ fut membre du Conseil exécutif de l’UNESCO de 1962 à 1970, il décrit ce processus d’acculturation dans ses mémoires, voir Amkoullel l’enfant peul, Arles, éd. Actes Sud, 1991, p. 382, cité par Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », in Clémentine Bories et alii (dir.), Les restitutions des collections muséales. Aspects politiques et juridiques, [Le Kremlin Bicêtre], Mare & Martin, 2021, p. 71-83.

[3] Voir la présentation officielle de l’exposition La Grandeza de México : https://www.youtube.com/watch?v=9gs0gN0pjnA&t=163s et la chronique de Emmanuelle Steels sur France culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-a-suivre/affaire-a-suivre-du-lundi-13-decembre-2021-5303041. La collaboration entre le Mexique et l’Italie est particulièrement positive, et le jour de l’inauguration, le président Andres Manuel Lopez Obrador a d’ailleurs octroyé la plus haute distinction du pays, l’Ordre mexicain de l’aigle Aztèque, à un carabinieri italien, Roberto Riccardi. Ce militaire, à la tête d’une brigade pour la « sauvegarde du patrimoine culturel », avait saisi plusieurs ensemble de biens culturels mexicains sur le point d’être vendus aux enchères en Italie. L’Italie est probablement le pays européen le plus touché par le pillage de son propre patrimoine.

[4] Sur le droit et la morale, voir le commentaire de Vincent Négri à la réponse du gouvernement français aux demandes de restitutions formulées par le gouvernement béninois en 2016 : « Voir le monde avec les yeux de l’Autre. Le rapport Sarr/Savoy sur la restitution du patrimoine africain », in Laurick Zerbini (dir.), L’objet africain dans les expositions et les musées missionnaires. Dépouiller, partager, restituer, Paris, Maisonneuve-Larose et Hémisphères, 2021, p. 565-581.

[5] Voir l’article de Olivier Savelli, « Art : on a frôlé le ‘vrai’ casse du siècle ! », Le Monde du droit,  1 juillet 2010  : https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/779-art-on-a-frole-le-qvraiq-casse-du-siecle.html.

[6] Sur la législation concernant la loi américaine sur le rapatriement du patrimoine amérindien, voir l’article de C. Timothy McKeown, « Considering Repatriation Legislation as an Option: The National Museum of the American Indian Act (NMAIA) & The Native American Graves Protection and Repatriation Act (NAGPRA) », in Utimut: Past Heritage – Future Partnerships, Discussions on Repatriation in the 21st Century, ed. Mille Gabriel and Jens Dahl, Copenhagen, Work Group for Indigenous Affairs & the Greenland National of Museum and Archives, 2007, p. 134-147.

[7] Voir la série d’émissions sur les restitutions réalisées en 2018 pour l’émission La Fabrique de l’histoire, dont le quatrième épisode est consacré aux sagas : « Les sagas d’Islande : histoire d’une restitution post-coloniale réussie » sur France culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-objets-de-la-discorde-comment-restituer-les-tresors-culturels-spolies. Le premier épisode est consacré à l’Afrique, le second aux marbres du Parthénon, le troisième aux restes humains.

[8] Sur le retour des objets groenlandais, et sur la problématique générale des restitutions, on consultera l’excellent volume Utimut: Past Heritage – Future Partnerships, Discussions on Repatriation in the 21st Century, ed. Mille Gabriel and Jens Dahl, op. cit., consultable ici: https://www.iwgia.org/en/resources/publications/305-books/2567-utimut-past-heritage-future-partnerships.html.

[9] Voir l’article, « Successful Repatriation: The Utimut Process in Denmark & Greenland. Workable Model of Restitution Continues to Benefit Communities » sur le site américain, très utile pour notre problématique, Cultural Property News : https://culturalpropertynews.org/successful-repatriation-the-utimut-process-in-denmark-greenland/#_ftn1. La conférence Utimut était organisée par l’IWGIA (International Work Group for Indigenous Affairs), une organisation située à Copenhague, et le Musée national et les Archives du Groenland. 

[10] Sur l’idée d’un partenariat entre le British Museum et le Musée de l’Acropole, voir l’article du 31 juillet 2022 du Guardian, « British Museum calls for ‘Parthenon partnership’ with Greece over marbles » : https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/jul/31/british-museum-calls-for-parthenon-partnership-greece-marbles. Pour la lettre  de David Simmonds, voir le 1er juin 2022: « It is dishonourable for the British Museum to keep the Parthenon marbles” : https://www.theguardian.com/artanddesign/2022/jun/01/it-is-dishonourable-for-the-british-museum-to-keep-the-parthenon-marbles.

[11] Peu de temps après la visite du libraire chez le conservateur du British Museum, les musées de Glasgow ont décidé de restituer un costume de Ghost dance à la communauté sioux, à la suite de quoi la poétesse britannique Anna Crowe écrivit ce poème : We still believe some form of words, / or ritual will come between / us and another’s anger. Not seeing / that our invisibility’s what’s required. (« Nous croyons encore qu’une forme de mots, / ou de rituel s’interposera entre / nous et la colère d’autrui. Sans voir / que c’est notre invisibilité qui est requise. »)

[12] Le guide « The Unfiltered History Tour » a été créé par le groupe média Vice World News, en collaboration avec Dentsu Creative. Vous pouvez effectuer cette visite virtuelle dans les salles du musée ou depuis chez vous, il est consultable ici : https://theunfilteredhistorytour.com/. Voir la présentation du projet : https://www.youtube.com/watch?v=138kSdE63-Y&t=65s.

[13] Sur la campagne menée par Sylvie Ndjoboti sur les réseaux sociaux pour récupérer la statue Ngonnso, voir l’article de Amindeh Blaise Atabong, « Germany to return looted goddess statue to Cameroon’s Nso people », Quartz Africa, 20 juillet 2022 : https://qz.com/africa/2186423/bringbackngonnso-returned-a-looted-statue-of-a-cameroonian-goddess/.

[14] Sur le masque rendu par la fille d’André Breton, voir l’article d’Harry Bellet, « Le masque d’André Breton rendu aux Kwakwaka’wakws », Le Monde, 27 septembre 2003, et sur la collection d’André Breton, voir l’article de Gérard Toffin, « André Breton, précurseur du musée du quai Branly », Les Temps Modernes, Numéro 686 (2015/5), p. 174-197.

[15] Les objets restitués par la famille du collectionneur de Barcelone au Mexique sont exposés depuis la fin juillet dernier au musée du Templo mayor, en plein centre historique de Mexico, sous la tutelle de l’Institut national d’Anthropologie et d’histoire (INAH), le bras armé de la politique de sauvegarde du patrimoine.

[16] Voir le billet de Jean-Yves Marin dans la Tribune de Genève du 11 mars dernier : « Le retour d’une collection d’art ».

[17] Sur le discours d’Emmanuel Macron, voir une analyse détaillée de celui-ci dans l’article de Vincent Négri, « Voir le monde avec les yeux de l’Autre. Le rapport Sarr/Savoy sur la restitution du patrimoine africain », in Laurick Zerbini (dir.), L’objet africain dans les expositions et les musées missionnaires. Dépouiller, partager, restituer, Paris, Maisonneuve-Larose et Hémisphères, 2021, p. 565-581.

[18] Sur la situation des musées au Congo Brazzaville, voir l’article de Jean-Baptiste Mondze, « Congo-Brazzaville: le patrimoine monte en gamme grâce à de nouveaux musées », Jeune Afrique, 10 septembre 2019.

[19] En 2008, Jacques Rigaud a remis un rapport à la ministre de la culture Christine Albanel sur « l’inaliénabilité des collections publiques en France », dans lequel il réaffirma la nécessité de l’inaliénabilité des œuvres, même s’il émettait la possibilité d’une déclassification d’une partie des collections récentes acquises par les FNAC et les FRAC.

[20] Voir la loi n° 2002-323 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l’Afrique du Sud, Journal Officiel, 7 mars 2002 et la loi n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, Journal Officiel, 19 mai 2010.

[21] Voir la loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, Journal Officiel, 26 décembre 2020.

[22] Les réflexions et recommandations juridiques du rapport ont été mûries notamment dans le cadre d’un atelier juridique tenu le 26 juin 2018 au Collège de France, coordonné par Isabelle Maréchal et Vincent Négri. Voir dans le rapport Sarr-Savoy, les pages 61 à 69. Voir aussi l’article de Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », art. cit.

[23] On trouvera l’examen en commission de la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, le 15 décembre 2021, à l’adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l21-302/l21-3025.html. Le lundi 10 janvier 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi présentée par Catherine Morin-Desailly, Max Brisson, Pierre Ouzoulias et plusieurs de leurs collègues (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication). Voir les étapes de la discussion et les éléments clés, ici : www.senat.fr/espace_presse/actualites/202112/circulation_et_retour_des_biens_culturels_appartenant_aux_collections_publiques.html.

[24] Sur la mise en examen de Jean-Luc Martinez, voir l’article de Roxana Azimi, « Jean-Luc Martinez, ancien patron du Louvre, mis en examen dans une affaire de trafic d’antiquités », Le Monde, 25 mai 2022.

[25] Le président Emmanuel Macron a signalé dans sa conférence de presse avec Patrice Talon au Bénin le 27 juillet 2022 qu’il avait réceptionné le rapport de M. Martinez sur la loi cadre. Celui-ci n’a pas encore été rendu public.

[26] Pour le discours du Président Mobutu Sese Seko à l’ONU en 1973, voir : https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-2-le-temps-des-conventions/.

[27] Le texte des résolutions de l’UNESCO en faveur du retour et de la restitution de biens culturels est consultable ici : https://fr.unesco.org/fighttrafficking/legaltexts. Pour le commentaire de la résolution 3187 sollicitée par le président Mobutu Sese Seko « qui produit sa propre impasse », voir l’article de Vincent Négri, « Restituer le patrimoine culturel africain aux peuples africains : apories d’un débat juridique », art. cit., principalement le chapitre « S’égarer dans le droit international de la responsabilité ».

[28] Gustav Radbruch, « Gesetzliches Unrecht und übergesetzliches Recht », Süddeutsche Juristenzeitung, 1 (1946), p. 105-108, traduit en français par Michael Walz, « Injustice légale et droit supralégal », Archives de philosophie du droit, t. 39, 1994, p. 309-318.

[29] Plusieurs pays ont publié des directives à l’attention des musées qui conservent des collections issues de contextes coloniaux. L’Association des musées allemands (Deutscher Museums Bund) est déjà à la 3e réédition de son guide en 2021 (première édition en 2018), voir son Guide relatif au traitement des biens de collections issus de contextes coloniaux, consultable, ici : https://www.museumsbund.de/publikationen/guide-consacr-aux-collections-musales-issues-de-contextes-coloniaux/. Un groupe informel d’experts issus des mondes académique, professionnel ou associatif en Belgique a publié en juin 2021 les Principes éthiques pour la gestion et la restitution des collections coloniales en Belgique : https://restitutionbelgium.be/fr/rapport ; l’Association des musées suisses à publier cette année une brochure sur les Recherches de provenance dans les musées II. Collections liées aux contextes coloniaux. Notions de base et introduction à la pratique : https://www.museums.ch/fr/publications/standards/recherche-de-provenance-collection-coloniale.html. En décembre 2021, l’ICOM a publié son Guidance for Restitution and Return of items from university museums and collections: http://umac.icom.museum/wp-content/uploads/2022/03/UMAC-Guidance-Restitution-2022.pdf. Ce document est le résultat du projet UMAC-ER : The Ethics of Restitution and Repatriation (2020-2021) soutenu par l’ICOM et impliquant des partenaires tels que le Committee for Professional Ethics de l’ICOM (ETHCOM). Dernier en date en Angleterre, il y a dix jours le 5 août 2022, l’Arts Council England (un organisme financé par le gouvernement, et rattaché au Department for Digital, Culture, Media and Sport) vient de publier Restitution and Repatriation: A Practical Guide for Museums in England : https://www.artscouncil.org.uk/publication/restitution-and-repatriation-practical-guide-museums-england ; ce guide a été élaboré par l’Institute of Art and Law. Certains musées, au rayonnement national et international, ont adopté une politique sur les retours éthiques. Le Nationaal Museum van Wereldculturen (Musée national des cultures du monde) aux Pays-Bas, a été l’un des premiers musées d’Europe à mettre en place des mécanismes de restitution des objets issus des anciennes colonies. En 2016, la publication Treasures in Trusted Hands (« Des trésors bien gardés »), de la thèse de doctorat du chercheur Jos van Beurden a relancé le débat néerlandais sur les objets datant de l’époque coloniale. Des directives ont été adoptées en 2019 et publiées dans un document intitulé Principles and Process for addressing claims for the Return of Cultural Objects: https://www.tropenmuseum.nl/en/about-tropenmuseum/return-cultural-objects-principles-and-process#. La Smithsonian Institution à Washington , le plus grand complexe de musées, d’éducation et de recherche au monde, qui chapeaute 21 musées et le National Zoo, a adopté en mai 2022 sa Policy on Ethical Returns :https://www.si.edu/newsdesk/releases/smithsonian-adopts-policy-ethical-returns.

[30] Sur les pillages de biens culturels en Ukraine dès le début de la guerre, voir l’article de Pjotr Sauer, « Ukraine accuses Russian forces of seizing 2,000 artworks in Mariupol », The Guardian, 29 avril 2022 : https://www.theguardian.com/world/2022/apr/29/ukraine-accuses-russian-forces-of-seizing-2000-artworks-in-mariupol et le l’article de Brian I. Daniels sur le site Just security : https://www.justsecurity.org/81212/how-can-we-protect-cultural-heritage-in-ukraine-five-key-steps-for-the-intl-community/.

LES AUTRES VOLETS DE NOTRE SERIE

Épisode 1 : Un nouvel or noir (6 juillet 2022)

https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-i-le-nouvel-or-noir/?fbclid=IwAR3qD8JyOH5S6sqi4iL0ymZjEwA9om8ImpnuZirPutd4bH_-HE2IUVhQy4k

Épisode 2 : Le temps des conventions (8 juillet 2022)

https://mondafrique.com/la-restitution-des-oeuvres-a-lafrique-volet-2-le-temps-des-conventions/

Épisode 3 : Pour qui sont pensés les musées en Occident ? (17 juillet 2022)

https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-necessaire-restitution-du-patrimoine-africain-volet-3/

Épisode 4 : Le Bénin expose les œuvres restituées par la France (27 juillet 2022)

https://mondafrique.com/serie-patrimoine-africain-la-restitution-du-dieu-gou-au-coeur-du-voyage-demmanuel-macron/

Épisode 5 : Vers la coresponsabilité ! (8 août 2022)

https://mondafrique.com/notre-serie-sur-la-restitution-des-biens-culturels-a-lafrique-volet-5/

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Une chape pénale anti-gay tombe sur l’Afrique https://mondafrique.com/societe/une-chape-penale-anti-gay-tombe-sur-lafrique/ Tue, 09 Jul 2024 06:41:45 +0000 https://mondafrique.com/?p=87256 Le Parlement ougandais a voté une loi qui punit de prison toute personne s’identifiant comme gay, lesbienne, transgenre ou non binaire. À l’image de ce qui se passe dans l’ensemble de l’Afrique Cette chape de plomb anti-gay qui tombe sur Afrique a vraisemblablement une dimension anti-occidentale qui ne doit pas être sous estimée. Voici la […]

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Le Parlement ougandais a voté une loi qui punit de prison toute personne s’identifiant comme gay, lesbienne, transgenre ou non binaire. À l’image de ce qui se passe dans l’ensemble de l’Afrique

Cette chape de plomb anti-gay qui tombe sur Afrique a vraisemblablement une dimension anti-occidentale qui ne doit pas être sous estimée.

Voici la liste des pays d’Afrique qui criminalisent l’homosexualité

  • Algérie, deux mois à deux ans d’emprisonnement, 500 à 2 000 dinars d’amende
  • Burundi, trois mois à deux d’emprisonnement 50 000 à 10 000 francs d’amende
  • Cameroun, six mois à cinq ans d’emprisonnement, de 20 000 à 200 000 francs d’amende
  • Tchad, trois à deux ans d’emprisonnement, 50 000 à 500 000 francs d’amende
  • Comores, un à cinq ans d’emprisonnement, 50 000 à 500 000 francs d’amende
  • Erythrée, dix jours à trois ans d’emprisonnement
  • Ethiopie, dix jours à trois ans d’emprisonnement, avec extension possible à cinq ans
  • Gambie, quatorze ans d’emprisonnement
  • Ghana, de cinq à vingt cinq ans d’emprisonnement en cas de viol, jusqu’à trois ans en cas de relations homosexuelles consenties
  • Guinée, de six mois à trois ans d’emprisonnement
  • Kenya, jusqu’à 14 ans d’emprisonnement, 21 ans en cas de viol
  • Lesotho, l’homosexualité n’est pas un délit, mais la sodomie oui
  • Libéria, jusqu’à un an d’emprisonnement
  • Lybie, jusqu’à cinq ans d’emprisonnement
  • Malawi, jusqu’à quatorze ans d’emprisonnement avec possibilité de punitions corporelles
  • Mauritanie, peine de mort par lapidation
  • Maurice la sodomie est punie de cinq ans d’emprisonnement au maximum
  • Maroc, de six mois à trois ans d’emprisonnement et de 120 à 1000 dirhams d’amende
  • Namibie, la sodomie est considérée comme un délit pénal
  • Nigeria, jusqu’à quatorze ans d’emprisonnement
  • Senégal, de un à cinq ans d’emprisonnement, de 100 000 à 1.5 million de francs
  • Sierra Leone, prison à vie
  • Somalie, de trois mois à trois ans de prison
  • Sud Soudan, jusqu’à dix ans d’emprisonnement
  • Soudan, cent coups de fouet et cinq ans d’emprisonnement, peine de mort à la troisième condamnation
  • Swaziland, la sodomie est considérée comme un délit de droit commun
  • Tanzanie, prison à vie
  • Togo, d’un à trois ans d’emprisonnement, de 100 000 à 500 000 francs d’amende
  • Tunisie, trois ans d’emprisonnement
  • Ouganda, (voir article)
  • Zambie, de 15 ans d’emprisonnement à la prison à vie, vingt cinq ans minimum sur la sodomie est commise sur un enfant
  • Zimbabwe, jusqu’à un an de prison
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« Guerre froide en Afrique » (5/5), l’OPA soviétique sur la formation des élites https://mondafrique.com/international/guerre-froide-en-afrique-4-6-lopa-sovietique-sur-la-formation-des-elites/ Mon, 08 Jul 2024 22:22:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=54030 Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui Olivier Toscer  Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université […]

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Au-delà des conflits armés qui ont ensanglantés le continent pendant trente ans, les Deux Grands ont tout fait pour gagner la bataille des cœurs et des esprits en investissant dans la formations des élites africaines. Une histoire méconnue qui résonne encore aujourd’hui

Olivier Toscer

Des étudiants africains à Moscou. » Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes », assurait Nikita Khrouchtchev

 Février 1960 à Moscou. Nikita Khrouchtchev annonce l’ouverture prochaine de l’Université de l’Amitié des Peuples. L’établissement est destiné à procurer à des étudiants venus de ce que l’on appelle alors le Tiers-Monde, un enseignement supérieur de haut niveau.L’initiative passe alors plutôt inaperçue, même au sein des services de renseignements occidentaux, en regard d’autres affaires majeures de la guerre froide cette année-là comme le sommet avorté de Paris entre Khrouchtchev et Eisenhower (mai), la crise congolaise (juillet à décembre) ou le départ des conseillers soviétiques de Chine (août).

L’Université de l’Amitié lance pourtant un nouveau mode de lutte d’influence idéologique, une autre guerre froide, non-dite celle-là. Une bataille sans armes nucléaires, ni affrontements militaires mais visant pourtant le même objectif : assurer la suprématie de bloc de l’Est dans ces pays que l’on appelle alors « sous-développés » et particulièrement en Afrique

Le pragmatisme avant l’idéologie

L’URSS étudie avec appétit, depuis plusieurs années, le processus de décolonisation en vue d’étendre son influence.La patrie de Lénine a certes déjà envoyé une poignée de conseillers militaires au Ghana, en Guinée et au Congo notamment. Mais elle prend soin de ne pas déclencher un conflit armé. Elle vient ainsi de décliner les appels du pied du Premier ministre congolais Patrice Lumumba pour s’engager militairement dans la guerre civile en cours dans l’ex-colonie belge.

Dans le Tiers-Monde, Moscou préfère le pragmatisme et l’opportunisme à la rigueur idéologique. « Nous ne serons pas affligés, si vous ne devenez pas communistes, assure même Nikita Khrouchtchev dans une adresse aux étudiants, lors de l’inauguration de l’Université de l’Amitié des Peuples. Mais vous resterez toujours des gens honnêtes, si, en acquérant le savoir, vous consacrez votre vie au service fidèle de votre peuple, et non au sac d’argent, à la pièce d’or ».

L’offensive de charme soviétique est instantanément couronnée de succès : avant même son ouverture, l’établissement reçoit près de 2 000 candidatures pour 500 places disponibles. Il faut dire que l’aide concrète apportée à chaque étudiant sélectionné est appréciable: une allocation mensuelle, un logement en foyer universitaire, et surtout un encadrement pédagogique impressionnant – environ 800 enseignants pour 4 000 étudiants. Les étudiants africains sont traités comme des princes : ils reçoivent de 80 à 150 roubles par mois (contre 50 à 70 pour les boursiers soviétiques, et 100 pour le salaire moyen en Russie).

Dès mars 1961, l’Université prendra le nom de Patrice Lumumba, ex-Premier ministre du Congo assassiné dans la guerre civile qui ravage encore l’ancienne colonie belge. Une récupération qui vise à montrer la solidarité de l’URSS avec les peuples libérés du système colonial, à séduire.

« Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique? », lance John Kennedy à un auditoire étudiant peu avant son élection

Naissance du « Peace Corps »

Le 14 octobre 1960, à 2 heures du matin, juste après son premier débat télévisé avec Nixon dans le cadre de l’élection présidentielle, à l’Université de Ann Arbor, John F. Kennedy met au défi les 10 000 étudiants restés pour l’accueillir : « Combien d’entre vous êtes prêts à passer dix ans de vos vies en Afrique, en Amérique latine ou en Asie pour les États-Unis et pour la liberté ? ».

Quelque jours plus tard, le futur président des Etats-Unis théorise la notion de Peace Corps lors d’un discours où il s’en prend à l’administration Eisenhower, incapable, selon lui, de mener la guerre froide avec suffisamment de vigueur. Il faut faire mieux en envoyant des Américains à l’étranger, motivés pour défendre la liberté et « triompher des efforts des missionnaires de M. Khrouchtchev ».

le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961

Enfanté par la guerre froide, le Peace Corps voit le jour le 1er mars 1961. Dès la fin de l’année quelque 400 jeunes coopérants sont déjà en poste notamment au Ghana et au Nigeria où ils donnent des cours d’anglais, de mécanique ou de médecine, triment dans les champs ou aident dans les ministères.

Le nombre de ses volontaires atteindra 15 000 en 1966 dont 40 % en Afrique noire. Les corpsmen  se vivent comme les vigies avancées de la société américaine dans les pays du Sud. Ils sont censés aider les jeunes nations bien sûr mais également combattre l’image de « l’Ugly American », la réputation de yankee prétentieux qui colle à la peau des Américains à ce moment-là dans le monde. « Ils sont exactement le calibre d’hommes et de femmes qui devraient être encouragés à poursuivre leur carrière au sein de l’administration fédérale », écrit, avec enthousiasme le président Lyndon Johnson en mai 1964[1].

Si l’objectif solennel confié par le Congrès américain au Peace Corps est bien de «promouvoir la paix et l’amitié dans le monde », la mention par une brochure de l’Académie des sciences de l’URSS de cette « organisation anticommuniste au service du capital monopolistique » montre que les Soviétiques y voient un concurrent sérieux.

Un étudiant sur quatre pro soviétique

Au début de son offensive de charme, l’URSS semble bien placé pour emporter la bataille des cœurs et des esprits. En 1962, selon une étude du sociologue sénégalais Jean-Pierre N’Diaye, réalisée auprès de la jeunesse estudiantine africaine en France, 25 % d’entre eux admirent l’URSS contre seulement 8 % la France et 3 % les Etats-Unis. Mais la susceptibilité des jeunes Etats africains, jaloux de leur souveraineté dans leur propre pays, ralenti la pénétration du bloc communiste sur le territoire africain.

Exemple à l’Institut Polytechnique de Conakry où dès la première année scolaire, deux professeurs soviétiques sont destitués après le premier semestre sur ordrede l’inspecteur général de l’enseignement Louis Béhanzin, à causede leur mauvaise connaissance du français. « Quand les professeurs américains arrivent, explique-t-il aux autorités soviétiques, ils n’ont pas de difficultés avec la langue française. La différence dans la connaissance du français entre les enseignants soviétiques et américains a une importance politique non seulement pour la Guinée mais aussi pour tous les pays africains »[2]

 Les boursiers africains accueillis à l’université Patrice-Lumumba ne sont pas non plus tous très contents de leur vie à Moscou. En décembre 1963, entre 500 et 700 d’entre eux manifestent même sur la Place Rouge contre le racisme qu’ils subissent en URSS, après qu’un de leur camarades ait été retrouvé mort au bord d’une bretelle d’autoroute. Et certains se plaignent, dès leur retour chez eux, de la qualité des diplômes soviétiques toujours sous-évalués par les autorités locales par rapport à ceux de camarades ayant fait leurs études à Paris ou à Londres.

Inquiétudes de Jacques Foccart

Le directeur de la CIA se plaint de l’interdiction de placer ses hommes dans le Peace Corps

Côté Etats-Unis, l’influence des Peace Corps américains reste également limitée par la légende urbaine qu’ils seraient des agents de la CIA sous couverture. Même leurs alliés se méfient de « ces volontaires auxquels les Américains donnent une formation très idéologique », comme l’écrit dans ses carnets Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » du Général De Gaulle. « Ils ne font pas autre chose que du renseignement ou de la propagande »[3]. Une chimère en réalité : des notes récemment déclassifiés aux Etats-Unis montrent qu’une règle en vigueur dès le départ disqualifiait automatiquement les candidats qui voulaient s’enrôler dans les Peace Corps, s’ils avaient eu auparavant une carrière dans un service de renseignement. Et même la CIA se plaignait d’une telle interdiction ! « Je pense que cette interdiction porte un terrible désaveu envers les hommes et les femmes honorables qui servent leur nation en travaillant à la CIA »[4], fulminera William Casey, le maitre-espion américain au début des années 80.

De toute façon, au tournant des années 60-70, les Américains embourbés au Vietnam, se désintéressent de plus en plus de la coopération avec l’Afrique, se contentant de livrer des armes et de soutenir politiquement les régimes qui leur sont déjà acquis (Zaïre et Afrique du Sud notamment). Ils ne réagissent même pas quand l’Ethiopie de Hailé Selassié bascule dans la dictature militaire communiste en 1974 et que le Peace Corps doit plier bagage.

A partir du début des années 70, l’URSS va également concentrer ses efforts sur le continent noir dans le seul domaine militaire et déléguer la coopération éducative aux autres pays de l’Est. L’Allemagne de l’Est par exemple devient à partir de 1973, le principal « coopérant » civil du bloc de l’Est en Afrique. Les « chemises bleues », les jeunesses communistes est-allemandes sont envoyés dans les champs et dans les usines notamment au Congo, Angola, Mozambique. Surtout, les Allemands de l’Est excellent dans la formation à la propagande, notamment avec ADN, l’agence de presse nationale chargée de former les journalistes africains issus des pays frères en Afrique.

Au final, le bloc de l’Est a-t-il réellement été capable de produire des élites «rouges», guidées par l’idéologie communiste et soucieuses de mettre en place une administration et une bureaucratie de type socialiste en Afrique ?

Certains anciens élèves du bloc soviétiques ont effectivement accédé au plus haut niveau dans leurs pays alors d’orientation marxiste : José Eduardo dos Santos, président de l’Angola à partir de 1979, a étudié en URSS de 1963 à 1969 ; il était le principal dirigeant des étudiants angolais en URSS et a obtenu à Bakou un diplôme d’ingénieur du pétrole et des télécommunications. Fikre-Selassié Wogderess, Premier ministre éthiopien de 1985 à 1987, a étudié à l’Institut de sciences sociales à Moscou en 1975. Alemu Abebe, ministre de l’Agriculture en Éthiopie a fait des études de médecine vétérinaire à Moscou. Au Mali, plusieurs présidents ont été formés derrière le rideau de fer, parmi lesquels Alpha Oumar Konaré (1971-1975 : Institut d’Histoire, Université de Varsovie, Amadou Toumani Touré (1974-1975 : École supérieure des troupes aéroportées à Riazan en URSS), Dioncounda Traoré (1962-1965 : Faculté de langue russe à Moscou et Faculté de mécanique et mathématiques de l’Université d’État de Moscou).

Dans le domaine culturel, la formation aux différents métiers du ciném(opérateurs, scénaristes, réalisateurs, critiques de cinéma, éclairagistes, etc.), retient également l’attention puisque le cinéma joue un rôle essentiel dans la conquête des coeurs et des esprits. Parmi les cinéastes, le Sénégalais Sembene Ousmane, le Malien Souleymane Cissé, ou encore le Mauritanien Abderrahmane Sissako (Timbuktu), pour n’en citer que quelques-uns, ont fait leurs classes en Union soviétique, pour la plupart à l’Institut du cinéma de Moscou (VGIK). La célèbre «école soviétique du cinéma » a joué et joue encore un rôle majeur dans leur manière de représenter leur société.

Des milliers de cadres 

Mais l’essentiel de l’héritage soviétique en Afrique ce sont surtout des milliers d’ingénieurs, agronomes, médecins, pharmaciens, cadres de l’administration et du secteur privé, techniciens, enseignants d’université ou du secondaire. Ils ont contribués et contribuent encore à la construction des Etats africains.

Dans quelques rares pays, ils ont même été dominants dans l’élite administrative. A la fin des années 80 par exemple, les Ethiopiens formés en URSS représentait 30 % des postes de cadres du ministère des Affaires Etrangères et près de la moitié des cadres des ministères économiques et des entreprises publiques.

Indirectement, l’engagement soviétique dans l’éducation a incité les Etats-Unis et leurs alliés à suivre le mouvement et renforcer leur coopération avec les pays africains. La moitié des coopérants français, les volontaires du service national, ces « soldats sans uniformes » déployés à partir de 1962 en Afrique étaient par exemple des instituteurs.Pour l’historien français Constantin Kaztsakioris, « l’aide soviétique dans l’éducation a été d’une grande importance aussi bien pour le développement des pays africains que pour plusieurs générations de jeunes africains. Ses effets ont été majeurs ».

Aujourd’hui, les Africains retournés dans leur pays travaillent de plus en plus dans des compagnies russes ou comme intermédiaires entre les hommes d’affaires russophones de l’ancienne URSS et les milieux commerciaux et sociaux et l’appareil d’État de leur pays, par exemple dans les grandes compagnies d’extraction de ressources en énergie telles que RusAl en Guinée.

Ils sont un atout dans le grand retour de la Russie en Afrique qui s’est fait jour ces dernières années.

[1] Memorandum à tous les chefs de départements exécutifs et des agences fédérales du 16 mai 1964

[2] Compte rendu d’une conversation avec l’expert principal de l’Unesco en Guinée, le 10 décembre 1962, Archives d’Etat de la Fédération de Russie.

[3] Extrait des mémoires de Jacques Foccart, Journal de l’Elysée, tome IV, Fayard, 2000.

[4] Lettre du directeur de la CIA au directeur du Peace Corps, le 2 novembre 1983

Guerre froide en Afrique (4/5), la CIA en Angola en 1975

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