Congo-Brazzaville, une jeunesse « assise sur un monde en ruines »

Pour Gaylord Fortune Pouabou , très populaire activiste politique et co-fondateur du collectif « #Sassoufit » dans la diaspora congolaise en France, la jeunesse congolaise est sans avenir.

 Une chronique de Bedel Baouna 

On connaissait On le découvre auteur, voire même essayiste. Son premier livre, dont le titre est une phrase d’Alfred de Musset, « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse », paru aux Editions Renaissance Africaine que dirige Elvez Ngaba, est en effet un récit aux accents d’Essai. A deux mois de l’élection présidentielle qui verra s’affronter (ou s’amuser) les mêmes acteurs sur la même scène de ménages avec le même metteur en scène, tous plus ou moins octogénaires, ce livre préfacé par le philosophe et ancien ministre Charles Zacharie Bowao, tombe à point nommé.  

Le jugement est péremptoire. A juste titre d’ailleurs. « La jeunesse congolaise ne s’est jamais trouvée à la lisière de l’ébullition. Elle est apathique, un mollusque, alors que tout, mais vraiment tout, concourt à l’ébullition. Elle est quasiment absente de tous les domaines de l’existence : identité, logement, travail, mobilité, politique, culture, santé… Elle est exposée à des dangers qui devraient la pousser à sortir de sa torpeur : le chômage chronique, l’analphabétisme, les maladies endémiques, les infections par les IST et le VIH, le manque de formation, l’illettrisme », écrit Gaylord Fortune Pouabou à la page 68. Un constat d’autant plus implacable que la mode est aux forums, colloques et réunions sur le « Congo de demain » et non sur le Congo d’aujourd’hui, organisés par les jeunes. Et l’auteur de les qualifier « d’archaïques et d’imposteurs », ces jeunes congolais qui préfèrent « demain à aujourd’hui, pensant que leur attitude « les exonère de mettre les mots sur les maux d’aujourd’hui. Oh ! Comme dirait Tchekhov dans Le Conseiller privé : « Que Dieu vous garde de sacrifier le présent à l’avenir ! Le présent, c’est la jeunesse, la santé, la fougue. Et l’avenir est un leurre, une fumée. Dès vingt ans, commencez à vivre. » 

Gaylord Fortune Pouabou revient sur l’affaire Merveille Banzonzila, du nom de cette jeune fille qui a succombé aux coups de la police pour non-port de masque,

Dans ce livre bien documenté, l’auteur reconnait néanmoins qu’il existe au Congo des structures d’encadrement et d’écoute des jeunes, mises en place par le gouvernement. Mais c’est pour mieux les contrôler, empêcher cette force endormie de se réveiller ou de se révolter, que ces abstractions existent. Dans cette perspective, monte souvent en première ligne la ministre de la Jeunesse pour les mettre en garde. Sa seule stratégie consiste à leur offrir des cadeaux, à condition d’encenser le Chef de l’Etat. En revanche, donner aux jeunes les moyens de s’épanouir, semble être un travail d’Hercule.  

L’une des conséquences est que la jeunesse congolaise n’existe pas. Pour illustrer son propos, Gaylord Fortune Pouabou revient sur l’affaire Merveille Banzonzila, du nom de cette jeune fille qui a succombé aux coups de la police pour non-port de masque, fin septembre à Nkayi dans le département de la Bouénza. Certes quelques jeunes ont tenté de manifester en brûlant le principal marché de la ville ! Mais ça s’est arrêté là. A contrario, la jeunesse nigériane est descendue dans la rue pour une affaire similaire, jusqu’à obtenir la dissolution d’une brigade spéciale de répression (SARS), spécialisée dans la lutte contre les crimes (vols, assassinats, parfois kidnappings…), accusée d’extorsions, d’arrestations illégales, de tortures et même de meurtres. Cette manifestation s’est muée en revendications contre la mauvaise gouvernance. La jeunesse angolaise a elle-aussi protesté des jours durant contre le chômage chronique auquel elle est confrontée. Pourquoi la jeunesse congolaise reste-t-elle les bras croisés ? 

Comment comprendre que ce soit à Cuba, au Sénégal, au Maroc ou en Russie, les étudiants congolais pleurent sur les réseaux sociaux, pour obtenir ne serait-ce qu’un mois de leurs arriérés de bourse ? 

C’est vrai que la parole de l’intellectuel lui fait défaut, la majorité préservant leurs avantages ! Mais, insiste l’auteur du livre « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse », elle doit se prendre en main, parce que personne ne le fera à sa place. Il invite cette jeunesse à se frayer un chemin entre « le cynisme des uns et le désespoir des autres ». Et, surtout, à revendiquer ses droits. Pourquoi ne pas s’exprimer lors de la prochaine élection présidentielle ? 

L’avenir de cette jeunesse est sombre. C’est même un fardeau, aux yeux des pouvoirs publics. Sinon comment comprendre que ce soit à Cuba, au Sénégal, au Maroc ou en Russie, les étudiants congolais pleurent sur les réseaux sociaux, pour obtenir ne serait-ce qu’un mois de leurs arriérés de bourse ? Se demande, dépité, Gaylord Pouabou.  

Son livre apparaît donc comme un message d’éveil à la jeunesse congolaise à laquelle il appartient, même s’il vit en France. C’est à la fois un cri de désespoir mais aussi de colère. Evidemment, il a d’abord procédé par le récit avant que l’Essai ne prenne le relai.  « Et finalement, peu importe que l’étiquette « récit » ne colle pas parfaitement au livre… J’ai parlé de la jeunesse congolaise à la lueur de mon long et sinueux parcours », conclut-il. 

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