Tunisie, les dérives xénophobes du président Kaïs Saïed

Kaïs Saïed, le Président Tunisien, n’a pas hésité à parler, lors d’une réunion du conseil national, « de horde de migrants clandestins » relevant d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée du siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». De tels arguments font rougir les partisans de la « théorie du grand remplacement » cher à son concepteur Renaud Camus et reprise par Éric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle en France.

Le port de Zarzis en Tunisie, passage obligé de l’émigration

Après « l’ennemi intérieur »  accusé par Kaïs Saïed d’avoir préparé une tentative d’assassinat contre sa personne (voir l’article ci dessous), voici l’ennemi extérieur mis en cause au plus haut niveau! Le président Tunisien dont on devinait, ces dernières semaines, l’hostilité radicale aux influences étrangères, voit désormais dans l’arrivée de migrants subsahariens « une entreprise criminelle qui n’a de but que de transformer la Tunisie en un pays africain et de modifier son caractère arabo musulman ». Kaïs Saïed ds’en prend aux « hordes de migrants clandestinssource de « violences, de crimes et d’actes inacceptables » et insistant sur «la nécessité de mettre rapidement fin »  Et de s’en prendre à « l’émigration subsaharienne » un bouc émissaire de l’échec de la gestion des affaires du pays..

Ce mardi, la présidence tunisienne avait informé la presse de la tenue du conseil de sécurité national en annonçant que la réunion était « consacrée aux mesures urgentes qui doivent être prises pour faire face à l’arrivée en Tunisie d’un grand nombre de migrants clandestins en provenance d’Afrique subsaharienne », selon un communiqué de la présidence.Faute de faire appel à la classe politique dont certains représentants ont été mis en examen et interpellés,  le président tunisien s’est adressé aux autorités lui demandant d’agir « à tous les niveaux, diplomatiques sécuritaires et militaires » pour faire face à cette immigration et à « une application stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ». 

Les médias tunisiens mobilisés 

La presse tunisienne a fait de la question de « l’émigration subsaharienne » un débat depuis des mois. Les réseaux sociaux ont pris le relais sur la toile en distillant les mots les plus haineux en désignant les « migrants africains » comme la source de tous les maux.

Il n’existe pas de statistiques formelles chiffrant le nombre de migrants présents sur le sol tunisien.Les chiffres connus évoquent 22000 ressortissants subsahariens sur une population de 12 millions de tunisiens, ce qui représente 0.2 % au total. Parmi eux, des étudiants inscrits dans les universités tunisiennes. Selon des chiffres officiels italiens, plus de 32.000 migrants, dont 18.000 Tunisiens, sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie en 2022. 

Certains médias jettent de l’huile sur le feu en annonçant des chiffres difficiles à vérifier.  Dans un éditorial d’ »Univers News » daté du 13 février 2023, Mustapha Machat écrit : « Certains vont, surement nous taxer de racistes… certes, et loin de nous toute idée ségrégationniste, parce que la Tunisie a été, de tous temps, une terre d’accueil et de coexistence pacifique, mais le flux de Subsahariens, depuis la « révolution » est, vraiment, inquiétant… surtout que c’est un plan ourdi par des forces occultes qui ont des desseins aussi vicieux que destructeurs ». Et l’éditorialiste d’ajouter: « La Tunisie ne comptait pas plus de 120 mille résidents étrangers, en janvier 2011… et, tout d’un coup et depuis cette date, on a observé un afflux inquiétant de nos frères africains dont certains, sans raison valable de quitter leurs pays. Un peu plus de dix ans après, le nombre a gonflé d’une manière inquiétante et on parle, aujourd’hui de plus de 1,2 millions subsahariens et certains avancent, même, sur les réseaux sociaux, que les pays européens font pression sur la Tunisie… pour accueillir près d’un million de subsahariens menacés d’expulsion d’Algérie ».

Les ONG vent debout contre « le discours de haine »

Des arrestations au faciès se multiplient dans les grandes villes tunisiennes. Certains, ont été arrêtés dans l’enceinte des tribunaux lors de la comparution de leur proche.

Un grand nombre d’associations humanitaires comme des ONG tunisiennes ont dénoncé « le discours haineux » et « raciste » contre les migrants subsahariens. Ils fustigent l’exploitation politique d’un phénomène lié d’abord au changement climatique, et aux crises économiques.

Le forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), à l’avant-garde dans la défense des droits des migrants subsahariens, s’inquiète. « Ces derniers jours, plus de 300 migrants ont été arrêtés, placés en garde à vue et déférés devant la justice » confirme les responsables de l’ONG. Ils appellent les responsables à prendre leur responsabilité. Selon eux, « l’Etat tunisien fait la sourde oreille sur la montée du discours haineux et raciste sur les réseaux sociaux et dans certains médias ». Pire, ce discours « est même porté par certains partis politiques, qui mènent des actions de propagande sur le terrain facilitées par les autorités régionales ».

 

Encadré: la responsabilité des Européens

Depuis la chute du chef de l’État libyen, Mouammar Kadhafi, les routes migratoires se sont multipliées. L’Algérie renforce son dispositif de lutte contre la migration illégale. La Tunisie offre une opportunité pour les passeurs de la migration clandestine. Le littoral tunisien ne se trouvent qu’à 150 Km de l’Ile italienne de Lampedusa. Ainsi, le pays devient le point de départ vers l’Europe.

L’Union européenne a toujours procédé à la sous-traitance de la question migratoire. On se rappelle bien de la vague migratoire syrienne sous-traitée par la Turquie moyennant des aides financières. Le Président Erdogan a fait de la question migratoire un moyen de pression énorme contre les pays européens. Ce n’est pas le cas de la Tunisie, qui subit des pressions de la part de l’UE dans la gestion des routes migratoires.

Les ONG soulignent que « les politiques européennes d’externalisation des frontières ont contribué depuis des années à transformer la Tunisie en un acteur clé dans la surveillance des routes migratoires en Méditerranée, notamment l’interception des bateaux de migrants en dehors des eaux territoriales et leur transfert en Tunisie».

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