Le Gabon six mois après le Coup d’Etat (1) : un régime toujours autoritaire

Brice Oligui Nguema lors du défilé militaire du 17 août 2023 à Libreville.

Le 30 août 2023, l’armée gabonaise renversait Ali Bongo, mettant ainsi fin à 14 ans de règne du fils d’Omar Bongo, qui lui-même avait dirigé le Gabon pendant 42 ans. Comment se porte le Gabon 6 mois après le coup d’État ? Mondafrique y répond dans le premier volet de la série consacrée à la situation du Gabon  6 mois après la prise de pouvoir par l’armée. 

« Coup de libération ». C’est ainsi – communication et marketing politique oblige – que les militaires au pouvoir au Gabon ont décidé de désigner le coup d’État qui les a portés à la tête du pays. Dès le début de leur prise de pouvoir, les militaires avaient clamé, par la voix du nouveau maître du pays, le Général Brice Oligui Nguema, qu’ils allaient garantir les libertés individuelles. Mais à l’épreuve du temps et des faits, cet engagement a du mal à être tenu.

« Vous allez me les chercher maison par maison »

Les premiers à faire les frais du nouveau régime sont des syndicalistes de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (S.E.E.G.) en décembre dernier, qui, après un mouvement d’humeur, se sont fait menacer par le nouvel homme fort du Gabon, Brice Oligui Nguema : « J’ai ici les services de renseignement, je vais sortir les fiches sur chacun d’eux, ce syndicat se croit plus fort que l’État. Je veux les fiches de là où ils habitent et ils comprendront. Vous allez me les chercher maison par maison (…) ce n’est pas 2500 agents qui vont nous emmerder ! » (sic).

Inquiets par les propos tenus en public par Brice Oligui Nguema, les syndicalistes de la société d’électricité prennent à témoin l’opinion dans une déclaration publique : « c’est nous les responsables syndicaux qui avons dilapidé l’argent de la SEEG ? (…) Qu’en est-il des directeurs généraux, des directeurs généraux adjoints qui se sont succédé de 2018 à maintenant et qui ont causé la situation difficile dans laquelle nous sommes ? Pourquoi n’allez-vous pas d’abord les chercher avant de nous chercher nous ? Donc c’est nous qui allons subir la mal gouvernance ? (…) Est-ce cela la restauration des institutions ? (…) Nos vies sont en danger ».

«Crime de lèse Oligui Nguema  »

Ce que les syndicalistes ignoraient, c’est qu’ils venaient de commettre un crime de lèse-majesté (ou plutôt de « lèse Oligui Nguema »). Convoqués dans les bureaux de la Direction Générale des Contres Ingérences et de la Sécurité Militaire (DGCISM) et du renseignement, ils y seront « gardés » pendant plusieurs jours. Dans les locaux de ce service de renseignement de sinistre réputation, les syndicalistes y subiront à minima des traitements inhumains et dégradants puisqu’on leur fera faire dans les locaux des renseignements militaires « une formation militaire » au cours de laquelle les syndicalistes hommes comme femmes seront « tondus » bien que la « charte de la transition » qui fait office de nouvelle loi fondamentale interdise cela…

Les 8 syndicalistes peu après leur « libération » le 14 décembre 2023.

« Il va aller en prison vous me connaissez non ?»

L’autre auteur du « crime de lèse Oligui Nguema » est un jeune Gabonais nommé Gaetan Ayami  porte-parole du Collectif des autochtones et futurs déguerpis de Leyima et Lekolo 2, qui avait osé lors de la visite de Brice Oligui Nguema dans la province du Haut Ogooué à la mi février 2024 « faire marcher » (au sens strict du terme) le nouveau maître du Gabon lors d’une visite de logements à Moanda, ce qui avait énervé le nouveau maitre du Gabon. Traité de « voyou », le jeune homme avait été catégorisé comme faisant partie des personnes « qui ne veulent pas que le Gabon avance ». « Il va aller en prison vous me connaissez non ? » lance le général qui ajoute « j’ai fait exprès de l’emmener ici pour que vous le voyez ».

Embarqué par les gardes du Président, le jeune homme a été conduit dans les locaux de la Direction Générale des Recherches (DGR – Gendarmerie) où il a été tondu…

 

Gaetan Ernest Ayami (à gauche) sous bonne garde se faisant réprimander en public par Brice Oligui Nguema lors de sa visite à Moanda en février dernier.

La torture encore et toujours…

Mais le symbole de la brutalité de ce régime est sans doute le sort que subi l’ancienne première dame Sylvia Bongo et son fils Nourredine Bongo. En effet, l’ancienne première dame et son fils détenus en dehors de tout cadre légal subissent des traitements inhumains et dégradants. Nourredine Bongo a même été torturé à l’électricité dans une villa proche du palais présidentiel par des membres de la Garde Républicaine qui appartiendraient selon nos informations à la Direction Générale des Services Spéciaux…

La photo de Sylvia et Nourredine Bongo présentée comme récente et en détention à la Prison centrale de Libreville.

Persistance des enlèvements

Au moment où nous écrivons ces lignes, nous sommes informés que Thierry Nkoulou, conseiller du président de Dynamique Unitaire qui avait participé à l’audience avec le ministre de la Fonction publique le vendredi 1er mars 2024, est porté disparu depuis 18h.
La confédération syndicale « constate qu’une cabale est orchestrée par des officines obscures héritées du régime d’Ali Bongo Ondimba, que le CTRI a délibérément maintenues dans son dispositif sécuritaire répressif. Il s’agit donc d’un enlèvement ».
Un autre syndicaliste Gabonais a été enlevé récemment,  il s’appelle Alain Mouagouadi

 

Gabon – Sylvia Bongo maltraitée, Nourredine Bongo torturé – Mondafrique