Guerre de succession au sein du parti de l’ex Président Bédié

La messe n’est pas encore dite au PDCI, le mouvement de feu le Président Bédié, dont le futir président se placerait en bonne position dans la Présidentielle qui devrait avoir lieu la semaine prochain ! L’ancien numéro deux du parti, Maurice Kakou Guikahué ,qui avait pris acte de son éviction de la liste des candidats à la succession du grand ancien, incapable, dans un premier temps, de lutter à armes égales avec ses adversaires internes, a obtenu, jeudi, une mainlevée sur la procédure de contrôle judiciaire qui avait servi de prétexte pour l’écarter.

Vice-président et secrétaire exécutif en chef du PDCI, Maurice Kakou Guikahué n’a pas abdiqué. Lors de son éviction de la succession d’Henri Konan Bédié, il avait semblé mettre les deux genoux à terre. L’homme qui, depuis un quart de siècle, avait servi avec loyauté le PDCI et ses dirigeants, s’était en effet contenté, lundi, de prendre à témoin l’opinion nationale et internationale de l’injustice à lui faite, afin que « nul n’en ignore », avait résumé son porte-parole, Marius Koffi Kouakou, pour masquer la déception de Giukahué.

A leur époque, même s’ils ne l’avaient dit avec les mêmes mots, Laurent Dona Fologo et Alphonse Djédjé Mady, tous deux prétendants au fauteuil de président du PDCI, avaient, eux aussi, pris acte de leur mise mettre à l’écart pour laisser la locomotive PDCI passer son chemin. Sauf que, depuis jeudi, l’histoire n’est plus la même.

Maurice Kakou Guikahué, le combattant

Si en Côte d’Ivoire, très peu savent finalement que ce natif du Guébié, une des régions de l’ouest du pays les plus hostiles à Houphouët, a eu un brillant parcours scolaire et universitaire qui s’est achevé au Harvard Medical School de Boston, c’est parce que Maurice Kakou Guikahué, 72 ans, s’est toujours affiché avec l’écusson ou l’étendard d’un des rares partsi démocratiques de la Côte d’Ivoire.

Cardiologue réputé, le Pr. Guikahué travaille depuis des décennies à la Faculté de médecine d’Abidjan et comme praticien au centre hospitalier et universitaire de Treichville où il est responsable du Département du Thorax et des Vaisseaux. Sa réputation de cardiologue de premier plan en fit le médecin-cardiologue personnel d’Houphouët-Boigny pendant des années. De là viennent d’ailleurs en partie les rumeurs qui avaient fleuri à son sujet, lesquelles l’accusaient d’avoir euthanasié le « père de la nation » le 7 décembre 1993 pour hâter la succession de son ami Bédié, alors président de l’Assemblée nationale et, par le fait de l’article 11 de la première Constitution ivoirienne, dauphin constitutionnel.

Bédié et Guikahué partagaient d’ailleurs une vieille amitié qui s’est raffermie au cours de leur étroite collaboration à la tête du PDCI et au gouvernement. Nommé ministre de la santé en 1993, dès l’accession de Bédié à la tête du pays, le Pr. Guikahué a fait montre d’un activisme débordant pour le secteur. Mais en 1999, le scandale des 18 milliards de l’UE éclate. Il s’agit de fonds alloués au ministère de la santé par l’Union européenne. Leur détournement éclabousse le ministre et le président Bédié renversé quelques mois plus tard par un coup d’Etat militaire mené par le général GuéïGuikahué broie alors du noir pendant deux ans. Jusqu’en 2001 où Bédié rentre en Côte d’Ivoire et reprend les rênes du PDCI.

La rupture avec Ouattara

Le duo reconstitué s’allie en 2005 à Alassane Ouattara contre le président Laurent Gbagbo qui fait également face à une rébellion venue du nord. Guikahué jette alors toutes ses forces dans cette bataille. Mais en 2028, voyant les intérêts du PDCI menacés au sein de la coalition du RHDP, c’est aussi lui qui sonne le tocsin en s’écriant : « cette union ne marche pas ! »

Maurice Kakou Guikahué est encore à la manœuvre, en 2020, contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara. Dans une Côte d’Ivoire quasiment en état d’insurrection, Guikahué joue un rôle actif au sein du Comité national de transition (CNT) qui veut destituer Alassane Ouattara, élu dans des conditions irrégulières pour un troisième mandat inconstitutionnel. Il est d’ailleurs arrêté le 3 novembre 2020 au domicile du président du Bédié en même temps que de nombreux cadres de l’opposition.

Emprisonné à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, Maurice Kakou Guikahué est finalement libéré le 19 janvier 2021 après des semaines passées dans un hôpital parisien où il a été transféré à la suite de complications cardiaques. Pour le tenir en laisse, le pouvoir le met sous contrôle judiciaire. C’est cette procédure qui a servi, lundi, de prétexte à la présidence intérimaire du PDCI qui voulut d’abord le faire démissionner de ses postes de vice-président et de secrétaire exécutif du parti. Mais après cinquante années de militantisme, Maurice Kakou Guikahué n’est pas dupe et sait que, pour survivre au PDCI, il faut être très malin. Personne ne pouvant dorénavant ignorer que la raison de son éviction fut son contrôle judiciaire, la mainlevée obtenue, jeudi, devra impérativement lui ouvrir les portes à la candidature au siège laissé vacant par Henri Konan Bédié qu’il a servi avec grande dévotion.