Joseph Kabila au coeur du jeu politique congolais

Après les élections présidentielles en République Démocratique du Congo (RDC), on s’oriente plus vers une cohabitation qu’une alternance. Une analyse de Loup Viallet, fondateur de « Questions africaines » http://questionsafricaines.wordpress.com/

Les élections présidentielles congolaises légalement prévues en 2016 viennent finalement d’avoir lieu en même temps que deux autres scrutins : les élections législatives et provinciales.  La RDC semble connaître la première transition politique pacifique de son histoire. Néanmoins elle n’est pas sans controverses et si Joseph Kabila quitte la présidence, il semble garder presque tous les pouvoirs.

  Après dix jours de coupure d’internet en RDC, l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi est intervenue en même temps mais beaucoup plus bruyamment que celle des coalitions pro-Kabila, données majoritaires à l’Assemblée nationale et dans les provinces. En RDC, les résultats ont été immédiatement contestés par le candidat de l’opposition Martin Fayulu, ainsi que par la Conférence Épiscopale du Congo. L’Union Africaine, la Communauté de l’Afrique australe (SADC), l’Union Européenne, l’ONU, les gouvernements français, belge et britannique ont d’abord émis des doutes sur l’élection, contrairement aux gouvernements russe, chinois et sud-africain, qui ont reconnu immédiatement le vainqueur. Puis, le rejet par la Cour Constitutionnelle du recours déposé par l’ancien candidat, ainsi que l’absence de mouvements massifs de contestation à Kinshasa et dans les provinces congolaises ont décrédibilisé ses mises en doute et ont rendu l’élection incontestable de l’extérieur.

  Que s’est-il passé entre le jour du scrutin et celui de la proclamation des résultats par la Commission Électorale Indépendante ? La situation peut apparaître contradictoire : Emmanuel Shadary, le dauphin officiel de Joseph Kabila, est arrivé troisième à une présidentielle qui a consacré le fils d’un opposant historique, tandis que la majorité présidentielle kabiliste est reconduite au Parlement et dans les provinces. Y-a-t-il eu un arrangement entre Kabila et Tshisekedi comme le suggère Fayulu ? Une manipulation électorale, comme l’avancent les évêques congolais ?

   Félix Tshisekedi est le nouveau président de la République Démocratique du Congo mais ses pouvoirs semblent déjà très limités par Joseph Kabila, qui reste au centre du jeu politique congolais. Dans ce régime parlementaro-présidentiel, le gouvernement sera issu de la majorité favorable à l’ancien président au Parlement. Le Premier ministre qui sera désigné ne conduira pas la politique pour laquelle Félix Tshisekedi s’est présenté, et pourra continuer à contrôler les nomination des têtes de l’appareil d’État la politique et contresigne les décrets présidentiels, les nominations. Dans ces conditions, Joseph Kabila, que ses partisans appellent « Le Rais », reste au centre du jeu politique congolais. Sénateur à vie après son départ de la Présidence, il pourrait réunir suffisamment de suffrages pour devenir Président du Sénat ou même se faire nommer Premier ministre, afin de reconquérir la première place à la prochaine présidentielle en 2023, dans une interprétation congolaise de la stratégie qui a permis de reconduire Vladimir Poutine à la présidence russe en 2012. La cohabitation des deux hommes au cœur du régime congolais sera-t-elle marquée par leur rivalité ou par leur coopération ?

D’ores et déjà, elle façonne un régime politique qui échappe à l’influence directe de l’ « Occident »  et qui semble correspondre aux intérêts géopolitiques des BRICS.