Gabon, le concert des casseroles réprimé dans le sang

Lancé au Gabon le mercredi 17 février 2021 et poursuivi le jour suivant, le concert de casseroles a connu une issue sanglante dans la nuit du 18 février 2021 avec la mort sous les balles des forces de sécurité du Gabon d’au moins deux manifestants.

Par Jocksy Ondo-Louemba

Une des victime abattues à Ntoum dans la périphérie de Libreville a été formellement identifiée il s’agit deEmane M’vono Djinky, étudiant à l’Université de Libreville

Le mercredi 17 février 2021, las de subir les nombreuses mesures qui impactent leurs conditions de vie (perte de revenus par la fermeture de commerces et l’interdiction de certaines activités commerciales) les Gabonais ont décidé de protester contre l’ensemble des mesures prises par l’exécutif du Gabon pour lutter contre le coronavirus par un concert des casseroles. Initié sur les réseaux sociaux par des Gabonais installés au Gabon, ce mode de protestation pacifique avait été choisi pour « sauver des vies » tout en visant à interpeller vivement le régime d’Ali Bongo sur l’accélération de la paupérisation de la population.

La première casserolade au Gabon


Le mercredi 17 février 2021 à 20 h 00 donc, les Gabonais contestent les mesures prises par le gouvernement qu’ils qualifient de suicidaires en frappant sur des ustensiles domestiques. Soucieux de s’inscrire dans une technique populaire collective et ancienne de protestation (les premières casserolades ont été pratiquées par les opposants à la monarchie de juillet en France) et de montrer leur détermination, la manifestation à laquelle participe également des vedettes du show-business local est un succès. Mais dans le cœur du pouvoir gabonais, on s’inquiète vivement, car cet élan citoyen hors contexte électoral ne s’est pas vu au Gabon depuis 1990 et cette année-là, il avait manqué de peu d’emporter le régime de Bongo premier du nom. Des ordres sont donnés par le cœur même du pouvoir gabonais qui tonne de « ne pas laisser la chienlit s’installer au Gabon » en affirmant avec véhémence que « l’ordre doit régner quoi qu’il en coûte ».

Charivari contre tirs à balles réelles


Jeudi 18 février 2021, les Gabonais sont plus nombreux à protester contre les mesures gouvernementales en tapant dans les ustensiles de cuisine. Dans les quartiers les plus précaires (Akébés, PK 6…) et les plus touchés par les mesures notamment l’interdiction de commerces informels dont vivent l’écrasante majorité des populations, on manifeste sa colère contre les mesures suicidaires, mais très vite l’appareil répressif se met en place : bombes lacrymogènes, grenades assourdissantes, mais aussi tirs à balles réelles. Gildas Eloko est abattu au PK6 à Libreville tandis qu’à Ntoum dans la lointaine banlieue de la capitale un jeune homme est abattu à bout portant selon les témoins par un élément de la Brigade Anti Criminalité de ladite localité. Plusieurs contestataires sont arrêtés et passés à tabac et au moment où nous publions, un bilan de la nuit violente et sanglante ne peut être dressé.

Vers la fin du concert des casseroles au Gabon


Quoi qu’il en soit, il risque fort de ne pas avoir de troisième journée de contestation par un concert de casseroles au Gabon. Car outre la sanglante répression qui est définitivement sa marque de fabrique, le régime a tenu à rappeler par ses canaux habituels que le nouveau code pénal du Gabon de juillet 2020 ( celui qui prévoit le «Crime de lèse Bongo» notamment) prévoit en ses articles 453 et suivants que les auteurs de nuisances sonores risquent jusqu’à 6 mois de prison et 2 millions de Francs CFA (3 000 euros) d’amende.

Ali Bongo avait promis en août 2012 qu’il ne laisserait pas « la chienlit s’installer au Gabon » et que « Force doit rester à la loi et force restera à la loi »
On peut dire qu’il tient parole.

4 Commentaires

  1. Je suis sans voix!
    Le gouvernement juhstifie la mort de deux de nos valeureux compatriotes par le fait qu’ils auraient violer le couvre-feu
    La violation d’une mesure gouvernementale donne-t-elle droit aux forces de défense et de sécurité de tirer à vue sur des manifestants, qui n’ont comme seule « arme » que leurs ustensiles de cuisine (marmites et louches)?

    Ailleurs, on vous interpelle, on vous dresse un PV, on vous fait payer une amende. Mais au Gabon on ôte la vie. Seigneur

    Dans ce cas, ce *concert de casseroles* doit s’intensifier! Nous devons l’ntensifier.

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