Egypte, le deuxième coup d’état du maréchal Sissi

Le Raïs égyptien qui a pris le pouvoir en 2013 par un coup d’état contre les Frères Musulmans développe une pratique du pouvoir marquée par une concentration des prérogative. Jusqu’à l’instauration d’une dictature plus féroce que celle de feu Moubarak.

Une chronique de Mohand Tamgout

En sept ans d’exercice, Abdel Fatah Sissi passe successivement de directeur des services de renseignements militaires nommé par le président déchu Hosni Moubarak, au poste de ministre de la défense nommé par le président élu Mohammed Morsi, avant qu’il le renverse par un coup d’état le 3 juillet 2013. L’année d’après, il organise des élections présidentielles à sa taille sans concurrent potentiel.

Une ascension irrésistible

Dans le sillage d’une conjoncture internationale favorable, il se positionne comme anti printemps arabe et de ce fait anti Frères musulmans. L’histoire du Rais Egyptien est une succession de félonie. Nommé au renseignement militaire par le Maréchal Al Tantaoui ministre de la défense de Moubarak. Son premier rapport sécuritaire fait un état des lieux du pays et propose des réformes politiques profondes avec une ouverture contrôlée de l’espace politique y compris pour les partis non autorisés, référence aux frères musulmans.

La presse aux ordres de Gamal Moubarak, fils de l’ancien président et prétendant à la succession, chargea ses amis Milliardaires d’ouvrir le feu sur Sissi à travers les canaux de télévision qu’ils contrôlent en dévoilant au grand public le contenu du dit rapport. On lui sort son second prénom Khallil. On sort également des photos de sa femme en Hijab aux USA lors de sa formation en 2006. « Un Frère musulman au sein de l’armée » scande OkachaTaoufik sur sa chaine Al Farai’in .

Le renseignement militaire au coeur

La stratégie de mise en condition de l’opinion publique est en ordre de marche. L’armée proche de maréchal Al Tantaoui plus que Moubarak et ses rejetons opte pour une succession contrôlée, pas héréditaire. Le renseignement intérieur, de Habib Al Adli, fidèle à Moubarak commit l’irréparable avec l’attentat de l’Eglise copte d’Alexandrie la veille du nouvel an le 31 12 2010.

Le renseignement militaire prend le contrôle de la place Attahrir. La phase deux du plan entre en exercice. Omar Souleimane affaiblit, il annonce la déposition par l’armée du président Hosni Moubarak. La rencontre organisée par le général Annan entre une délégation des frères musulmans présidé par le docteur Issam AlAâryane, avec l’accord du chef suprême de la confrérie Mehdi Akef, au siège de l’Etat major, fut un tournant dans l’histoire d’Egypte.

L’armée propose une détente avec la confrérie d’Al Benna. Ses chefs appellent au calme pour éviter l’anarchie après la destitution de Moubarak. Jusqu’à maintenant que de bonnes intentions, mais l’armée coopte l’organisation des frères par un accord tacite en cas de prise de pouvoir par ses derniers. « L’armée désignera le ministre de la défense en cas où un président frère musulman est élu » propose maréchal Al Tantaoui. L’Etat major disposait d’un candidat de taille en la personne du général Ahmed Chafik, l’un des derniers premiers ministres de moubarak et poulain des Emirates.   

Jouant sur deux tableaux, l’armée dispose de la carte Chafik en apparence et celle de Sissi en sous-marin. Une fois Morsi élu, le sous-marin explore les visées des frères musulmans au pouvoir notamment le rapprochement avec la Turquie et le Qatar. Le reste de l’histoire est connu.

Le coup d’Etat permanent

Lors de son premier discours après le coup d’Etat du 03 juillet 2013 soutenu par le parti Salafiste Ennour, le nouvel homme fort d’Egypte portait des lunettes noires comme Pinochet, Ziah, Mobutu et consorts. Il jura sur Allah qu’il a pris le pouvoir, sans en avoir l’ambition de rester, et que sa motivation principale est de sauver le pays de la trahison justifiant le carnage de Rabi’a Al Adaouiya. Aussitôt après le coup d’état, il est soutenu financièrement par l’Arabie avec une aide de 11 milliards suivi de l’Emirat Arabe unies. La contre révolution des printemps arabe est déclarée par duo dominant des monarchies du Golfe.

En faisant durer le doute sur ses ambitions politiques, il ne s’annonce pas sur une éventuelle candidature à la présidentielle. Mais, dés lors qu’un groupe au sein des forces armées annonce la candidature du général Sami Anane, la machine Sissi s’est mise en branle. Le général Anane est arrêté et Sissi ouvre sa voie royale au trône tant désiré. Il sera élu sans conteste à plus de 96,91%.

Nombreux sont les experts qui considèrent Sissi comme un dictateur éclairé, facteur de stabilité dans la région. Et peu, le considère comme un élément fragile au sein de la première armée d’Afrique qu’il l’a transformée au service des ambitions régionaux des monarchies du golfe en intervenant pour leur compte en Libye et au Yémen. Certains officier portent ce sentiment d’indignation, sans jamais l’exprimer. Une situation dont Sissi a pris conscience contenu d’une crise économique et sociale effrayante, et sa promesse d’une « une autre Egypte après 20 juillet 2020 »  un slogan qui tarde à voir le jour.

Menaces intérieures

Confronté à des groupes islamistes armés dans le Sinai, et des contestations permanentes des populations contre la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat, le Maréchal décide d’encadrer la société civile par le renforcement des pouvoirs militaires sur les régions.

Les signaux donnent l’alarme sur des éventuelles mouvements de contestations sporadiques des régions similaires à celle qui ont précédé la chute de Moubarak. Une classe moyenne qui a voté pour Sissi et qui se voit son niveau de vie s’atrophier. La dette extérieure qui a dépassé les 108,7 milliards (hausse de 16,1% cette année).

Le désormais Maréchal au pouvoir sans limite prend conscience de la vulnérabilité de son système économique. Sachant que la menace réelle ne pouvait venir que de l’intérieur du pays et de l’institution dont il se réclame comme l’unique représentant. Il décide de procéder à un contrôle territorial plus coercitif de la société. 

Le président égyptien vient de créer un poste qui n’a jamais existé dans l’histoire d’Egypte : Un conseiller militaire pour chaque région chapotant le pouvoir civil des collectivité territoriales. La loi 165 de 2020 remplace celle de 55 de 1968 concernant les organisations de défense populaire et conjointement celle de 46 de l’année 1973 concernant l’instruction militaire au sein de l’enseignement secondaire et universitaire.

Le conseiller militaire est désigné par le ministre de la défense ainsi que plusieurs de ses conseillers dont la fiche de fonction est établie par le haut conseil de sécurité au sein de l’Etat major. Une dérive sécuritaire sans précédent qui se met en place à travers un maillage territorial visant à un contrôle total de la population. Il s’agit en filigrane d’un système sécuritaire de prévention contre les contestations populaires susceptibles de se déclencher vue l’état de délabrement de l’économie Egyptienne.

La fonction du conseiller militaire d’une région se définit par la participation et le suivi opérationnel des services mises à la disposition des populations. Elle touche également la mise en application des projets, maintient du contact avec la société civile dans le cadre d’assurer la sécurité nationale au sens large. Elle touche aussi les activités culturelles et éducatives.

Le conseiller militaire régional doit préparer et participer au conseil populaire de défense et le conseil exécutif élu de la région. Le conseiller se présente comme intermédiaire du ministère de la défense auprès de la population mais en réalité il chapeaute tous les pouvoir des élus locaux ainsi que l’exécutif régional.

Que pousse Le maréchal égyptien à s’emparer des pouvoirs des collectivités territoriales ?