Alger, la guerre des généraux

Arrêté quelques jours avant la chute de « Toufik », l’ancien patron du DRS, l’un de ses bras droit, le général Hassan, n’a toujours été remis en liberté. En cause, un conflit ancien qui l’oppose au chef d’état major Ahmed Gaïd Salah proche du clan Bouteflika

P130613-091La remise en liberté provisoire a été refusée au général Hassan, l’ex responsable de la direction chargée de la lutte contre le terrorisme au sein du DRS, le puissant service secret algérien. Ce haut gradé du DRS considéré comme un as de l’infiltration et du contre-espionnage, restera en détention à Blida. Pourtant, après le départ du général Toufik de la tête du DRS, un climat de sérénité devait être rétabli au sein des multiples institutions militaires et paramilitaires qui composent la colonne vertébrale du régime algérien.

Guerre des clans

Selon des sources proches du séral algérien, le général Hassan n’a pas été remis en liberté pour la simple raison qu’il fait l’objet d’un terrible acharnement de la part d’Ahmed Gaïd Salah, le chef-d’état major de l’armée algérienne et allié du Président Bouteflika dans cette restructuration et modernisation de l’establishment militaire algérien. C’est Ahmed Gaïd Salah qui a pesé de tout son poids pour obliger le tribunal militaire de Blida à ne pas accorder la remise en liberté provisoire celui qu’il considère comme son ennemi juré. Une véritable haine oppose en effet ses deux généraux algériens. Et Ahmed Gaïd Salah ne cache pas sa joie de pouvoir de se venger contre celui qui l’avait humilié devant plusieurs autres généraux du DRS et de l’Etat-major de l’armée nationale et populaire (ANP). C’est cet incident qui a fait basculer la tension entre le général Hassan et Ahmed Gaïd Salah dans une véritable guerre. Depuis 2011, les deux hommes ne se supportaient pas. Le général Hassan avait pour principe de ne rendre compte qu’à son supérieur et mentor le général Toufik. Hassan voyait d’un très mauvais oeil le rattachement de plusieurs directions du DRS à l’Etat-major de l’armée dirigé par son adversaire Ahmed Gaïd Salah.

« Qu’avez-vous à répondre ? »

Au début de l’année 2014, lorsque l’affaire du général Hassan éclate, une réunion hautement secrète et stratégique se tient au ministère de la Défense nationale à El-Biar, sur les hauteurs d’Alger. Le général Toufik, le général Hassan et plusieurs officiers du DRS sont présents. Ahmed Gaïd Salah et des chefs de régions militaires assistent à la réunion. Gaïd Salah se lève prend un dossier et interpelle le général Hassan : « Dans ce dossier, on vous accuse de détenir des armes de guerre et de les faire transiter sur une région du sud du territoire national sans demander l’aval du chef de cette région militaire et sans même pas l’informer. Ses armes ont été livrées à des groupes armées suspects de surcroît. Qu’avez-vous à répondre ? » Le général Hassan se lève et balance sur la table de la réunion un autre dossier : « Et ce dossier contient toutes les preuves de votre implication dans des affaires de corruptions et des versements de pots-de-vin lors des opérations d’importations d’armes. Qu’avez-vous à répondre ? ». Surpris, Ahmed Gaïd Salah laisse éclater sa colère. Le général Hassan ne cède pas et persiste dans ses accusations. Les deux hommes ont failli en venir aux mains. Les autres hauts gradés qui ont participé à cette réunion interviennent rapidement et séparent les deux généraux.

Depuis ce jour-là, le général Hassan est dans le collimateur du chef de l’état-major de l’armée algérienne. En février 2014, Hassan est brutalement limogé dans le sillage d’une « mise à la retraite ». Convoqué à maintes reprises par le tribunal militaire de Blida, il refusa de se rendre sur place en affirmant haut et fort qu’il n’avait de « comptes à rendre à personne ». Le général Toufil s’est efforcé durant des mois à le protéger. Mais le 24 août 2015, il est officiellement arrêté et transférer à une prison militaire. Quelques jours plus tard, le 13 septembre 2015, le général Toufik quitte ses fonctions à la tête du DRS. La vengeance est un plat qui se mange froid. Ahmed Gaïd Salah a démontré toute la pertinence de cet adage.