La révolte du peuple libanais en photos

« Le Cri d’un Silence », celui du peuple libanais qui se tait depuis des décennies face à une situation politique qui ne cesse de se perpétuer. L’exposition de Habib Dargham, jeune photographe libanais, fait l’objet de notre chronique, signée Fabienne Touma

  • L’exposition a lieu à la Galerie Spéos 7 rue Jules-Vallès 75011 Paris

  • Du mardi 1er mars 2022 au dimanche 6 mars 2022

En octobre 2019, ce peuple libanais a crié haut et fort qu’il ne voulait plus se taire et a lancé un vaste mouvement populaire de contestation et de révolte, que certains appelleront « révolution », « la Thawra ». C’est cet évènement que Habib Dargham, jeune photographe libanais, a couvert du début de la contestation jusqu’au 4 août 2020, date de la double explosion cataclysmique au port de Beyrouth.

Le photographe expose en Ile de France et en province le fruit de ses reportages photographiques. Une tournée qu’il a inaugurée à l’ambassade du Liban à Paris le 10 février 2022 puis à Chaville du 17 au 27 février 2022. Du 1er au 6 mars, l’exposition se poursuivra au sein même de son école de photographie, SPEOS. Ces expositions ont pour but de soutenir des écoles et des familles libanaises dans le besoin.

Lauréat du Grand Prix Paris-Match du Photoreportage Étudiant 2021, Habib Dargham présente une série de 15 photographies qui sont liées au contexte actuel qui prévaut au Liban. « Suite à des décennies de détournement de fonds publics, de corruption et de mensonges, le peuple libanais est dans une situation de révolte, rappelle M. Dargham dans une interview express à Mondafrique. Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire du Liban, comme l’ont fait jadis nos ancêtres (…). Quand un gouvernement a recours à la violence pour occulter les doléances d’un peuple, on ne peut plus parler de démocratie. Nous avons le devoir, pour les générations futures, de nous révolter contre la corruption politique. Aujourd’hui, nous, le peuple, prenons conscience de notre force. Ce combat va se poursuivre pour recouvrer notre liberté. » C’est ce sentiment de révolte que Habib Dargham a voulu refléter dans ses photographies. Et c’est ce qui lui a permis de remporter le prestigieux Grand Prix Paris-Match du Photoreportage Etudiant.

Raconter une histoire

 Le but de ce concours était de raconter une histoire, à dimension humaine et qui relève de l’actualité. Trois critères parfaitement représentés dans le travail du photographe.

« Je pense que ce qui a séduit le jury et qui m’a permis d’être le lauréat de ce Grand Prix Paris-Match du Photoreportage Étudiant 2021 c’est d’avoir pris comme sujet le Liban, mon pays, et d’avoir tout simplement montré la réalité des choses », souligne le photographe. « Nous étions 50 000 candidats au départ et 14 finalistes ont été sélectionnés pour la finale. Il y avait plusieurs Prix à gagner et j’ai gagné le 1er prix, celui attribué par le jury ».  

Marc Brincourt, commissaire du Grand Prix Paris Match du Photoreportage étudiant, explique ce qui a poussé le jury à accorder ce Prix au jeune photographe libanais. « C’est son pays qui résonne à travers son reportage en immersion (…), on y entend les échos de la rue, de la ville, d’un Liban qui est confronté aujourd’hui à son avenir, qui fait face à son Histoire (…), souligne-t-il. Ici c’est le Liban qui vibre de toutes ses passions, de tous ses espoirs, et qui reflète une âme ».

Un peuple dans sa diversité!

Compte tenu de la spécificité particulière du Liban et de son caractère pluraliste, les photographies de Habib Dargham reflètent quand même une seule et même âme, car c’est un peuple libanais dans toute sa diversité qui est représenté, au-delà des religions et des générations. Des images fortes qui montrent au monde entier et sans filtre la situation de ce peuple libanais qui souffre.

« Avant de prendre le rôle de photographe lors des manifestations, j’étais moi-même parmi les manifestants qui menaient le mouvement de révolte, souligne Habib Dargham. J’ai photographié toutes les étapes du mouvement de révolte et j’ai pu ainsi constater l’évolution de la ‘’thawra’’», indique-t-il. C’est sans doute pour cette raison que ses photographies sont très réalistes et permettent au public de « vivre » de près ce mouvement de révolte et de se sentir en quelque sorte au plus près du peuple libanais.

Habib Dargham met donc à l’honneur le Liban et son peuple qui tente de faire bouger les choses. Un peuple digne et combatif que nous expose le photographe dans son reportage. Malgré son attachement pour le Liban, son souhait a été d’initier les expositions en France avant de les présenter au Liban. « Je n’ai pas envie de raviver la souffrance des Libanais en exposant ces photos, souligne M. Dargham. La souffrance est assez présente encore. Mon but est plutôt de montrer au monde entier cette réalité et de sensibiliser au maximum l’opinion sur ce plan ».

Un manifestant libanais

Le détonateur du port de Beyrouth

Photographe de mode à l’origine, Habib Dargham confie à Mondafrique que ce projet de photojournalisme est né d’un souhait personnel de s’engager dans cette aventure et n’a donc pas été l’aboutissement d’un parcours professionnel à la base. Il s’est retrouvé emporté par le mouvement de contestation ce qui l’a poussé à prendre un maximum de photos.

Face au nombre élevé de photographies qu’il a été amené à prendre, notamment après le drame de l’explosion du 4 août 2020, il a d’abord publié un livre. Ce n’est qu’après l’obtention de son Prix de Paris Match qu’il décide de mettre sur pied une exposition. Un projet qui s’avère ambitieux au fur et à mesure de sa concrétisation. Il s’entoure alors de personnes de confiance pour réaliser son ambition. Parmi les membres de son équipe, Jean Merhi le commissaire de l’exposition, et Walid Feghali, qui met à contribution son association à but non lucratif Energis Libani, qui mène des actions de solidarité en faveur des Libanais. M. Feghali qualifie dans ce cadre l’exposition de « puissant témoignage » qui mérite d’être suivie et qui promet une belle évolution.

« Cette histoire du ‘’Cri du Silence’’ n’est pas terminée, j’ai encore des choses à dire et à montrer », nous confie Habib Dargham. Un deuxième ouvrage, sans doute. Dans l’attente de ce suivi, de prochaines dates sont à prévoir en Ile de France et en Province, des dates qui devraient être communiquées sous peu.