Sahel, l’approche sécuritaire masque l’impuissance politique

Dans un rapport fort instructif sur le Sahel, « Crisis Group » recommande de mettre la bonne gouvernance au coeur des stratégies anti terroristes. Extraits.

Pour changer de tactique, une réponse appropriée à l’impasse actuelle sévissant au Sahel consisterait à réordonner les priorités des stratégies actuellement en place, de sorte que ces dernières répondent d’abord à une crise de gouvernance plutôt qu’à une crise d’insécurité. La crise de gouvernance qui est à l’origine des problèmes du Sahel génère une hostilité grandissante à l’égard des gouvernements. Elle prend aussi bien la forme d’une insurrection rurale que de manifestations urbaines.

Envisager une approche alternative fondée sur ce nouveau paradigme n’implique pas l’abandon de la stratégie multidimensionnelle actuelle, mais plutôt un réagencement de ses priorités.

Le redéploiement de l’État central

Cette nouvelle approche privilégierait, en premier lieu, les dialogues locaux, afin de permettre le déploiement de l’Etat central dans les zones rurales et préparerait, ensuite, une réforme plus large de la gouvernance. Les partenaires internationaux devraient encourager les Etats à redoubler d’efforts pour négocier des trêves entre les factions locales en guerre et apaiser les différends entre et au sein des communautés ainsi qu’entre celles-ci et les acteurs étatiques. Ils devraient également accorder bien plus d’importance à l’accès aux services publics, notamment en matière de santé et d’éducation, y compris dans les zones où les forces de sécurité ne sont pas encore déployées. Ils devraient encourager les Etats du Sahel à améliorer la gestion des finances publiques, éventuellement en conditionnant plus fermement certains financements à des réformes.

Les opérations militaires demeurent essentielles, mais elles devraient être subordonnées à cette stratégie. Dans certaines zones, les Etats du Sahel et leurs partenaires pourraient utiliser la pression militaire pour affronter les jihadistes ou les empêcher d’occuper de nouveaux territoires. Ailleurs, ils pourraient suspendre momentanément cette pression pour permettre aux autorités civiles d’initier des efforts de paix à l’échelle locale, voire avec des chefs d’insurrection locaux.

Les abus des armées locales

Quant aux Etats sahéliens, ils doivent impérativement prendre les mesures nécessaires afin que les forces de sécurité et leurs alliés limitent leurs abus. Ils pourraient également mener plus d’activités en faveur des populations locales, notamment en conduisant des opérations de récupération du bétail volé. Ces mesures appuieraient les efforts visant à regagner la confiance des populations des zones rurales touchées par l’insurrection, qui ont souvent l’impression que l’Etat est plus enclin à mener une répression et à aider les Occidentaux contre la menace jihadiste qu’à leur fournir des services de base.

Sahel, l’approche sécuritaire masque l’impuissance politique