Nouhad Fathi, faisons table rase du passé !

Après 20 ans de règne désastreux, Abdelaziz Bouteflika a été poussé à la sortie sur sa chaise roulante par une génération insensible aux fantômes du passé. Une chronique de notre chroniqueuse marocaine, Nouhad Fathi

A Rabat et à Alger, les jeunesses ont ceci en commun de rejeter le passé récent par ignorance ou par défiance.

Beaucoup de jeunes Marocains à peine majeurs célèbrent aujourd’hui Hassan II pour son élégance vestimentaire. Voici tout ce qu’ils retiennent d’un Maroc qu’ils ont peu connu. Celui des rafles injustifiées, de l’intimidation policière, des poursuites contre les amoureux des jardins publics, de l’absence de mobilité et de liberté.

En Algérie en revanche, la jeunesse reconnait la souffrance des générations précédentes, mais avec la volonté de ne pas s’y laisser enfermer. Ce qui lui a permis de prendre tous les risques pour éjecter Abdelaziz Bouteflika de son siège présidentiel.

Le spectre de la décennie noire

En 2011, les Algériens, la peur au ventre et contrairement à leurs voisins, ont préféré ne pas investir les rues. La population était encore traumatisés par le souvenir de la décennie noire ou encore par le souvenir de la révolte de 1988 tuée dans l’œuf par les balles des militaires. Le pouvoir a longtemps profité de ce traumatisme pour maintenir les Algériens sous la semelle… Du moins jusqu’aux mobilisations récentes.

Un jeune algérien né en 1999, l’année de l’accession de Bouteflika au pouvoir, se fiche de la réconciliation et de la concorde civile que l’ancien président a favorisées au début de son mandat. Ce qui lui importe, ce sont des réponses à des questions sur sa vie concrète, présente. Pourquoi les bananes coûtent aussi cher dans un pays aussi riche ? Comment les salaires peuvent-ils rester aussi bas en Algérie? Où sont passés les centaines de milliards de dollars de recettes pétrolières ? Pourquoi le gouvernement est composé de grabataires alors que la majorité de la population a moins de 30 ans ? Pourquoi le pays est représenté par une momie sur chaise roulante alors que dans le reste du monde, des femmes et des jeunes ont conquis une place?

Connectés du monde entier, unissez vous

On ne peut plus agiter la menace implicite de la répression, voire du massacre, à l’ère du smartphone et du tout filmé. Plus question non plus de se cacher derrière un nationalisme ombrageux à l’ère de la mondialisation. Les moins de 30 ans du monde entier sont connectés. Ils consomment, pensent et ressentent selon les mêmes schémas; leurs modes d’expression sont comparables. Tous enfin ont le même désir de retrouver la confiance en l’avenir.

Sans le soutien de la jeunesse, aucun projet politique n’est viable, pas plus en Algérie qu’au Maroc.