Antoine Sfeir, compagnon fraternel, est décédé

Antoine Sfeir - écrivain, journaliste - portrait - à son bureau dans Paris

Antoine Sfeir, spécialiste du Proche-Orient et fondateur des Cahiers de l’Orient, nous a quittés. Son ami et collaborateur à Mondafrique, Yves Loiseau, se souvient de ce compagnon fidèle et généreux. 

Je me souviens de la terrasse du « Horse Shoe » rue Hamra. Le centre de Beyrouth d’alors. Une sorte de café de Flore au début des années 1970. « l’Orient-le Jour » était à deux pas et nous avions sur cette terrasse des discussions enflammées…. J’entends encore sa voix: calme, sourde, sans aspérité ni éclat, mais chaude et grave… J’étais l’envoyé spécial de « l’agence de presse Libération » pour faire un film sur les Palestiniens. Il a été tourné mais jamais monté: le grand Timonier avait changé d’avis sur le sujet dans l’intervalle.

La Révolution comme horizon 

« Révolution ou pas Révolution » Une question que tout le monde se posait sur l’ensemble de la planète de cette époque. Ici, même si la guerre civile n’avait pas commencé, il n’y avait pas que des idées à échanger: Beyrouth était déjà un terrain d’exposition pour kalachnikov….A l’époque, nous pensions être à la veille d’un grand soir.

L’extrême gauche palestinienne était assez largement chrétienne comme l’avait déjà été, quelques années plus tôt, les inventeurs du parti Baath. Elle était très largement écoutée par les intellectuels libanais…. La plupart d’entre eux trouvait Arafat un peu trop à droite pour l’époque. Les prophètes de cette révolution en étaient Georges Habache et Nayef Hawatmeh et en face, tout au sud, il y avait les « sabras » du Matzpen qui étaient des interlocuteurs pour qui espérait encore un état ou juifs, chrétiens, musulmans et athées auraient pu vivre ensemble sur la même terre. Nous n’avions pas que des rêves idiots à cette époque. C’est dans cette ambiance que nous nous sommes connus. 

Quelques années plus tard la guerre a éclaté. Peu après le début des affrontements, Antoine a été pris par un groupe de Palestiniens qu’il a toujours pensé proche des Syriens. Il a été torturé pendant une semaine avant d’être relâché. Il a gardé tout au long de sa vie des séquelles de cette détention. 

Quelques mois plus tard, il a gagné la France où il est devenu le passeur que l’on connait en mettant au service du plus grand nombre sa science encyclopédique de la région, ses hommes, ses religions, ses diversités culturelles.

Il y a deux mois avant que je ne revienne au Québec nous avons bu un dernier café ensemble. Malgré les traitements et les souffrances, il disait être encore optimiste malgré la grande fatigue que l’on lisait sur ses traits.

Bon voyage ami…. pour l’éternité !