Au Niger et en Centrafrique, des démocraties d’opérette

Nigériens et Centrafricains sont appelés ce dimanche 27 décembre à élire leurs députés et leur président. Mais, écrit Wakat Séra depuis le Burkina Faso, à la veille du scrutin, la situation dans ces deux pays diverge fortement.

Un article de WAKAT SÉRA Ouagadougou www.wakatsera.com

Lancé en 2017, Wakat Séra est un site d’informations du Burkina Faso. Outre les articles traitant de l’actualité, il propose des analyses souvent sans concession sur la politique burkinabè et africaine.

Un ethnicisme ringard au Niger et des élections menaces en Centrafrique

En attendant de tirer sa révérence dans quelques jours, 2020 aura été une année d’élections aux fortunes diverses. Si en Côte d’Ivoire et en Guinée, les troisièmes mandats anticonstitutionnels que viennent d’inaugurer Alassane Dramane Ouattara (78 ans) et Alpha Condé (82 ans) n’ont pas fini de déchirer ces deux pays en morceaux difficiles à recoller, avec à la clé de nombreuses pertes en vies humaines, au Burkina Faso, le double scrutin, législatif et présidentiel du 22 novembre, a permis de réélire, dans le calme, le président Marc Christian Kaboré qui doit prêter serment, en principe, ce lundi 28 décembre.

Le Niger, lui, après avoir organisé, dans la sérénité, les élections locales, le 13 décembre, s’apprête à honorer un autre rendez-vous important avec les urnes. En effet, c’est ce dimanche 27 décembre, que les Nigériens et les Nigériennes se rendront dans les bureaux de vote, pour désigner le successeur de Mahamadou Issoufou. Ces élections, législatives et présidentielle couplées, ont cela de particulier que pour la présidentielle, le chef de l’État n’est pas candidat à sa propre succession, ayant fait le choix, presque héroïque, sous les tropiques où fleurissent les velléités de 3e mandat, de mettre en jeu son fauteuil, après le second mandat autorisé par la loi fondamentale de son pays. Le Niger, et toute l’Afrique, du reste, doivent tirer une fierté certaine de cette option de démocrate et d’homme de parole, choisie par Mahamadou Issoufou

Ramener la paix

Mieux, ce sont des élections ouvertes, auxquelles prendront part une trentaine de candidats qui ont mené une campagne électorale apaisée. On pourrait donc s’attendre à ce que les Nigériens fassent preuve, jusqu’au bout, de cette volonté de conjuguer les élections en Afrique avec la paix, alors qu’à l’accoutumée, elles riment avec la guerre. Certes, insécurité et résurgence du Covid-19 oblige, les élections du 27 décembre, ne seront, certainement pas comme celles des années précédentes. Et le défi sera donc lourd pour le gagnant de cette présidentielle, qui aura pour priorités, en plus de relever le niveau de vie des populations, en boostant le secteur socio-économique, celles de rendre au Niger, sa quiétude d’antan, en menant une lutte sans merci contre les terroristes qui se sont sanctuarisés dans le Sahel africain et contre la secte islamiste Boko Haram, qui, du Nigeria voisin, effectue des incursions meurtrières récurrentes, notamment dans la région de Diffa, sud-est du Niger.À LIRE AUSSIAttaque terroriste. Au Sahel, une guerre sans fin

Cette lutte pour la paix au Niger est vitale pour ce pays qui aura, ainsi, besoin de l’engagement de tous ses fils, unis, pour obtenir la victoire sur les forces du mal. C’est dans cette optique, du reste, que la majorité des Nigériens s’élèvent contre les propos haineux tenus durant la campagne électorale par certains candidats qui s’arrogent le droit de définir qui est Nigérien et ne l’est pas, et s’illustrent par la promotion d’un ethnicisme ringard et dangereux pour l’unité nationale.

Élections menacées en Centrafrique

Loin du Niger, mais attendant également ce 27 décembre des élections législatives et présidentielle couplées, la Centrafrique doit de nouveau faire face à ses anciens démons de la violence, ces groupes rebelles, qui, aujourd’hui, se sont mis sous le chapeau de la Coalition patriote pour le changement (CPC), et sèment la terreur à tout vent. Si leur injonction au gouvernement centrafricain de suspendre les élections de ce dimanche de Noël n’est pas prise en compte, ces mouvements menacent simplement de prendre la capitale.À LIRE AUSSIInstabilité. Le “pari fou” des élections en Centrafrique

Les autorités n’entendent pas bouger d’un iota cette date électorale. Et si le président centrafricain, Faustin Archange Touadera, compte sur ses “amis” russes, français et rwandais pour faire voter ses concitoyens dans la paix, la Minusca, elle, est en alerte maximale pour sécuriser Bangui. Et ce sont des centaines de femmes qui ont noué leur pagne pour marcher pour la paix dans ce pays continuellement secoué par des guerres civiles qui masquent mal les ambitions de politiciens, prêts à tout pour arracher le pouvoir.

D’ailleurs, quelle crédibilité accorder à cette déclaration de cessez-le-feu de 72 heures formulée par la CPC ? Tous les groupes armés n’ont pas adhéré à l’initiative, et le document, tout comme ceux qui l’ont précédé, ne comporte, aucune signature des fameux mouvements rebelles. Qui plus est, peut-on encore croire en une quelconque bonne foi de ces mouvements qui ont pour mode de fonctionnement, la violence et le chaos ?

Il faut le dire, les élections sont en pointillé en Centrafrique et la crainte n’est pas à écarter que le processus démocratique engagé par le pays au sous-sol riche de diamants et autres minerais, qui en a besoin au plus haut point pour espérer monter dans le train du développement, ne marque le pas pour de bon.

WAKAT SÉRA Ouagadougou www.wakatsera.com

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)