Libérer Djibril Bassolé

Dans une tribune publiée par Mondafrique, le juriste Kassim Traoré soutient Djibril Bassolé, l'ancien ministre des affaires étrangères burkinabè incarcéré en septembre 2015 pour son soutien présumé au putsch éclair mené par d'es éléments de l'ex-garde prétorienne du président déchu Blaise Compaoré. Il dénonce une justice à deux vitesses.

La détention provisoire de l’ex ministre des affaires étrangères de Blaise Compaoré, Djibril Bassolé, a franchi, le 29 septembre dernier, le seuil des 12 mois. Or, passé ce délai, conformément aux règles de la procédure pénale burkinabè, la libération provisoire de cet ancien baron du régime Compaoré aurait du être prononcée dès la première demande déposée par ses avocats. Cette persistance dans l’arbitraire de la part des autorités judiciaires militaires burkinabè ne peut s’expliquer que par l’instrumentalisation politique de cette affaire.

En effet, l’ancien chef de la diplomatie burkinabè, diplomate hautement respecté sur la scène internationale, continue de croupir en prison alors que la preuve de sa culpabilité n’est toujours pas apportée. En atteste le fait, par exemple, que le rapport de l’expert allemand M. Künzel, désigné par le Tribunal Militaire qui a inculpé Bassolé afin d’authentifier les écoutes téléphoniques compromettantes qui ont justifié son arrestation, n’a toujours pas été versé au dossier. L’expertise devait pourtant initialement être déposée le 15 novembre 2016.

Justice à deux vitesses

Cette détention provisoire est donc non seulement arbitraire mais surtout politique. Quoi qu’on dise, celui qui avait troqué sa casquette de général de gendarmerie contre une candidature à l’élection présidentielle de 2015 s’est très vite vu notifier par le Tribunal Militaire des charges non établies qu’il a toujours contestées.

Preuve de cette justice à deux vitesses, Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, a vu son mandat d’arrêt international annulé par ces mêmes autorités judiciaires alors que Djibril Bassolé, son correspondant dans ces mêmes prétendues écoutes téléphoniques, est toujours incarcéré.

Comme si mettre un suspect en détention provisoire avant de chercher les preuves de son inculpation était la procédure normale. En réalité ce que cette affaire nous apprend, c’est que la candidature de Djibril Bassolé aux élections présidentielles de 2015 constituait une sérieuse menace pour ses concurrents qui ont voulu le mettre sur la touche.

Autre indice du traitement différencié des prévenus, dans un arrêt daté du 30 mai 2016, la Chambre de contrôle a ordonné la remise en liberté provisoire de M. Eddie Komboigo, l’ancien patron du parti de l’ex président Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

La détention provisoire est rigoureusement règlementée par les dispositions des articles 136 à 150 du Code de Procédure pénale burkinabè qui précisent notamment qu’elle est une mesure exceptionnelle, la liberté étant le principe, comme dans toute démocratie qui se respecte.

Hélas, dans ce pays, le président de la République étant le ministre des Armées et donc le chef suprême de l’autorité de poursuite en matière d’infraction militaire, la voie est vite trouvée pour mettre hors jeu Djibril Bassolé.

Arrestation politique

En principe, compte tenu de l’annulation du mandat d’arrêt lancé contre Guillaume Soro et vu l’absence de preuves certaines fournie depuis l’arrestation de l’ex ministre des affaires étrangères, ce dernier devrait recouvrer la liberté dans l’attente de l’authentification de ces écoutes téléphoniques, parachutées au dossier de manière occulte et dont il conteste fermement la légalité.

Cette demande est d’autant plus légitime qu’il n’y a ni authentification de ces écoutes, ni aucune charge de son implication dans le coup d’État du général Gilbert Diendiéré qui l’a clairement disculpé.

Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer sans grand risque d’erreur que la détention de Djibril Bassolé est non seulement politique, mais qu’elle est surtout arbitraire. Ce qui n’honore pas les autorités actuelles du Burkina Faso.

Pour rappel, Djibril Bassolé a été arrêté le 29 septembre 2015 et inculpé le 6 octobre 2015 pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il est soupçonné d’avoir  Des accusations qu’il a toujours contestées avec constance et fermeté.

 

Kassim Traoré, Juriste, Membre du Comité de Soutien Europe de Djibril Bassolé.