Comment Rabat a raté son retour au sein de l’Union africaine

Engagées lors du sommet panafricain de juillet dernier, les démarches des autorités marocaines pour intégrer l’Union africaine n’ont pas eu le succès escompté.

Mi-juillet, des émissaires du roi Mohammed VI sillonnent les principales capitales africaines. Son conseiller diplomatique Taïeb Fassi-Fihri et le patron de la DGED (les services de renseignements marocains), Yassine Mansouri, visitent séparément Abuja et Alger où ils rencontrent les chef de l’Etat et les premiers ministres. Fassi-Fihri a aussi rendu visite au président Kényan et remis au tchadien Idriss Deby la lettre royale officielle annonçant le retour du royaume à la famille africaine.

En effet, après de longues années de patientes et minutieuses démarches, le royaume chérifien décide de passer à l’offensive diplomatique pour recouvrir son siège à l’Union africaine, laissé vacant depuis plus de trois décennies. Pendant dix ans, le monarque chérifien n’a cessé de déblayer le terrain à sa diplomatie en attendant le jour J. Des dizaines de visites, des centaines d’accords signés et des dizaines de millions de dollars ont été versés faisant de Rabat le deuxième investisseur en Afrique.

La question de la RASD

Le scénario imaginé par le souverain alaouite est audacieux et prend de court aussi bien l’Algérie que le Polisario. Pour défendre la marocanité du Sahara à l’ONU, Mohammed VI est conscient qu’il faudrait commencer par être présent au sein de l’Union africaine. D’ailleurs, son absence de cette organisation continentale constitue l’une des principales failles dans la position marocaine dans le dossier du Sahara occidental. Le vœu du roi d’un retour du Maroc à sa famille africaine devait donc être exhaussé lors du sommet panafricain de Kigali qui s’est tenu en juillet dernier. Tout a été mis en œuvre par le duo Fassi-Fihri-Mansouri pour un retour triomphal du royaume chérifien. Du moins en apparence.

Dans la foulée le roi a adressé un message à ses homologues africains qui devait être lu lors de la plénière. Mais, brusquement, ce qui a été annoncé par la presse officielle marocaine comme un succès diplomatique se révèle être une victoire à la Pyrrhus.

Echec diplomatique

Premier couac, la demande du retour du Maroc n’a pas été inscrite à l’ordre du jour. Elle ne pouvait donc pas être discutée par les chefs de l’Etat. En plus, les Marocains ont semblés surpris d’apprendre que le gel de l’appartenance de la République Arabe Sahraouie Démocratique à l’UA est loin d’être une évidence. « Les diplomates marocains ont démontré une méconnaissance totale et surprenante des statuts de l’Union Africaine », se lamente un ministre des Affaires étrangères d’un pays ami de Rabat. Mais le plus dramatique, c’est que sur les 28 pays ayant signé la motion appelant à l’expulsion de la RASD, manquaient à l’appel la Tunisie, l’Egypte et le Cameroun. Des pays réputés pour être d’indéfectibles amis du Maroc. « Les Marocains ont mené cette affaire la fleur au fusil, faisant preuve de beaucoup d’angélisme pour ne pas dire d’amateurisme », juge un ancien diplomate chérifien qui rappelle qu’en 1998, Hassan II avait tenté le même coup d’éclat aidé notamment par le Sénégal, la Guinée, le Burkina-Faso et le Gabon. Tout avait été mis en place pour faire expulser la « RASD » de l’Organisation de l’Union Africaine, ancêtre de l’UA. L’effet surprise devait aider, mais le président algérien Liamine Zeroual, mis au parfum à la dernière minute par un chef d’Etat riverain de l’Algérie, a pu ameuter le bloc anti-marocain. La mainmise algérienne sur les rouages de l’organisation panafricaine aidant, la « RASD » a pu sauver in extremis sa peau.

Aujourd’hui, le Maroc est certes passé à l’offensive, mais il ne bénéficie plus de l’effet de surprise. Il avance désormais en terrain découvert se livrant aux tirs ennemis. « J’espère que ce qui s’est passé apprendra aux diplomates marocains à travailler plus sérieusement leurs dossiers », met en garde un ancien diplomate chérifien. Une remarque qui sonne comme un vœu pieu. En effet, deux semaines à peine se sont écoulées après le sommet du Rwanda, et tout le monde semble avoir déjà oublié cette épreuve.