Premier reportage sur le « califat » autoproclamé des djihadistes

Le journaliste Anglo-palestinien Medyan Dairieh s’est embarqué pendant 3 semaines, au cœur de l’Etat islamique « EI » pour l’agence américaine Vice News. C’est le premier reportage réalisé au sein de l’organisation terroriste ultra-radicale depuis l’établissement du « califat ». L’agence « Vice News est connue pour ses vidéos chocs tournées dans les endroits les plus dangereux au monde. Le site diffuse le 14 août 2014 un reportage vidéo de 43 minutes au cœur du fief djihadiste à Raqqa (Syrie)

Le mot d’ordre est clair dès les premières images du reportage : « nous, musulmans, sommes ceux qui veulent la charia sur cette terre… que la charia ne peut être établie ici que par les armes » !  La force semble être l’unique règle à suivre pour établir l’ordre et « ceux qui n’obéissent pas, seront forcés » réclame Abou Obida, le chef de patrouille la Hisbah, qui inspecte rigoureusement le quotidien des habitants.

Questionné sur les limites d’une telle implication de la police religieuse, Abou Mosa, chef du service presse de l’Etat, répond que leur rôle est « d’intervenir positivement » dans tous les aspects de la vie réelle. Ils contrôlent ainsi l’évolution des prix sur le marché, demandent sur le chemin à un mari de faire changer le tissu du voile de sa femme ou encore ordonnent à un commerçant d’enlever un poster où figurent « des infidèles ».« …Nous avons pour but de bâtir un Etat et non un groupe… On ne ramène pas les gens au temps des pigeons voyageurs … nous bénéficions de ce développement, mais de façon qui ne va pas à l’encontre de la religion…», ajoute avec précaution ce même membre du service presse.

Des têtes accrochées à des piquets

D’autres images, d’une violence inouïe, exposent les corps abandonnés sur les trottoirs  de soldats syriens de 17e division –tués fin juillet 2014- et leurs têtes accrochées à des piquets. Nombreux djihadistes, s’exprimant en arabe classique avec un fort accent tunisien, marocain ou encore belge, affirment rejoindre l’Etat islamique pour combattre les « infidèles et apostats ».  Un garçon de 9 ans explique joyeusement se rendre prochainement dans un camp d’entrainement à la Kalachnikov « pour combattre les américains et les russes…».

Le système scolaire strictement restreint à l’apprentissage des bases coraniques et à la charia est réservé aux garçons  de moins de 15 ans. Au-delà de cet âge, une fois « les principes et la religion » bien assimilés, les jeunes combattants doivent s’apprêter  aux opérations militaires « au nom de Dieu ». L’endoctrinement semble avoir été bien inculpé à tous. « Tous veulent se battre pour l’Etat islamique», explique un homme alors que les gamins se baignent dans l’Euphrate.

Neutralité ou empathie

Le journaliste Medyan Dairieh qui a obtenu, – selon Kevin Sutcliffe, chef de la rubrique actualités du site Vice en Europe, interrogé par le Huffington Post -, « un accès sans précédant au groupe en Irak et en Syrie », a été accompagné tout au long du reportage par les membres du « service presse » du califat -eux-mêmes des combattants- .

Cet exploit sans précédent, témoigne de la relation privilégiée que le journaliste a réussi à établir avec ce groupe. Même si l’absence de recul entre le journaliste et son sujet fait débat, le site « Vice » semble s’inscrire dans une stratégie qui vise à gagner leur confiance : ne pas émettre de jugement de valeur mais  se tenir à un traitement très factuel des faits.

Le positionnement du site Vice dans ce reportage met assez mal à l’aise. D’un côté, ils offrent au public une vidéo inédite permettant de voir de l’intérieur le fonctionnement de l’Etat Islamique, ce que personne n’avait pu réaliser auparavant. D’un autre côté, cette « neutralité » se transforme, paradoxalement, en un outil de propagande offert à l’Etat islamique (EI). Ce dernier n’utiliserait- t- il pas Vice, ses moyens et son audience, pour véhiculer sa vision conquérante et apocalyptique ? Ce site aux vidéos souvent très esthétiques, créé «pour et par une génération connectée », qui prétend avoir « un regard sans fard sur certains des événements les plus importants de notre temps », n’offre-t-il pas une formidable publicité à cette organisation qui se démarque de toutes les autres organisations terroristes par sa maitrise des outils de communication modernes ?

Interrogé sur la capacité du journaliste à rendre compte de la réalité alors qu’il était sans réelle liberté de mouvement, Kevin Sutcliffe reconnait que ce sont des voyages hautement « supervisés » et qu’ « on vous montre ce qu’il se passe… Essayer d’observer ce à quoi ressemble un Etat aussi conservateur… me paraissait être quelque chose de plus intéressant» ajoute-t-il.

Extrêmement actif, l’Etat Islamique (EI) est considéré aujourd’hui comme l’une des plus puissantes formations terroristes de l’Histoire. Parti de Raqqa, dans le nord de la Syrie, aux abords de Bagdad en Irak qui servent de territoire au « califat », il se trouve désormais, aujourd’hui aux portes de Maan, une ville au sud de la  Jordanie à 220 Km seulement de la capitale Amman

Voici le lien de la vidéo sur youtube, vous pouvez la visionner avec ou sans sous-titre:

Le site de Vice News original (Anglais):
https://news.vice.com/

Le site de Vice (Français) :
http://www.vice.com/fr/